La corruption au sein des institutions européennes.

jeudi 8 mai 2025.
 

Quels vaccins contre la corruption ?

La corruption au sein des institutions européennes.

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Il faut que ponctuellement un scandale éclate, difficile à étouffer, pour que les médias de l’officialité abordent la question sensible de la corruption au sein des institutions européennes. Nous faisons ici un bref tour d’horizon de la question.

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Première partie : le Parlement européen frappé par la corruption

Depuis 2017, et particulièrement pour la 9e législature du Parlement européen (2019-2024), une enquête menée par la plateforme Follow the Money et 24 médias européens, dont Le Monde, a recensé 253 affaires impliquant 163 eurodéputés, soit environ 23 % des 704 eurodéputés en fonction durant cette période. Parmi ces affaires, 45 cas sont spécifiquement liés à la corruption, incluant 16 cas de pots-de-vin et 29 cas de favoritisme ou népotisme. Seuls 23 eurodéputés (14 % des impliqués) ont été condamnés, avec des sanctions allant d’amendes à des peines d’emprisonnement.

Affaires récentes notables : Qatargate (décembre 2022) : Cette affaire a éclaté avec l’arrestation d’Eva Kaili, vice-présidente grecque du Parlement européen, et de quatre autres personnes (actuels et anciens parlementaires). Ils sont soupçonnés d’avoir reçu des pots-de-vin du Qatar et du Maroc pour influencer des décisions politiques. Plus de 800 000 euros en liquide ont été saisis, dont 150 000 euros au domicile de Kaili. Huit personnes ont été inculpées, dont trois en janvier 2025. L’enquête a également révélé des soupçons d’implication du Maroc (« Marocgate ») et de la Mauritanie.

Affaire Huawei (mars 2025) : Une nouvelle enquête a visé des lobbyistes de Huawei pour corruption au Parlement européen. Plusieurs suspects, dont un ancien assistant parlementaire devenu directeur des affaires publiques pour Huawei à Bruxelles, ont été arrêtés. L’enquête porte sur des faits de corruption active, faux et usage de faux, dans le cadre d’une organisation criminelle. Les investigations ont conduit à des perquisitions dans les bureaux du Parlement à Bruxelles et Strasbourg.

Affaire des assistants parlementaires du Front National/Rassemblement National (2014-2016, jugement en 2025) : Bien que l’affaire ait débuté avant 2017, elle a connu des développements récents avec la condamnation, en mars 2025, de neuf eurodéputés et douze assistants du FN/RN, dont Marine Le Pen, pour détournement de fonds publics. Les fonds européens destinés aux assistants parlementaires auraient été utilisés pour des activités du parti. Les peines incluent des interdictions temporaires de se présenter à des élections.

Analyse et contexte : Les 45 cas de corruption recensés depuis 2019 montrent que la corruption est l’une des infractions les plus graves et fréquentes, bien que les fraudes (44 cas) et le harcèlement (46 cas) soient également significatifs.

Le Qatargate a particulièrement secoué l’institution, révélant des failles dans les contrôles internes et une vulnérabilité aux influences étrangères. Les enquêtes ont mis en lumière des réseaux impliquant des ONG comme Fight Impunity, utilisée pour canaliser des fonds.

L’affaire Huawei, plus récente, suggère que les tentatives d’influence étrangère persistent, avec des méthodes sophistiquées comme des cadeaux ou des financements déguisés sous des activités de lobbying.

Les sanctions restent limitées : seuls 14 % des eurodéputés impliqués ont été condamnés, ce qui alimente les critiques sur l’impunité au sein du Parlement.

Limites des données : Les chiffres précis pour les affaires post-2024 (après la fin de la 9e législature) sont moins documentés, car les enquêtes, comme celle sur Huawei, sont en cours et n’ont pas encore révélé l’ampleur totale des implications.

