Les BRICS constituent-ils une avancée favorable aux travailleurs ? (tribune)

mercredi 8 janvier 2025.
 

Après des diverses réactions consécutives au sommet des BRICS à Kazan, dans la continuité de l’approche multilatérale économico – politique préconisée par Marx et Lénine, nous essayons de répondre à la question : les BRICS constituent-ils une avancée allant dans le sens de l’intérêt des travailleurs ?

Cette approche multilatérale me semble être la seule qui permette de ne pas être prisonnier d’un biais idéologique particulier.

Les diverses réactions ou sommet de Kazan

En analysant les réactions concernant le sommet de Kazan, on assiste à la manifestation de 3 types de biais cognitifs de boutique ou dite autrement partisans.

Le biais souverainiste de droite ou de gauche : le sommet a été 1 succès car il remet en cause l’hégémonie économique et idéologique des États-Unis et de ses vassaux européens. En outre, il a été créé un nouveau statut : celui de partenaires en attente d’une décision définitive pour l’adhésion aux BRICS.

Pour l’instant, il en existe 13 au total dont 10 pour l’Asie, deux pour l’Afrique et un pour l’Amérique du Sud.

D’autre part, il y a environ une quarantaine de pays qui veulent adhérer aux BRICS.

Le biais narcissique : c’est celui de la boutique Atlantique et libérale : le sommet, c’est du cirque, 1 kermesse. Ce mépris cache en réalité une colère face a cette remise en cause du leadership occidental ; cette colère est d’autant plus forte que le sommet de 2024 a été dirigé par Poutine, « l’homme à abattre. »

Le biais de focalisation d’une certaine lorgnette anticapitaliste et anti FMI : le sommet de Kazan accouche d’une souris et ne constitue pas 1 alternative car les pays des BRICS défendent 1 politique capitaliste néolibérale, de libre-échange et ne remettent pas en cause fondamentalement les institutions comme le FMI.

N’étant pas nécessaire de critiquer sur le fond les pays des BRICS puisque tous sont capitalistes, la critique se portera sur des difficultés à surmonter des divergences internes ou des analyses techniques d’institutions financières présentant des insuffisances ou autres.

Il n’aura échappé à personne, et il n’est pas nécessaire d’être 1 expert en matérialisme historique, pour savoir que les pays des BRICS sont des pays capitalistes où les travailleurs sont exploités. J’ai rappelé dans mon article « Retour à Marx » comment s’effectue précisément cette exploitation de la force de travail et comment se forme le taux de profit.

Ces pays ne remettent pas en cause les institutions financières internationales mais demandent simplement à y figurer d’une manière équitable au regard de leur puissance économique et démographique. On Peut imaginer qu’un rééquilibrage pourrait permettre par exemple d’avoir un fonctionnement du FMI plus démocratique et plus favorable aux pays d’Afrique par exemple, sans sombrer pour autant dans l’angélisme..

2 – Les BRICS constituent-ils 1 alternative à la puissance occidentale ?

Oui et non : tout dépend sur quel plan on se place.

Non, si l’on invoque le système économique : ce sont des pays qui sont attachés à l’économie de marché et au capitalisme avec 1 rôle de l’État pouvant varier d’un pays à l’autre. Ils sont aussi attachés au libre-échange et ne remettent pas en cause l’existence des institutions financières internationales actuelles.

Une alternative éco socialiste ? Il n’en n’est évidemment pas question.

Pour reprendre une expression du Monde diplomatique de novembre 2024, on pourrait parler d’un anti impérialisme de marché.

Oui, si l’on se place sur le plan géopolitique : les BRICS annoncent 1 monde multipolaire mettant fin à l’hégémonie des États-Unis et de ses vassaux. Cela peut avoir des conséquences positives pour la paix mondiale est le droit international.

L’hégémonie financière nord américaine a montré avec la crise de 2008 les conséquences désastreuses sur l’économie d’un certain nombre de pays : baisse du pouvoir d’achat, chômage massif, etc.

comme l’a bien montré Marx, on ne peut séparer la politique et l’économie et au niveau planétaire la géopolitique et l’économie de chaque pays.

Concevoir les échanges commerciaux comme le « doux commerce » de Montesquieu et le commerce à coups de sanctions et de canons, ce n’est pas la même chose et cela n’a pas les mêmes effets sur la vie des travailleurs alors même si les BRICS ne défendent pas 1 système éco socialiste, sur le plan géopolitique, ils constituent 1 alternative pacifique au système actuel plus favorable au travailleur. Nous allons voir pourquoi.

Les réactions au sommet de Kazan peuvent se classer en trois catégories chacune possédant son propre biais cognitif, comme nous l’avons vu ci-dessus.

Le premier biais cognitif, celui des souverainistes de droite et de gauche, consiste à minimiser ces capitalistes sur le plan économique et à privilégier les rapports de force géopolitiques.

