La politique antisyndicale de Trump.

jeudi 24 avril 2025.
 

Le populisme trompeur de Trump

Sans trop préjuger de l’avenir, ceux qui pensent que la politique de Trump pourrait être favorable aux travailleurs (ils ne sont pas rares aux États-Unis car l’électorat de Trump comprend une composante populaire) vont se rendre compte qu’ils se sont trompés. Indice annonciateur ? La politique antisyndicale de Trump.

On répertorie ici, sans prétendre à l’exhaustivité, les mesures prises par Trump contre les syndicats au États-Unis dans le secteur public et le secteur privé.

Cet article fait suite au précédent : « Très plein d’idées pour la casse de la Fonction publique auix USA »

Première mandature (2016-2020)

Durant son premier mandat, l’administration Trump a mis en place plusieurs mesures visant à réduire l’influence des syndicats, tant dans le secteur public que privé :

Réduction des droits des syndicats du secteur public :

Ordres exécutifs de 2018 : Trois décrets ont été signés pour limiter les activités syndicales des employés fédéraux. Ces mesures incluaient la restriction du temps consacré aux activités syndicales sur le lieu de travail (« official time »), la réduction des ressources mises à disposition des syndicats dans les agences fédérales, et l’accélération des procédures de négociation collective pour limiter les concessions aux syndicats.

Impact : Ces décrets ont compliqué la capacité des syndicats à représenter efficacement les employés fédéraux, en réduisant leur accès aux ressources et leur temps d’action.

Modifications réglementaires dans le secteur privé :

Réformes du National Labor Relations Board (NLRB) : Le NLRB, chargé de superviser les relations syndicales dans le privé, a adopté des règles favorisant les employeurs. Par exemple, la règle sur les « élections rapides » a été assouplie, rendant plus difficile l’organisation de scrutins pour former des syndicats. De plus, des décisions ont élargi les droits des employeurs à s’opposer aux campagnes syndicales.

Règle sur les apprenants : L’administration a promu des programmes d’apprentissage non syndiqués, détournant les travailleurs des formations traditionnellement gérées par les syndicats.

Modalités de prélèvement des cotisations syndicales :

L’administration a facilité la possibilité pour les employés fédéraux de se désinscrire des syndicats et de cesser de payer leurs cotisations. Une règle de 2020 a permis aux employés de révoquer leur autorisation de prélèvement automatique des cotisations syndicales à tout moment après un délai d’un an, sans période de notification stricte. Cela a affaibli les finances des syndicats du secteur public en compliquant leur collecte de fonds.

Décision Janus (2018)

Avec la nomination de juges conservateurs comme Neil Gorsuch à la Cour suprême, la décision Janus a interdit aux syndicats du secteur public de collecter des cotisations obligatoires de non-membres, même s’ils bénéficient des avantages négociés. Cela a réduit les ressources financières des syndicats, limitant leur capacité à organiser des grèves ou à défendre les intérêts des travailleurs, avec un impact direct sur les salaires et les protections sociales.

Deuxième mandature (2025 - en cours)

Depuis le début de la deuxième mandature en 2025, l’administration Trump a poursuivi et intensifié ses efforts pour limiter l’influence syndicale, avec des mesures nouvelles et des reprises des politiques précédentes :

Secteur public :

Renforcement des restrictions sur les employés fédéraux : L’administration a réintroduit des politiques similaires aux décrets de 2018, avec des restrictions encore plus strictes sur le temps syndical et les négociations collectives. Des propositions visent à réduire davantage les protections des employés fédéraux syndiqués, notamment en facilitant leur licenciement pour des raisons liées à leurs activités syndicales.

Statut des travailleurs de l’économie numérique :

Le NLRB sous Trump a classé les chauffeurs de plateformes comme Uber comme travailleurs indépendants plutôt que salariés, les privant de droits syndicaux et de protections comme l’assurance santé ou les congés payés. Cela a affecté des millions de travailleurs précaires dans l’économie "gig".

Fermeture de la Federal Mediation and Conciliation Service (FMCS)  : En mars 2025, Trump a ordonné la fermeture de cette agence clé dans la médiation des conflits du travail. Plus de 90 % du personnel a été mis en congé administratif, et toutes les antennes locales ont été fermées. Les syndicats ont intenté une action en justice pour contester cette décision, arguant qu’elle viole l’autorité constitutionnelle du Congrès.

Renvoi de membres pro-syndicaux d’agences indépendantes : Trump a demandé à la Cour suprême l’autorisation de révoquer Gwynne Wilcox (NLRB) et Cathy Harris (MSPB), nommées par Biden. La Cour a temporairement validé ces renvois, remettant en question l’indépendance des agences de régulation du travail.

Projets de réforme administrative : Des discussions, relayées sur des plateformes comme X, indiquent une volonté de réorganiser les agences fédérales pour réduire le rôle des syndicats dans la gestion des ressources humaines.

Secteur privé :

Poursuite des réformes du NLRB : L’administration a nommé des membres pro-employeurs au NLRB, qui continuent de privilégier des règles défavorables aux syndicats, comme l’allongement des délais pour les élections syndicales et l’assouplissement des règles sur la surveillance des campagnes antisyndicales par les employeurs.

Soutien aux lois anti-syndicales : L’administration encourage les États à adopter des lois de « droit au travail » (right-to-work laws), qui permettent aux employés de ne pas payer de cotisations syndicales tout en bénéficiant des avantages négociés par les syndicats.

Cotisations syndicales : Dans la continuité de la première mandature, des efforts sont en cours pour étendre les restrictions sur le prélèvement des cotisations syndicales aux employés du secteur privé dans certains États, en s’appuyant sur des législations locales. Ces mesures visent à compliquer la collecte automatique des cotisations, affaiblissant ainsi la trésorerie des syndicats.

Discours et climat antisyndical : L’administration adopte un ton résolument antisyndical, avec des déclarations publiques et sur les réseaux sociaux (notamment X) critiquant les syndicats comme des obstacles à la croissance économique. Ce climat décourage les initiatives de syndicalisation, particulièrement dans le secteur privé.

Conclusion

L’administration Trump, durant ses deux mandatures, a adopté une approche cohérente pour affaiblir les syndicats, avec des mesures ciblant à la fois les secteurs public et privé. La première mandature a jeté les bases avec des décrets exécutifs, des réformes du NLRB et des décisions judiciaires comme Janus, tandis que la deuxième mandature intensifie ces efforts en réintroduisant des restrictions et en soutenant des législations locales. La facilitation de la désinscription aux cotisations syndicales, instaurée en 2020 et potentiellement étendue en 2025, constitue une mesure clé pour réduire les ressources financières des syndicats, limitant ainsi leur capacité à défendre les intérêts des travailleurs.

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Une partie des travailleurs de l’industrie automobile aux États-Unis s’est laissée séduire par la promesse de Trump sur la réindustrialisation des États-Unis.

En supposant que celle-ci se réalise, ce qui est loin d’être évident, il faudra que les produits fabriqués sur le sol américain puissent se vendre à la population américaine. Cela implique que les coûts de production soient relativement bas et dans ce cas les salaires des travailleurs stagneront ou baisseront ou, à l’inverse, que les salaires augmentent pour pouvoir acheter des produits d’un prix largement plus élevé que ceux importés de Chine par exemple.

La politique antisyndicale de Trump permet de comprendre que c’est la première alternative qui sera effective.

Hervé Debonrivage


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