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Deuxième partie : le cas Ursula von der Leyen

Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne depuis 2019, a été visée par plusieurs allégations de corruption et de manque de transparence, tant durant son mandat de ministre de la Défense allemande (2013-2019) que pendant sa présidence à la Commission européenne. Voici un résumé des principales procédures et accusations, basé sur les informations disponibles : 1. Allégations en tant que ministre de la Défense allemande Contexte : Pendant son mandat au ministère de la Défense allemand, von der Leyen a été accusée de favoritisme et de mauvaise gestion dans l’attribution de contrats à des consultants externes, notamment à des entreprises comme KPMG et McKinsey.

Accusations spécifiques : Irrégularités dans les contrats : En 2018, des rapports de la Cour des comptes fédérale allemande ont révélé des irrégularités dans l’attribution de contrats de conseil, estimés à des centaines de millions d’euros, sans respect des procédures d’appels d’offres publics. Les dépenses déclarées étaient largement inférieures aux montants réels (par exemple, 100 millions d’euros dépensés en 2015, mais seulement 2,2 millions déclarés).

Soupçons de favoritisme : Des liens personnels entre von der Leyen et certains consultants ont été pointés du doigt, suggérant du népotisme ou des conflits d’intérêts.

Effacement de données : Lors d’une enquête parlementaire allemande, il a été découvert qu’un téléphone utilisé par von der Leyen avait été effacé, supprimant des messages potentiellement pertinents pour l’enquête.

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Troisième partie : le lobbying nord américain dans les institutions de l’UE.

Oui, il existe un lobbying important des grandes entreprises nord-américaines auprès du Parlement européen et de la Commission européenne. Voici une analyse concise basée sur les informations disponibles : Ampleur du lobbying nord-américain Présence significative : Les entreprises nord-américaines, notamment les géants de la technologie (Google, Apple, Meta, Amazon, Microsoft), les firmes pharmaceutiques (Pfizer), agrochimiques (Monsanto), pétrolières (ExxonMobil) ou encore des organisations comme l’American Chamber of Commerce (AmCham), sont très actives à Bruxelles. AmCham, par exemple, représente les intérêts d’une soixantaine de grandes firmes américaines, telles que Chevron ou Walt Disney.

Ressources financières : Ces entreprises investissent massivement. Par exemple, entre 2021 et 2022, les GAFAM ont dépensé 30,25 millions d’euros pour influencer les législations comme le Digital Markets Act (DMA) et le Digital Services Act (DSA). Google, à lui seul, a rencontré des membres de la Commission européenne 220 fois, illustrant une activité intense.

Nombre de lobbyistes : Selon Transparency International, environ 48 000 individus travaillent à Bruxelles pour influencer les institutions européennes, dont une part significative représente des intérêts nord-américains. AmCham et d’autres cabinets comme FleishmanHillard emploient des dizaines de lobbyistes avec un accès direct au Parlement.

Méthodes et stratégies Registres et accréditations : Les lobbyistes doivent s’inscrire au registre de transparence de l’UE pour accéder au Parlement ou rencontrer des commissaires. Cependant, l’inscription reste facultative, et certaines entreprises, comme Apple ou HSBC, ont déjà été absentes de ce registre par le passé.

Influence en amont : Le lobbying s’exerce surtout avant le vote des lois, via des réunions, des publications d’études, des consultations publiques ou des événements organisés avec des décideurs. Les entreprises nord-américaines participent activement à ces processus pour façonner les régulations, notamment sur le numérique, l’énergie ou la chimie.

Cabinets spécialisés : Des cabinets comme FleishmanHillard ou APCO, souvent basés aux États-Unis, sont employés pour représenter ces intérêts. FleishmanHillard, par exemple, a 60 lobbyistes avec un budget annuel de près de 7 millions d’euros.

Encadrement et limites Registre de transparence : Créé en 2011 et réformé en 2021, il recense environ 12 500 organisations, mais son caractère non obligatoire limite son efficacité. Seuls les lobbyistes inscrits peuvent accéder à certaines activités, comme les auditions publiques ou les badges d’accès au Parlement.

