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Nous rappelons ici brièvement la définition de chacune des notions fondamentales du matérialisme historique de Marx : l’infrastructure et la superstructure.
Ces concepts – clés nous permettent d’analyser la situation nationale ou internationale actuelle d’une manière claire.
L’infrastructure désigne, selon Marx, l’ensemble des forces productives (outils, techniques, travail humain) et des rapports de production (propriété, division du travail, organisation sociale du travail). Cette base économique détermine, en dernière instance, la superstructure.
Dans une lecture enrichie et plus précise, on distingue dans l’infrastructure :
Les forces productives : instruments, techniques, organisation du travail, niveau de développement technique, etc.
Les rapports de production : rapports entre classes sociales, propriété privée ou collective, formes d’exploitation.
L’argent et le capital :
L’argent y joue un rôle central dès qu’on entre dans des sociétés marchandes : d’abord simple équivalent général servant à l’échange, il devient capital quand il est investi pour produire de la valeur et réaliser du profit.
Le capital suppose une accumulation primitive (expropriation des producteurs, colonisation, esclavage...), puis une accumulation élargie permanente, conduisant à des phases de suraccumulation et donc à des crises cycliques du capitalisme (crises de 1929, de 2008, etc.).
La superstructure regroupe les formes juridiques, politiques, idéologiques, culturelles qui reposent sur l’infrastructure et contribuent en retour à sa légitimation et sa reproduction.
On peut la diviser en plusieurs niveaux :
Institutions politiques :
Dans les sociétés modernes : l’État, les constitutions, les partis politiques, les parlements, la justice, la police, l’armée.
Dans les sociétés primitives ou antiques : formes embryonnaires comme les proto-États, cités-États, chefferies, ou même clans tribaux structurés autour de hiérarchies de pouvoir.
Les partis politiques peuvent être classés en trois grandes catégories :
Ceux qui défendent les intérêts de la classe dominante (bourgeoisie, aristocratie...).
Ceux qui défendent les intérêts de la classe dominée (prolétariat, paysannerie ...).
Ceux qui oscillent selon les rapports de force historiques (ex. , partis opportuniste, sociaux-démocrates,…s).
Dans certaines sociétés (comme l’Inde traditionnelle), les castes jouent aussi un rôle politique structurant.
Institutions idéologiques :
École, Église, médias, morale dominante, arts, etc. Ce sont les "appareils idéologiques d’État" (Althusser).
L’appareil idéologique médiatique est hybride : il contient des appareils d’État et des appareils privés qui travail de concert pour la perpétuation de la classe dominante Ses te techniques de domination sont connus : diviser le peuple en nous posant des catégories sociales aux autres (profession, race, ethnie, langue, race, religion, etc), diversion, distraction, fabrication d’anémie intérieure ou d’un ennemi extérieur imaginaire, création de passion et de haine, élimination ou marginalisation des idées divergentes, utilisation de la peur et de la terreur, invisidilisation et marginalisation des forces politiques, syndicales et associatives critiquant le pouvoir en place,… l’idéologie dominante et l’idéologie de la classe dominante.
Structures familiales :
Comme l’a montré Emmanuel Todd, les formes de la famille (nucléaire, patriarcale, communautaire…) influencent profondément les conceptions de l’autorité, de la hiérarchie et donc la structure politique des sociétés. Elles sont donc un maillon fondamental entre anthropologie et superstructure.
Une approche transhistorique
Cette lecture enrichie permet de penser l’articulation entre infrastructure et superstructure à travers les périodes historiques (des sociétés tribales à la mondialisation capitaliste) et à travers les cultures (Afrique, Inde, Occident, etc.). Elle invite à dépasser une vision trop européo-centrée ou trop figée du schéma marxiste.
Deux exemples fondamentaux de l’intrication de l’infrastructure et de la superstructure.
Le matérialisme historique ne sépare pas d’une manière mécanique l’infrastructure et la superstructure.
1. La propriété des moyens de production : entre infrastructure et superstructure
Les moyens de production (usines, terres, capital) appartiennent clairement à l’infrastructure.
