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Monsieur le président Macron manque à tous ses devoirs en matière de respect de la laïcité. Dans l’exercice de ses fonctions, au premier rang des fidèles en prière, et non à titre privé, il se permet d’assister à une messe donnée à Notre-Dame de Paris à l’occasion de sa restauration. Ce faisant il enfreint la nécessaire neutralité, requise quand on prétend représenter tous les Français, et non les seuls catholiques. C’est une faute grave, qui contrevient à la Constitution de la République française, définie entre autres comme laïque et sociale.
Il est inacceptable que la plus haute autorité de l’État ne s’interdise pas un tel acte partisan, irrespectueux des humanistes athées ou agnostiques, qui constituent plus de la moitié de la population française. Il serait bon que le Conseil constitutionnel rappelle la règle à Monsieur Macron. D’ores et déjà, et pour éclairer sa lanterne, on évoquera ici deux précédents célèbres d’hommes d’État qui dans des circonstances similaires ont su respecter la laïcité.
Le premier exemple est celui de Benito Juárez, président de la République mexicaine de 1858 à 1863, puis de 1867 à sa mort. Lisons son récit « Il existait à l’époque une coutume légale dans cet État comme dans d’autres d’organiser un Te Deum au moment de l’entrée en fonction du gouverneur. Les autres autorités y étaient invitées avec lui dans la cathédrale, au portail de laquelle les ecclésiastiques sortaient pour les accueillir… Je pris alors la décision de ne pas assister au Te Deum, non par peur du clergé, mais en raison de ma conviction selon laquelle les autorités politiques de la société civile ne doivent pas assister en tant que telles à aucune cérémonie religieuse, alors qu’en tant qu’individus ils peuvent se rendre aux lieux de culte pour y pratiquer les actes de dévotion que leur dicte leur religion. »
La décision de Benito Juarez est exemplaire dans la distinction très claire qu’il fait entre la responsabilité officielle d’un dirigeant politique et la dimension privée qui peut être la sienne en dehors de ses fonctions. Il faut rappeler ici que Benito Juarez a fait voter la séparation de l’État mexicain et de l’Église (Ley de reforma, 1862). Et ce dans un pays très catholique. Un beau démenti à opposer aux adversaires de la laïcité qui prétendent que la France est la seule à l’affirmer.
Le deuxième exemple concerne une décision semblable de Georges Clemenceau pour un Te Deum également. Le 11 novembre 1918, l’archevêque de Paris invite le président du Conseil Georges Clemenceau au Te Deum qui aura lieu à la cathédrale Notre-Dame de Paris, en hommage à tous les morts de la guerre qui vient de s’achever.
Georges Clemenceau dissuade le président de la République, Raymond Poincaré, de s’y rendre, et il répond par un communiqué officiel. « Suite à la loi sur la séparation de l’Église et de l’État, le gouvernement n’assistera pas au Te Deum donné à Notre-Dame. Mmes Poincaré [femme du président de la République] et Deschanel [femme du président de la Chambre des députés] n’étant pas membres du gouvernement pourront par contre y assister. »
C’est non
Concluons. Les responsables politiques d’un État laïque, à quelque niveau que ce soit, peuvent-ils assister à des offices religieux dans l’exercice de leurs fonctions ? Benito Juárez et Georges Clemenceau répondent. C’est non. Voilà une belle jurisprudence, conforme au droit républicain et laïque.
Le 10 avril 2018, Monsieur Macron avait osé affirmer ceci : « Nous partageons confusément le sentiment que le lien entre l’Église et l’État s’est abîmé, et qu’il vous importe à vous comme à moi de le réparer ». Il voulait oublier, dans la confusion qui était la sienne, que depuis la Loi de séparation de l’État et des Églises, ce lien n’existe plus. « L’État chez lui, l’Église chez elle » (Victor Hugo). Monsieur le Président, n’abîmez pas la République laïque et sociale !
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