« En invoquant Martin Luther King, Marine Le Pen fait injure à ce grand pasteur, à ce prix Nobel de la paix dont elle s’attribue bien évidemment à tort la volonté de combattre les injustices, alors que les juges de son pays n’ont fait que leur travail, qu’elle est une citoyenne justiciable comme n’importe quel citoyen. »

« I have a dream… En août 1963, j’avais 21 ans. J’étais partie aux États-Unis avec un groupe d’étudiants. Ma vie était pleine de rêves à réaliser, comme celui de construire un monde meilleur. Le 28 août de cette année, à Washington au Lincoln Memorial, un homme noir, un pasteur nommé Martin Luther King, avait réussi à réunir des centaines de milliers de personnes pour demander au président d’alors, John Kennedy, que son rêve devienne réalité et que les droits civiques soient les mêmes pour tous, quelle que soit son origine ou la couleur de sa peau. Je n’étais pas à Washington mais je partageais son rêve, il ne m’a jamais quittée. Pendant des années, j’ai proposé ce discours de renommée internationale à mes élèves de terminale, pour qu’ils en comprennent et partagent sa puissance verbale, sa visée fraternelle, et sa détermination de combattre la haine raciale, l’injustice de naissance, les abus de pouvoir.

Dimanche (lors du rassemblement de soutien à la leader du RN sur la place Vauban, à Paris), Marine Le Pen s’est approprié le discours de Martin Luther King pour fustiger la décision des juges la condamnant à cinq ans d’inéligibilité, ce qu’elle considère comme une atteinte grave à ses droits civiques. Marine Le Pen invoquant le pasteur Martin Luther King ? C’est une blague ?

Les Afro-Américains, en 1963, et encore pendant de longues années devront se battre pour avoir accès aux mêmes restaurants, aux mêmes toilettes, aux mêmes écoles, aux mêmes universités, et j’en passe, en un mot aux mêmes droits élémentaires que ceux dont la couleur de peau était celle de Madame Le Pen.

Non seulement Madame Le Pen est pathétique, mais elle fait en plus injure à ce grand pasteur, à ce prix Nobel de la paix dont les États-Unis célèbrent la mémoire chaque année le 20 janvier et dont elle s’attribue bien évidemment à tort la volonté de combattre les injustices, alors que les juges de son pays - et le mien - n’ont fait que leur travail, qu’elle est une citoyenne justiciable comme moi et comme n’importe quel citoyen.

Je fais un rêve : que les déclarations de Madame Le Pen ne soient pas retransmises à satiété par les médias de notre pays, que ses soutiens aient la décence de taire leurs violentes diatribes qui ne servent qu’à porter tort à leur cause, et que la mémoire de Martin Luther King mérite mieux que d’être convoquée pour condamner une décision de justice, lui qui fit de la prison pour défendre sa volonté à avoir les mêmes droits que n’importe quel citoyen américain. »

Marie-France Quenouille (Morbihan)