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Dès son premier jour de mandat, Donald Trump a signé une centaine de décrets et adopté un style qui rappelle Benito Mussolini. Le 47e président des États-Unis, investi lundi 20 janvier, a décrété notamment « l’urgence nationale » à la frontière sud au nom de la lutte contre l’immigration, la sortie de l’accord de Paris sur le climat, ou encore la suppression des politiques en faveur des personnes transgenres.
« Nous avons gagné, et maintenant le travail commence. » Investi seulement depuis quelques heures, lundi 20 janvier, Donald Trump fait déjà le spectacle. Devant près de 20 000 de ses partisan·es réuni·es à la Capital One Arena, une arène sportive de Washington, le républicain a pris place derrière un petit bureau installé dans le recoin d’une scène couverte de moquette rouge.
Il signe des documents que lui tend un collaborateur, sous le regard du nouveau vice-président J. D. Vance et de proches assis derrière lui. Il s’agit de décrets et d’autres décisions exécutives visant à mettre en application certaines de ses promesses – ou du moins à en donner l’illusion.
Ainsi, d’un coup de stylo, le nouvel homme fort de Washington acte le retrait des États-Unis (une deuxième fois) de l’accord de Paris sur le climat et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il met fin au télétravail pour les employé·s fédéraux et ordonne à son gouvernement de « conserver » et de « révéler » toute archive relative à des poursuites judiciaires qui pourraient s’assimiler à de la « persécution politique » sous la présidence de Joe Biden.
Il a aussi paraphé un décret qui prévoit de « rétablir la liberté d’expression » en prohibant la « censure » pratiquée selon lui par le gouvernement sous couvert de lutte contre la désinformation. « Vous assistez à l’aube d’un nouvel âge d’or », a-t-il dit.
D’ordinaire, ce genre de signatures se fait à la Maison-Blanche, mais pas pour l’ancienne star de télévision pour qui l’art du divertissement n’a aucun secret. Dans la salle, la foule apprécie le spectacle. « Papa est de retour ! », hurle une femme dans les gradins. D’autres entonnent le cri de guerre lancé par leur champion quand il s’est relevé, l’oreille en sang, juste après sa tentative d’assassinat en Pennsylvanie, en juillet 2024 : « Fight, fight, fight » (« Battez-vous ! »).
Sans surprise, Donald Trump a donc commencé le détricotage des actions du gouvernement Biden, qu’il a encore qualifié lundi de « pire administration de l’histoire des États-Unis » et tenu pour responsable de « l’invasion » du pays par des migrant·es. Au total, il a signé une centaine de documents à différents moments de la journée, de la création de « DOGE », la commission pilotée par le milliardaire Elon Musk pour réduire drastiquement le budget fédéral, à l’élimination de mesures environnementales prises sous Joe Biden (soutien à l’éolien, interdiction des forages pétroliers dans certaines zones naturelles…).
Il a aussi pris la décision hautement controversée de gracier presque tous les 1 500 individus condamnés pour leur participation à l’attaque du Capitole le 6 janvier 2021. Parmi les chanceux et les chanceuses figure Enrique Tarrio, le leader de la milice d’extrême droite « Proud Boys », qui fut l’un des artisans de l’assaut. Sur la scène de la Capital One Arena, Donald Trump avait appelé ces insurgé·es des « otages ». Un choix de mot particulièrement hasardeux sachant que des familles de vrai·es otages, détenu·es par le Hamas ou tué·es en captivité, se trouvaient à ses côtés à ce moment-là.
Nombre de décisions prises lundi ont porté sur l’immigration, l’un des principaux thèmes de campagne du républicain. Ainsi a-t-il déclaré que l’arrivée de migrant·es sans papiers via la frontière sud était « une urgence nationale », ce qui lui permet de mobiliser les forces militaires pour sécuriser la zone et reprendre la construction de son mur. Il a également mis un terme à un programme du gouvernement Biden qui autorisait les migrant·es à venir aux États-Unis en attendant de comparaître devant un juge de l’immigration.
Lors de son discours d’investiture, prononcé dans la foulée de sa prestation de serment au Capitole, il a répété son intention de mettre en œuvre un vaste plan d’expulsions pour « renvoyer chez eux des millions et des millions d’immigrés criminels ». Il a invoqué une loi de 1798 (« Alien Enemies Act ») pour mobiliser l’armée contre les gangs étrangers actifs sur le sol états-unien. « En tant que commandant en chef, je n’ai pas de plus haute responsabilité que de défendre notre pays contre les menaces et les invasions. Et c’est exactement ce que je vais faire », a-t-il dit.
