Portrait de « Siel », ce jeune néonazi qui préparait une tuerie de masse sur le sol français

mardi 4 juillet 2023.
 

Récit du procès WaffenKraft – « Faire au moins 50 morts, faire pire que le Bataclan » : Alexandre Gilet, la menace terroriste d’extrême droite

Néonazis. Ce 19 juin 2023 s’est ouvert un procès historique sur l’île de la Cité à Paris : le premier procès pour terrorisme d’extrême droite à être jugé devant une cour d’assises en France. Le procès « WaffenKraft » (« puissance de feu » en allemand), du nom d’un groupe de conversation sur la plateforme Discord, qui rassemblait quatre jeunes néonazis. Ils ont aujourd’hui 22, 25, 26 et 27 ans. L’un d’eux était mineur au moment des faits. Son surnom : « Siel ». Outre la passion des jeux vidéo, ces quatre jeunes Français partageaient une fascination pour Adolf Hitler et pour Anders Breivik, le terroriste d’extrême droite qui a tué 77 personnes le 22 juillet 2011 à Oslo.

Le projet « WaffenKraft » ? Une tuerie de masse sur le sol français. Les cibles : un meeting de Jean-Luc Mélenchon, le rappeur Médine, des mosquées, la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA), le conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), des ministères, le Parlement européen, etc. L’objectif ? « Faire au moins 50 morts, faire pire que le Bataclan », selon les mots du leader du groupe, Alexandre Gilet.

L’insoumission.fr est présente à la deuxième journée d’audience ce mardi 20 juin 2023, et va continuer à couvrir le procès jusqu’au 30 juin. Cette première semaine est consacrée aux parcours de vie et aux personnalités des accusés. Enfance très difficile, violences intra-familiales, dépendance à l’alcool et aux stupéfiants, 10 ans en internat dans un climat de violence et grand attrait pour la pensée fasciste : nous avons choisi de vous brosser le portrait de « Siel », créateur de la discussion « WaffenKraft » sur Discord. Alors que la menace du terrorisme d’extrême droite, celle des tueries de masse, grandit, l’insoumission.fr vous raconte le récit d’un procès déterminant pour essayer de comprendre et de protéger le pays. Récit.

« De ce que j’ai compris, il y avait une crainte du mélange des sangs » : les grands-parents maternels de « Siel » témoignent à la barre

La grand-mère de « Siel » est appelée à la barre. Nous ne voyons pas son visage, ni celui de son petit-fils. « C’est celui qui porte la chemise rose », nous indique notre voisin La grand-mère revient sur l’enfance de son petit-fils. Elle est visiblement émue. Celle-ci évoque un TDAH (Trouble de l’Attention avec ou sans Hyperactivité, ndlr) et insiste sur le « parcours scolaire haché » de son petit-fils, marqué par 10 années dans un Institut thérapeutique, éducatif et pédagogique (ITEP). Dans cet internat, « Siel » « s’est retrouvé dans une école où les plus âgés étaient violents avec les surveillants, alors il s’est adapté », explique son aînée.

« Siel » faisait il état de ses idées politiques en famille ? « Il ne nous en parlait pas beaucoup, sauf en disant : ‘on est libre de ses idées’ », explique sa grand-mère maternelle. Celle-ci s’arrête pour réfléchir, avant de développer : « Il parlait de théoriciens d’extrême droite, pas uniquement nazis ». Le nom de « Maurras », fondateur de l’Action française, nationaliste, royaliste et soutien du régime de Vichy est lâché. La témoin décrit une « grande crainte des immigrés qui arrivaient. De ce que j’ai compris, il y avait une crainte du mélange des sangs ».

C’est au tour du grand-père de venir à la barre. Celui-ci revient sur l’enfance difficile de son petit-fils, décrivant pêle-mêle « une mère qui ne s’est jamais occupée de lui, qui l’a frappé, bipolaire » et un « alcoolique invétéré » comme père. Contrairement à la grand-mère, le grand-père affirme que « Siel ne partageait jamais ses discours ».

Une affirmation mise en doute par l’avocate de la LICRA, en se basant sur une conversation téléphonique mise sur écoute, entre la mère de « Siel » et le grand-père. « Je l’ai entendu dire que les noirs, les Arabes, de toute façon, ils étaient inférieurs aux blancs », expliquait alors le grand-père à sa fille. Devant la Cour, il assure être tombé récemment dans le coma, ce qui lui occasionnerait des troubles de mémoire.

