Le président du Rassemblement national a prétendu que « ne pas avoir de condamnation à son casier judiciaire » est la « règle numéro 1 » pour être candidat de sa formation. Mediapart liste pourtant une dizaine de parlementaires ou de personnalités investies qui dérogent à la règle. Dont Marine Le Pen et le parti lui-même. https://www.mediapart.fr/journal/po...[QUOTIDIENNE]-quotidienne-20241119-205758&M_BT=1489664863989
Grande nouvelle : un casier judiciaire vierge est nécessaire pour être investi·e par le Rassemblement national (RN) à une élection. C’est en tout cas ce qu’a prétendu le président du parti Jordan Bardella le 18 novembre sur le plateau de BFMTV. « C’est une règle numéro 1 quand on veut être parlementaire de la République », a-t-il affirmé, avant de prétendre que « c’est toujours la politique [que son parti a] suivie ».
Les contre-exemples sont pourtant légion, et concernent même certain·es cadres important·es de son parti, au premier rang desquel·les figure Marine Le Pen, condamnée deux fois en appel pour diffamation en 2011 et 2024, et pourtant triple candidate à l’élection présidentielle et quadruple candidate aux élections législatives après sa première condamnation.
Quant à savoir si cette règle édictée par Jordan Bardella s’appliquera à une éventuelle candidature à la présidentielle de Marine Le Pen si celle-ci est condamnée dans l’affaire des assistants parlementaires du RN, la réponse a semblé moins évidente pour le président du parti, qui a pourtant commencé par affirmer que « ça vaut pour tout le monde ».
« Si au début de l’année, les juges décident de condamner [Marine Le Pen], peu importe la condamnation : il y aura un appel. L’appel vous rend plus blanc que blanc », a-t-il affirmé. Très bien, mais en cas de condamnation en appel ? « L’appel ne confirmera pas puisque Le Pen est totalement innocente », a-t-il esquivé.
Mediapart a pourtant recensé au moins une dizaine de cas de parlementaires ou de personnalités investies qui dérogent à la règle.
Le parti lui-même a été condamné en 2020 pour recel d’abus de biens sociaux dans l’affaire du financement des campagnes 2012 (condamnation définitive, confirmée en appel en 2023 et par la Cour de cassation en 2024).
Députée du Pas-de-Calais
La députée du Pas-de-Calais a été condamnée pour diffamation à deux reprises : en 2011 (en appel) pour des propos tenus à l’encontre d’un ancien cadre du FN, et en septembre 2024 (en appel) pour des propos à l’encontre de l’association d’aide aux migrants, la Cimade.
Maire de Perpignan
Premier vice-président du RN et maire de Perpignan, Louis Aliot a été condamné pour diffamation (en appel) en 2011, dans la même affaire que Marine Le Pen. Il a ensuite été le candidat investi par le RN lors des élections européennes de 2014, des élections législatives de 2017 et pour les élections municipales de 2014 et 2020 à Perpignan.
Candidate aux législatives 2024 en Mayenne
Investie aux dernières législatives, en Mayenne, la candidate RN brouille les pistes. En tout cas, elle ne se présente plus comme dans le passé sous le nom de son défunt mari, Jaccoud. Une identité qui la ramène à un certain article de Ouest-France publié en 1995. On y apprend qu’une certaine Mme Jaccoud (alias Annie Bell) avait réalisé une prise d’otage dans la mairie d’Ernée à l’aide d’une carabine dissimulée sous son manteau. Un coup de feu avait été tiré mais s’était heureusement logé dans l’huisserie d’une fenêtre. La cause de cette prise d’otage ? Son entreprise de maroquinerie avait fait faillite et son couple croulait sous les dettes. Au moment de la prise d’otage, elle était déjà au FN. Contacté, le RN Mayenne n’avait pas répondu à nos questions à propos de celle qui exerce la fonction de trésorière en son sein.
Député du Pas-de-Calais
Le député du Pas-de-Calais, conseiller municipal d’Hénin-Beaumont et ancien conseiller spécial de Marine Le Pen, a été condamné pour diffamation en 2017 pour avoir proféré, dans le journal de la ville, ce qui était perçu comme des accusations de favoritisme visant la fille d’un ancien maire socialiste. Cette condamnation, confirmée en appel (2018) et devant la Cour de cassation (2019), est définitive.
Député du Var
En 2000, alors secrétaire adjoint du MNR de Bruno Mégret, Frédéric Boccaletti a été condamné à un an de prison dont six mois ferme pour « violence en réunion avec arme » à la suite d’une altercation avec un groupe de jeunes lors d’un collage d’affiches nocturne. Les deux parties s’était respectivement traitées de « sales Nègres » et de « sales fachos », selon le récit de l’audience dans Le Monde. Questionné sur cette affaire par Mediapart en 2022, le député avait répondu : « Il n’y a jamais eu de blessés. Il y a une erreur, j’ai payé pour ça. 22 ans après, on peut peut-être laisser ça de côté. » Il avait purgé quatre mois et demi à la prison de Toulon.