Scandales et critiques : Des affaires comme le Qatargate (2022) ou les pratiques controversées de Monsanto (listes illégales de personnalités) ont révélé des failles dans la régulation. Les ONG, comme Corporate Europe Observatory, critiquent l’opacité et l’influence excessive des grandes firmes.

Réformes récentes : Depuis 2023, le Parlement a renforcé ses règles, interdisant aux eurodéputés des activités de lobbying rémunérées liées aux décisions de l’UE et obligeant la déclaration des réunions avec les lobbyistes. Un comité d’éthique a également été créé en 2024 pour harmoniser les normes de transparence.

Contexte récent Réactions aux politiques commerciales : En 2025, face aux droits de douane imposés par les États-Unis sous Donald Trump, des posts sur X indiquent que les géants technologiques américains intensifient leur lobbying pour éviter des surtaxes européennes sur leurs produits et services numériques.

Perception d’influence : Certains, comme l’utilisateur X @SierraTango74 , affirment que la Commission européenne serait sous l’influence de réseaux américains, notamment via des cabinets comme McKinsey, bien que ces allégations restent spéculatives sans preuves concrètes.

Conclusion Le lobbying des grandes entreprises nord-américaines auprès des institutions européennes est à la fois structuré, financièrement puissant et influent, particulièrement dans les secteurs technologiques, énergétiques et pharmaceutiques. Bien que des efforts de transparence aient été faits, des lacunes persistent, alimentant les critiques sur l’opacité et l’impact de ces pratiques. Les réformes récentes visent à mieux encadrer ces activités, mais leur efficacité reste à évaluer.

Conséquences : Une commission d’enquête parlementaire a été mise en place pour examiner ces pratiques. Von der Leyen a admis des "erreurs" dues à la négligence d’officiels surchargés, mais elle a été blanchie de toute responsabilité directe. Elle a néanmoins promis des réformes pour éviter de futurs écarts.

2. Allégations liées à "Pfizergate" en tant que présidente de la Commission européenne Contexte : En 2021, au plus fort de la pandémie de COVID-19, von der Leyen a négocié personnellement un contrat massif avec Pfizer pour l’achat de jusqu’à 1,8 milliard de doses de vaccins COVID-19, d’une valeur estimée à 35 milliards d’euros. Ces négociations ont suscité des controverses en raison de leur opacité, surnommées "Pfizergate".

Accusations spécifiques : Manque de transparence : Von der Leyen a échangé des SMS et des appels avec le PDG de Pfizer, Albert Bourla, pour négocier ce contrat, mais la Commission européenne a refusé de divulguer ces messages, arguant qu’ils étaient "éphémères" et non archivés. Cette opacité a été critiquée par l’Ombudsman européen, qui a qualifié la gestion de la demande d’accès aux documents de "mauvaise administration".

Contournement des procédures : Von der Leyen aurait négocié directement, sans passer par les équipes de négociation conjointes impliquant les États membres, ce qui est perçu comme un dépassement de ses compétences.

Soupçons de corruption et conflits d’intérêts : Les plaignants, dont le lobbyiste belge Frédéric Baldan, allèguent que ces négociations opaques pourraient cacher des actes de corruption, d’interférence dans des fonctions publiques, de destruction de documents (SMS) ou de conflits d’intérêts.

Gaspillage de fonds publics : Le contrat avec Pfizer a été critiqué pour avoir entraîné l’achat de doses excédentaires, avec au moins 4 milliards d’euros de vaccins inutilisés, selon des estimations.

Procédures en cours : Enquête de l’EPPO : En octobre 2022, le Parquet européen (EPPO) a ouvert une enquête sur l’acquisition des vaccins COVID-19 par l’UE, sans préciser initialement les personnes visées. En 2024, l’EPPO a repris une enquête belge centrée sur les négociations entre von der Leyen et Pfizer, examinant des allégations de corruption, d’interférence, de destruction de documents et de conflits d’intérêts.

