En Russie, le mirage du soutien à la guerre

jeudi 6 juillet 2023.
 

par Alexeï Sakhine et Lisa Smirnova

En mai, Kiev a multiplié les opérations sur le sol russe. Symboliques, ces actions peuvent-elles entamer le crédit du pouvoir ? Si l’effet de ralliement derrière le drapeau demeure, la critique des élites gagne également du terrain. Bien au-delà des seuls opposants à la guerre...

Àpremière vue, le bateau russe surnage dans la tempête qu’a déclenchée le Kremlin en attaquant son voisin ukrainien. Plus d’un an après le début de la guerre, l’économie du pays ralentit sans s’effondrer (— 2,1 % en 2022). À en croire les sondages, y compris ceux menés par les instituts indépendants du pouvoir, une majorité de la population continue de se dégager en faveur de la poursuite des opérations militaires. Pourtant, les fissures dans l’édifice de la société s’élargissent et d’étonnantes convergences s’opèrent : quelle que soit leur opinion sur la guerre, les Russes sont de plus en plus nombreux à se défier des « élites ». Déjà sensible avant le début de l’invasion en février 2022, le phénomène prend de l’ampleur.

Alors qu’un climat de peur s’installe en Russie, prendre le pouls de sa société relève du tour de force. La lecture des notes méthodologiques que joignent les instituts de sondage indépendants à leurs résultats apporte parfois des enseignements utiles. Ainsi de l’effondrement des taux de réponse. Selon Russian Field, prestataire en études marketing et enquêtes d’opinion, seuls 5,9 à 9,3 % des personnes interrogées répondent à l’intégralité de ses questions sur l’« opération militaire spéciale », un taux trois à quatre fois inférieur à celui des sondages réalisés avant le conflit. Dans l’une de ses enquêtes, en février dernier, l’institut proposait de choisir entre des mesures visant à intensifier l’offensive et d’autres en faveur de la paix. Seul 27 % de l’échantillon déclarait soutenir l’escalade, contre 34 % de personnes favorables à un chemin vers la paix.

Trois groupes se détachent. Le « parti de la guerre », qui, selon les enquêtes, représente entre 25 et 37 % des répondants, approuve la persécution des contestataires, se déclare prêt à sacrifier la politique sociale au profit d’objectifs militaires et condamne les déserteurs. Cette opinion est particulièrement bien représentée chez les personnes âgées et les tranches supérieures de revenus.


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