À l’époque, ce passage par la case prison n’a pas freiné son parcours politique. Dès l’année suivante, il a été investi candidat aux municipales de Six-Fours-les-Plages (en sixième position sur la liste FN). En 2009, il a réintégré officiellement le Front national, en 2010 il a pris la direction de la campagne de Jean-Marie Le Pen aux élections régionales, puis celle de sa petite-fille Marion Maréchal en 2015. Pendant plus de vingt ans, il a enchaîné les campagnes électorales (municipales, départementales, régionales et législatives). Élu puis réélu conseiller régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur depuis 2010, il est devenu successivement secrétaire général puis président du groupe FN au conseil régional. En juin 2022, il a été élu député sous les couleurs du RN, et réélu aux dernières législatives.
Candidat aux législatives 2024 dans le Maine-et-Loire
Investi par la liste d’union Ciotti-RN aux dernières législatives, dans le Maine-et-Loire, le maire et député de Cholet a été condamné en 2022 pour outrages à l’encontre de quatre fonctionnaires de l’inspection du travail et de l’Urssaf au cours d’un contrôle ; mais aussi pour des injures publiques proférées à l’encontre du journal Ouest-France (il a saisi la Cour européenne des droits de l’homme), et en septembre 2024 pour prise illégale d’intérêts.
Poursuivi pour apologie de crime contre l’humanité pour avoir déclaré, en 2013, à propos de gens du voyage installés sur un site de sa commune, qu’« Hitler n’en a peut-être pas tué assez », sa condamnation a finalement été annulée en 2015 par la Cour de cassation, qui a estimé que l’élu n’avait pas souhaité rendre publics ces propos.
Député sortant de Gironde
En 2012, Grégoire de Fournas est condamné à une amende pour dégradation d’une fresque municipale, après une action du Bloc identitaire Aquitaine, dont il était un cadre. Il a par la suite été investi par le RN pour les élections législatives de 2022, qu’il a remportées, et de 2024, lors desquelles il a perdu son siège de député. N’ayant pas fait appel à l’époque, sa condamnation est définitive. Interrogé par Le Monde, l’entourage de Jordan Bardella avait à l’époque déclaré : « Il a fait de l’agit-prop quand il était jeune et a quitté ça pour faire de la politique sérieuse en adhérant au RN. Il ne l’a jamais caché, c’est totalement un non-sujet pour nous. »
Députée européenne
Proche de Marine Le Pen dont elle a été l’assistante parlementaire (le parquet a requis contre elle 18 mois de prison avec sursis, 50 000 euros d’amende et deux ans d’inéligibilité dans l’affaire des assistants parlementaires du RN), l’eurodéputée a été condamnée en 2006 par le tribunal correctionnel d’Annecy pour travail dissimulé et entrave à l’exercice des fonctions d’un inspecteur du travail.
Conseiller régional de Bretagne
Conseiller régional RN de Bretagne depuis 2021 et candidat aux dernières législatives dans le Morbihan, Florent de Kersauson a été condamné en février 2024 par la cour d’appel de Rennes pour abus de pouvoir et abus de biens sociaux. Le 12 juin, il devait aussi être jugé pour abus de confiance, faux et usage de faux, abus de pouvoir et abus de biens sociaux : absent à l’audience (qui a été renvoyée) pour raisons de santé, cela ne l’avait pas empêché d’être investi le jour-même pour les législatives.
Il est accusé d’avoir utilisé l’argent du fonds d’investissement qu’il présidait, Nestadio Capital, pour renflouer d’autres sociétés ou y investir, au lieu de verser des dividendes aux souscripteurs. Le fonds a été liquidé fin 2021. L’argent s’est évaporé, et les créances se montent aujourd’hui à 2,4 millions d’euros, selon l’une des parties au dossier. Dans leur arrêt, en février, les magistrats ont pointé « la particulière mauvaise foi » de Florent de Kersauson et la « malice dont il a fait preuve pour dissimuler ses malversations ». L’élu s’est pourvu en cassation.
Conseiller régional d’Occitanie
À la tête du RN dans les Hautes-Pyrénées, conseiller régional d’Occitanie et investi aux dernières législatives, Olivier Monteil avait publié en 2016 sur son profil Facebook une note d’information interne du commissariat de Lourdes contenant les adresses de sites accueillant des réfugiés, pour dénoncer la présence de « 250 “migrants” logés, nourris et soignés gratuitement, et même payés aux frais du contribuable ». Il a été condamné en 2018 pour recel de bien provenant de la violation du secret professionnel.
Conseiller régional d’Île-de-France
Conseiller régional d’Île-de-France et ancien trésorier du parti, Wallerand de Saint-Just a été définitivement condamné pour recel d’abus de biens sociaux dans l’affaire du financement des campagnes 2012 et condamné en 2021 pour diffamation envers Xavier Niel.
Youmni Kezzouf et Marine Turchi
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