Se posant comme le défenseur de la « révolution du bon sens », il a aussi promis de revenir sur les initiatives de promotion des identités raciales et de genre au sein du gouvernement fédéral, notamment l’armée. En effet, la droite MAGA estime que ces politiques ont conduit à l’affaiblissement des forces militaires en les détournant de leur mission première. « Il n’y a que deux genres : homme et femme. Cela sera la position des États-Unis », a-t-il dit.
Les États-Unis se considéreront à nouveau comme une nation en croissance, une nation qui augmente sa richesse, étend son territoire [...] vers de nouveaux et magnifiques horizons.
Trump a également redit ses aspirations expansionnistes. Il a annoncé que le golfe du Mexique serait rebaptisé « golfe de l’Amérique » et a fait part de son intention de reprendre le canal de Panamá, « contrôlé par la Chine ». Évoquant la poursuite de la « destinée manifeste », théorie qui justifia au XIXe siècle l’agrandissement du territoire états-unien vers l’ouest, il a suggéré de « planter la bannière étoilée sur Mars », pour le plus grand plaisir d’Elon Musk, patron de la compagnie d’exploration spatiale SpaceX (et accessoirement grand donateur de sa campagne électorale).
Ce dernier s’est présenté quelques heures plus tard devant le public de la Capital One Arena les poings levés, visiblement en extase. « Le futur de la civilisation est assuré », a-t-il dit. Sur scène, il a fait à deux reprises un geste calqué sur le salut nazi, comme l’a par exemple relevé l’historienne du fascisme Ruth Ben-Ghiat.
Donald Trump a exprimé lundi des doutes quant à la solidité du cessez-le-feu entre Israël et le mouvement islamiste Hamas dans la bande de Gaza. « Ce n’est pas notre guerre, c’est la leur. Mais je ne suis pas confiant », a répondu le président états-unien à une journaliste qui lui demandait s’il pensait que les armes allaient se taire durablement entre les deux belligérants dans le territoire palestinien dévasté.
Donald Trump a exercé une intense pression sur les deux camps pour qu’un accord soit conclu avant son investiture.
À peine arrivé à la Maison-Blanche lundi, le républicain a révoqué un décret de son prédécesseur Joe Biden qui avait permis de sanctionner des colons israéliens accusés de violences contre des Palestiniens en Cisjordanie. Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, l’avait auparavant félicité, lui promettant « les plus beaux jours » des relations entre les deux pays dans les années à venir. « Je pense que retravailler ensemble va porter l’alliance États-Unis-Israël à de plus hauts sommets encore », avait-il ajouté.
Nétanyahou a également déclaré lundi vouloir s’assurer que la bande de Gaza « ne présente plus jamais de menace pour Israël », après avoir auparavant dit qu’il se réservait le droit de reprendre la guerre contre le Hamas.
« Les États-Unis se considéreront à nouveau comme une nation en croissance, une nation qui augmente sa richesse, étend son territoire, construit ses villes et porte son drapeau vers de nouveaux et magnifiques horizons », a déclaré Donald Trump pendant l’investiture.
Venu avec ses deux enfants de l’Illinois, Rob Atkins est aux anges. « Il est temps de remettre les adultes aux manettes. Nous avons perdu quatre ans. » Il a fait la queue des heures dans le froid de Washington pour assister à la retransmission de l’investiture sur écrans géants à la Capital One Arena. Heureusement, il a pu se réchauffer en huant les démocrates et certains républicain·es (notamment George W. Bush et l’ex-vice-président Mike Pence, le « traître » du 6 janvier) quand ils et elles ont fait leur apparition sur le « jumbotron » suspendu au plafond de l’arène.
« J’espère qu’il va nous en mettre plein la vue de manière à ce que les gens qui doutaient décident de rejoindre durablement le Parti républicain », déclare Amanda, une Californienne coiffée de l’habituelle casquette rouge « Make America Great Again », le slogan trumpiste.
Mary Ann explique être fière de son pays de nouveau. « Le retour au pouvoir de Trump nous donne l’opportunité de reprendre le contrôle de nos vies. S’il n’avait pas été élu, nous aurions dit au revoir aux États-Unis tels que nous les connaissons, dit-elle. Tout ce qui s’est passé ces quatre dernières années nous a ôté notre fierté d’être américains. » Le Trump de 2025 est-il différent de celui de 2017 ? « Il est plus fort, concentré et rompu à l’exercice du pouvoir. Il sera plus discipliné, comme on l’a vu pendant la campagne. »
« Le sentiment aujourd’hui est très différent de 2016. Il y a plus d’optimisme car le peuple américain s’est dressé en bloc pour le soutenir, estime Ron Eggers, dans sa casquette noire avec les numéros « 45-47 » (Donald Trump est à la fois le 45e et 47e locataire de la Maison-Blanche). Je sais qu’il nous écoutera. »
Alexis Buisson
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