Mais la propriété des moyens de production, en tant que reconnaissance juridique et institutionnalisée de cette possession, est une construction superstructurelle.
Donc : la propriété n’est pas un simple fait matériel, c’est une relation sociale encadrée par le droit, qui fait partie de la superstructure tout en étant l’expression et la légitimation des rapports économiques de base.
Ainsi, la notion de propriété joue un double rôle :
Reflet de l’infrastructure (elle formalise les rapports économiques réels),
Instrument de sa reproduction (elle contribue à maintenir l’ordre établi).
2. Le contrat de travail et la force de travail
La force de travail fait partie des forces productives : elle est vendue sur un marché, comme une marchandise, dans le cadre du capitalisme.
Le contrat de travail, en revanche, est un cadre juridique : il définit les droits, devoirs, horaires, salaires, etc. Il appartient donc à la superstructure juridique.
Ici encore, le contenu matériel (l’exploitation de la force de travail) relève de l’infrastructure, mais sa forme juridique, qui donne une apparence d’égalité et de libre choix, relève de la superstructure.
Comment comprendre cette articulation ?
La superstructure ne flotte pas au-dessus de la base, elle exprime et formalise les rapports de production. Elle est à la fois produite par l’infrastructure et active dans sa reproduction.
Marx et Engels ne conçoivent pas l’infrastructure et la superstructure comme des sphères étanches, mais comme des niveaux interconnectés.
Les conditions matérielles d’existence des individus ou de groupes déterminent ainsi largement leurs représentations idéologiques mais ce déterminisme n’est pas absolu car l’un des rôles majeurs de l’idéologie dominante qui est celle de la classe dominante est de faire oublier l’importance de leurs conditions matérielles de vie
Chez certains marxistes (comme Althusser), on parle d’"efficace propre" de la superstructure : le droit, l’État, les idéologies ne sont pas de simples reflets passifs, mais ont un rôle actif dans la stabilisation ou de l’évolution du mode de production.
Conclusion
Dans les deux cas, y a co-présence de l’infrastructure et de la superstructure :
La réalité économique (propriété des moyens de production , travail salarié) relève de la base Mais sa forme juridique (droit de propriété, contrat de travail) appartient à la superstructure.
L’analyse marxiste invite à ne pas isoler l’un de l’autre, mais à comprendre comment la forme juridique superstructurelle sert à stabiliser et justifier les rapports matériels de l’infrasructure.
lorsque l’on fait l’analyse de la situation politique économique d’un pays et notamment du rôle de son gouvernement, il est nécessaire de faire à la fois une analyse infrastructurelle est superstructurelle. Sous peine de ne voir qu’un seul aspect des problèmes.
La mondialisation des échanges économiques et culturels nous oblige à examiner l’infrastructure et la superstructure au niveau transnational et d’analyser le rôle, par exemple, des institutions européennes ou des institutions financières internationales dans la superstructure. Il a dialectique infra – super structure doit ainsi s’effectuer aussi au niveau international. Pour prendre un exemple concret d’articles ayant été publié sur ce site, on peut se référer à :
ourquoi Donald Trump a gagné les élections aux États-Unis. https://www.gauchemip.org/spip.php?...
Et
Pourquoi le « Bidenism » a échoué https://www.gauchemip.org/spip.php?...
Le premier article est plutôt orienté sur l’analyse infrastructurelle en examinant les conditions matérielles de vie sur le plan économique et financier des classes laborieuses et des classes moyennes alors que le second article oriente plutôt sa réflexion sur les aspects superstructurels expliquant l’échec de Biden pour des raisons d’orientation idéologiques et politiques notamment du parti social-démocrate américain.
Ces deux articles sont parfaitement complémentaires et donnent, à eux deux, une vision relativement complète des raisons pour lesquelles Donald Trump a été élu en 2024.
Comme l’indique son nom, le matérialisme historique replace toujours une analyse économique et politique dans son contexte et processus historique.
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Hervé Debonrivage
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