« Je ne considère pas les Antillais comme Français, car ils descendent de l’esclavage » : que dit le rapport de l’expert psychiatre ?

Comme chaque accusé, « Siel » a passé un entretien avec un expert psychiatre, absent ce jour-là. Pour rendre compte de son travail, le président lit quelques passages de son rapport. Celui-ci permet de mieux comprendre la pensée du jeune homme. L’accusé « reconnaît avoir porté des armes, et à moitié ce qui lui est reproché ». Selon l’expert psychiatre, « Siel » fait l’éloge du nationalisme, « une doctrine sociale qui prend en compte son peuple ». « Il n’y a pas de culture sans ethnie, et une ethnie doit être respectée », affirme également l’accusé.

« Je ne considère pas les Antillais comme Français, car ils descendent de l’esclavage. Ce sont des afro-descendants », argue le jeune homme auprès de l’expert psychiatre. L’idéologie du personnage se précise progressivement, au fil de la lecture du rapport. « Chacun devrait retourner sur la terre de ses ancêtres », insiste « Siel ». Élément important : l’expert psychiatre assure ne trouver « aucun élément pour parler de pathologie psychiatrique ». « La perception de la réalité [de « Siel »] est normale », détaille-t-il.

« Ce qui m’a touché dans la pensée fasciste… » : À la barre, « Siel » revient sur son enfance et livre quelques éléments de son idéologie néonazi C’est au tour de « Siel » d’aller à la barre. Cheveux noirs coupés court, pantalon noir, chemise rose, les bras croisés dans son dos pour répondre aux questions de la Cour. L’accusé revient d’abord sur son enfance et son parcours scolaire. Celui-ci cite d’abord l’état psychologique très fragile de sa mère et revient sur cette trop longue période où ils vivent « avec 50-70 euros par semaine ». « Siel » est marqué par d’importantes violences intra-familiales : sa mère effectue une tentative de suicide, alors qu’il n’a que 5 ans. « Ma mère a eu un homme qui me prenait en photo sans vêtements. Il a forcé ma mère à avorter », relate-t-il également.

« Siel » insiste sur le choc de son entrée à l’ITEP, où il côtoie des jeunes qui « ne savent pas lire, écrire, qui parfois ne parlent pas français », le tout dans un climat de violence constant. « Il fallait s’imposer, il y avait un rapport de domination. Je me suis bien adapté. Trop sûrement », explique l’accusé. « Entre 12 et 17 ans, surtout à partir de 15 ans, j’étais anesthésié [par l’alcool et les stupéfiants], pour s’évader du cadre dans lequel on était », raconte l’accusé. De l’ITEP, l’accusé retient 10 années pas toujours très agréables, sans que cela soit une catastrophe, à rebours du discours de ses grands-parents maternels. « Siel » souligne néanmoins une déshumanisation dans la plupart des rapports qu’il entretient à l’ITEP.

La discussion « WaffenKraft » sur la plateforme Discord vient résoudre cette situation. « Je rencontrais enfin des gens normaux, avec qui je pouvais avoir de vraies discussions », détaille « Siel », créateur du groupe de conversation. « Ce qui m’a vraiment touché dans la pensée fasciste, c’est le côté social, le côté ordonné, crâne rasé, tenues noires… ». Plus tard, il affirme être « quelqu’un de très traditionnel. La tradition, la religion, la famille ne peuvent pas être mis de côté », souligne-t-il.

Se projette-t-il dans l’avenir aujourd’hui ? « Je pense que je me suis trouvé un but », dit-il en évoquant la reprise de ses études. « J’aimerais bien réussir ma vie et aider ma mère. S’il y a un bouillonnement aujourd’hui, il est tourné vers des choses plus saines pour moi », affirme-t-il. « Vous dîtes être allés ‘choper des nègres ? », interroge l’avocat général juste après. « Il m’est arrivé de participer à des bagarres. J’ai pu fréquenter des gens qui ont pu participer à ce genre d’expédition », avoue « Siel ».

Fin du deuxième épisode de notre récit du procès WaffenKraft.

Par Nadim Février


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