Plainte pénale de Frédéric Baldan : En avril 2023, Baldan a déposé une plainte pénale devant un tribunal de Liège, accusant von der Leyen d’usurpation de fonctions, de destruction de documents publics, de corruption et de préjudice aux finances publiques belges. Cette plainte pourrait conduire à une demande de levée de l’immunité de von der Leyen.

Actions judiciaires : New York Times : Le journal a intenté une action en justice contre la Commission européenne pour obtenir la divulgation des SMS échangés entre von der Leyen et Bourla, arguant que leur contenu est d’intérêt public. Une audience a eu lieu en novembre 2024 devant la Cour de justice de l’UE, avec une décision attendue début 2025.

Députés verts : En 2021, des eurodéputés verts ont poursuivi la Commission pour obtenir un accès complet aux contrats de vaccins, reprochant des rédactions excessives. En juillet 2024, la Cour générale de l’UE a jugé que la Commission avait manqué de transparence en restreignant l’accès à ces documents.

Plaintes d’États membres : La Hongrie a déposé une plainte concernant le rôle de von der Leyen dans les négociations avec Pfizer, tandis que la Pologne s’est initialement jointe mais a retiré sa plainte sous le gouvernement de Donald Tusk.

Conséquences politiques : Les accusations ont alimenté les critiques contre von der Leyen, notamment de la part de partis d’opposition comme l’Identité et Démocratie (ID) et certains eurodéputés, qui ont appelé à sa démission ou à l’exclusion de sa candidature pour un second mandat.

Malgré ces controverses, von der Leyen a été réélue présidente de la Commission en juillet 2024, bien que ces affaires continuent de peser sur sa crédibilité.

Les décisions judiciaires, notamment celle attendue de la Cour de justice de l’UE en 2025, pourraient établir un précédent sur la transparence des communications numériques des responsables européens.

3. Autres plaintes et controverses Plainte de Baldan auprès de la CJUE : En 2023, Frédéric Baldan a également saisi la Cour de justice de l’UE, reprochant à von der Leyen d’avoir violé le code de conduite de la Commission et demandant sa suspension ainsi que celle des autres commissaires pendant l’enquête.

Appels à la transparence : Des ONG comme Access Info Europe et des journalistes, tels qu’Alexander Fanta, ont dénoncé un manque systémique de transparence sous la présidence de von der Leyen, aggravant la méfiance du public envers les institutions européennes.

Critiques sur la gouvernance : Certains eurodéputés, comme Sophie in ’t Veld, ont accusé la Commission sous von der Leyen de devenir moins transparente et moins responsable devant le Parlement européen, nuisant à la démocratie européenne.

Résumé des accusations En Allemagne (ministre de la Défense) : Favoritisme dans l’attribution de contrats de conseil.

Contournement des procédures d’appels d’offres.

Destruction de preuves (effacement de données téléphoniques).

À la Commission européenne (Pfizergate) : Négociations opaques avec Pfizer via SMS non divulgués.

Contournement des procédures de négociation collective avec les États membres.

Soupçons de corruption, conflits d’intérêts et destruction de documents.

Gaspillage de fonds publics (doses inutilisées).

Statut actuel : Enquêtes en cours par l’EPPO et un tribunal belge.

Actions judiciaires devant la CJUE (New York Times, eurodéputés verts).

Plaintes pénales et politiques persistantes, sans condamnation à ce jour.

Conclusion

Ursula von der Leyen a été confrontée à des soupçons récurrents de corruption et de manque de transparence, d’abord en Allemagne, puis dans le cadre des contrats de vaccins COVID-19 avec Pfizer. Les accusations reposent principalement sur des irrégularités dans les processus de passation de marchés, l’opacité des communications et la possible destruction de preuves. Bien qu’aucune charge n’ait été retenue à ce stade, les enquêtes en cours et les procédures judiciaires continuent de susciter des débats sur la transparence et la responsabilité des institutions européennes. Les décisions judiciaires attendues en 2025 pourraient avoir des implications significatives pour von der Leyen et pour les normes de transparence dans l’UE.

HD


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