Le biais narcissique a pour effet de nier la réalité de l’avènement d’une nouvelle configuration des rapports de force géostratégiques. Cela peut avoir comme conséquence une récession économique des pays occidentaux notamment ceux de l’union européenne.

Le troisième biais consiste à projeter narcissiquement ses désirs d’émancipation anticapitaliste en constatant évidemment que ces désirs ne sont pas réalisés, c’est le moins qu’on puisse dire, mais consiste à sous-estimer gravement la dimension des rapports de force géopolitique notamment par rapport aux États-Unis et de leurs conséquences concrètes sur la vie des peuples et des organisations syndicales et politiques des travailleurs dans chaque pays.

Le bradage d’une partie de l’industrie française au USA par des dirigeants a eu de lourdes conséquences sur la main-d’œuvre industrielle française ; les sanctions économiques de la France et de l’union européenne en accord avec le gouvernement américain ont eu des effets désastreux sur l’économie française et allemande qui sont maintenant en récession.

Je ne parle pas des millions de morts causés par les interventions américaines et qui impactent la vie, au sens strict, des « travailleurs », puisqu’il faut à tout prix utiliser ce nom !

À l’inverse, les États-Unis ont tiré tout bénéfice de ce positionnement géostratégique contre la Russie.

Mais ce qui échappe encore plus à cette « analyse anticapitaliste, ce sont toutes les opérations de déstabilisation intérieure consistant a infiltrer les oppositions, en les instrumentalisant idéologiquement et financièrement, pour faire tomber les régimes politiques qui ne sont pas alignés sur les exigences de l’impérialisme américain. Ce genre de déstabilisation peut conduire à un coup d’état déguisé voir même à une guerre.

Cette infiltration peut provoquer aussi l’implosion d’un mouvement d’opposition anticapitaliste par division interne lorsque ce mouvement acquiert une audience importante dans la population.

Et au final, qui paie la note de cette déstabilisation ? Les travailleurs victimes de cette instrumentalisation intrusive. Le nouveau régime politique mis en place est généralement beaucoup plus prédateur et destructif que le précédent. Mais encore faut-il ne pas se laisser berner comme un gamin par un narratif construit par les services de renseignements anglo-saxon et nord-américain qui prétendent que ces coups d’état sont des révolutions démocratiques.

Toutes les informations sont disponibles sur Internet en consultant différents sites alternatifs pour ne pas se laisser piéger. Mais cela demande du temps et le courage de penser par soi-même en se débarrassant des biais idéologiques imposés par un narratif dominant ou issus de sa propre boutique politique.

Cuba, le Venezuela, la Russie et les ex républiques soviétiques périphériques sont non seulement encerclés militairement par des bases de l’OTAN mais soumises à des intrusions de déstabilisation fomentées par les services de renseignement nord-américains. Mais on préfère parler « des « droits de l’homme » bafoués dans ces infâmes régimes autoritaires, les BRICS. Référons-nous à la Charte des Nations Unies, paragraphes : 2 et : 4 qui réaffirme la souveraineté des états nations et l’interdiction d’ingérence étrangère (infiltration de déstabilisation, aides financières et armées à des opposants politiques, par exemple). Elle s’oppose ainsi aux opérations de déstabilisation politique et militaire des États-Unis mais aussi de tout autre nation.

Rappelons que les États-Unis disposent de 845 bases militaires dans le monde, la fédération de Russie 15 (1 en Syrie et 14 dans les ex républiques soviétiques), la Chine en dispose de 5.

Rappelons que depuis sa création, les États-Unis ont participé à 392 conflits armés dont 248 sont à son initiative.

Construire un nouvel ordre multipolaire où chaque État dispose de sa souveraineté et refuse d’exercer son hégémonie sur les autres constitue un progrès pour la paix et donc la vie des travailleurs par rapport à un monde unipolaire où les états occidentaux préfèrent la confrontation à la coopération.

Il n’est pas inutile de noter que pendant le conflit en Ukraine, de 2014 à 2022 les occidentaux ont refusé quatre propositions de paix et que depuis le 24 février 2022, ils en ont refusé 3.

D’autre part, on nous fait oublier cette évidence : l’Occident a conservé son bloc militaire de l’OTAN mais la fédération de Russie a dissous le pacte de Varsovie.

Voir par exemple les études des spécialistes du renseignement Jacques Baud et Éric Dencé Responsable du centre français d’études et de recherche sur le renseignement.

De nombreux pays dans le monde ont compris que le camp de la paix était celui des BRICS et non pas celui des États-Unis d’Amérique et de l’union européenne. Ainsi, l’Occident s’isole du monde et notamment des pays producteurs de richesses dont il est dépendant.

**Hervé Debonrivage

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