Gilets jaunes : le policier qui a éborgné Jérôme Rodrigues sera jugé par la cour criminelle

mercredi 5 février 2025.
 

Le lancer de grenade de désencerclement n’était pas justifié. Pour avoir éborgné Jérôme Rodrigues, figure du mouvement des gilets jaunes, lors d’une manifestation en janvier 2019 à Paris, le policier Brice C., 34 ans, sera jugé par la cour criminelle départementale de Paris pour « violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente par personne dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice de ses fonctions », ont ordonné ce vendredi 24 janvier deux juges d’instruction. Ce crime est passible de quinze ans de réclusion criminelle.

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« Brice C. a une position constante depuis le début du dossier, à savoir qu’il ripostait à des jets de projectiles que son groupe et lui recevaient. Il n’a jamais voulu viser qui que ce soit, il a simplement voulu mettre un terme à une agression qu’il subissait avec son groupe », ont déclaré ses avocats, Mes Sébastien Journé et Gilles-William Goldnadel, qui ont annoncé faire appel de l’ordonnance des juges d’instruction. Et de poursuivre : « Nous sommes convaincus que nous arriverons à obtenir qu’il soit mis hors de cause. »

Le renvoi de Brice C. devant une cour criminelle « est l’aboutissement du combat des victimes de violences policières pendant le mouvement des gilets jaunes », a réagi Me Arié Alimi, l’avocat de Jérôme Rodrigues, 45 ans, qui a définitivement perdu l’usage de son œil droit. Ce dernier a été selon Me Alimi « la victime expiatoire de la toute-puissance de la violence d’Etat et de la brutalisation du maintien de l’ordre » et « a été moqué, comme tous ceux qui ont perdu un œil, par les forces de l’ordre et les syndicats de police ». « Derrière le policier […], c’est la police nationale, la préfecture de police de Paris et la politique d’Emmanuel Macron pendant le mouvement des gilets jaunes qui seront jugées », a ajouté Me Alimi.

« Le groupe de Jérôme Rodrigues n’était pas violent »

Le 26 janvier 2019, Brice C., membre d’une compagnie d’intervention (CSI), agissait dans le cadre d’une manifestation tendue des gilets jaunes place de la Bastille. De nombreux jets de projectiles de manifestants sur les forces de l’ordre avaient nécessité l’usage d’un engin lanceur d’eau et de grenades lacrymogènes, rappellent les deux magistrats. C’est dans ce contexte que Jérôme Rodrigues avait été blessé à l’œil. Les juges d’instruction considèrent que les témoignages et vidéos analysées ont permis d’établir que « le groupe au sein duquel évoluait Jérôme Rodrigues n’était pas violent » donc ne constituait pas « un attroupement violent […] susceptible de permettre l’usage de la force publique ».

« La doctrine d’emploi de cette arme, dont le caractère dangereux était largement établi et connu, était assez claire et stricte : elle ne pouvait être utilisée que dans des circonstances d’encerclement et de prise à partie par un groupe hostile précis, ce qui n’est pas le cas », insistent les magistrats, qui écartent donc la légitime défense. Pour eux, « aucun des éléments de ce contexte tendu contemporain du lancer de [grenade] n’a pu justifier ce dernier ».

Non-lieu en faveur d’un second policier

En revanche, les juges d’instruction ont ordonné un non-lieu en faveur d’un second policier, soupçonné d’avoir blessé à la jambe Michaël, un ami de Jérôme Rodrigues, par un tir de lanceur de balles de défense (LBD). Une expertise criminalistique a conclu que la trajectoire du tir effectué par le policier n’était pas dirigée vers Michaël et n’avait donc pas pu l’atteindre. « Les images étudiées ne permettent pas d’expliquer quand ni comment » il a été blessé à la jambe, constatent les juges. Les deux fonctionnaires de police avaient été mis en examen en janvier 2021 pour avoir blessé les deux hommes.

Lors de cette journée de manifestation à Paris, 18 manifestants avaient été blessés dont un en urgence absolue – Jérôme Rodrigues – un policier et six CRS légèrement blessés, six établissements bancaires et cinq commerces dégradés. 64 personnes avaient été placées en garde à vue, selon l’ordonnance. Ce procès criminel, s’il a lieu, sera parmi les premiers concernant les violences commises par des policiers lors des manifestations des « gilets jaunes » qui ont débuté à l’automne 2018. Un autre policier, Fabrice T., sera également jugé par la cour criminelle départementale de Paris pour avoir éborgné avec une grenade lacrymogène Manuel Coisne en novembre 2019.


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