"PRISE DE POSSESSION", de Louise Michel (1890)

jeudi 19 février 2009.
 

"Ce n’est pas que les misérables n’aient bien des fois déjà tenté leur délivrance, mais c’était toujours dans une telle nuit d’ignorance qu’ils s’écrasaient dans les issues sans pouvoir sortir".

(...)

« Heureusement, on ne peut pas vivre les jours d’autrefois et le vieux monde, pareil aux arbres cent fois séculaires, va d’un instant à l’autre tomber en poussière. Le pouvoir est mort, s’étant, comme les scorpions, tué lui-même ; le capital est une fiction, puisque sans le travail il ne peut exister ,et ce n’est pas souffrir pour la République qu’il faut, mais faire la République sociale. »

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« C’était très beau pour les Canaques de se dresser contre l’artillerie moderne avec la sagaie, la fronde et quelques vieux fusils à pierre obtenus par de longues années de louange à Nouméa. Mais l’issue de la lutte ne pouvait être douteuse.

Eh bien, les bulletins de vote destinés à être emportés par le vent avec les promesses des candidats ne valent pas mieux que les sagaies contre les canons.

Pensez-vous, citoyens, que les gouvernants vous les laisseraient, si vous pouviez vous en servir pour faire la révolution ? Votre vote c’est la prière aux dieux sourds de toutes les mythologies, quelque chose comme le rugissement du bœuf flairant l’abattoir, il faudrait être bien niais pour y compter encore, de même qu’il ne faudrait pas être dégoûté pour garder ses illusions sur le pouvoir, le voyant à l’œuvre, il se dévoile, tant mieux. »

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« Il y avait longtemps que les urnes s’engorgeaient et se dégorgeaient périodiquement sans qu’il fut possible de prouver d’une façon aussi incontestable que ces bouts de papier chargés, disait-on, de la volonté populaire, et qu’on prétendait porter la foudre,ne portent rien du tout.

La volonté du peuple ! Avec cela qu’on s’en soucie de la volonté du peuple ! Si elle gêne on ne la suite pas ; voilà tout, on prétend qu’elle est contre la loi et s’il n’en existe aucune, on en fabrique ou en démarque à volonté comme les écrivains sans imagination d »marquent un chapitre de roman. »

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« Il est probable que dans l‘enfance de l’humanité, les premiers qui entourèrent un coin de terre cultivé par eux-mêmes ne le firent que pour mettre à l’abri leur travail comme on range ses outils ; il y avait alors place pour tous, dans l‘ignorance de tout et la simplicité des besoins.

Aujourd’hui ce n’est pas son travail qu’on entoure de barrières mais le travail des autres ; ce n’est pas ce qu’on sème, mais ce que les autres ont semé depuis des milliers d’années qui sert vivre somptueusement en ne faisant rien. »

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« Comme l’anthropophagie a passé, passera le capital. Là est le cœur du vampire, c’est là qu’il faut frapper. »

(...)

« Prise de possession est plus exact qu’expropriation, puisque expropriation impliquerait une exclusion des uns ou des autres, ce qui en peut exister, le monde entier est à tous, chacun alors prendra ce qui lui faut. »

(...)

« Ceux qui vivent de la bêtise humaine la cultivent si largement qu’on se refuse de reconnaître des choses absolument élémentaires. La propriété individuelle s’obstine à vivre malgré ses résultats anti-sociaux, les crimes qu’elle cause de toutes parts, crimes dont la centième partie seulement est connue, l’impossibilité de vivre plus longtemps rivés aux misères éternelles ; l’effondrement des sociétés financières par les vols qu’elles commettent- la danse macabre des banques, les gaspillages des gouvernements affolés qui se feraient volontiers entourer chacun par une armée pour protéger les représentations propices et les festins des hommes de proie, toutes ces turpitudes sont les derniers grincements de dents qui rient au nez des misérables.

Une seule grève générale pourrait terminer, elle se prépare sans autre meneurs que l’instinct de la vie – se révolter ou mourir, pas d’autre alternative.

Cette première révolte de ceux qui ont toujours souffert est semblable au suicide ; toute grève partielle peut être considérée ainsi : patience ! elle se fera générale et elle n’aura pas de ressources, pas de caisses de secours, rien, puisque le bénéfice n’a jamais été pour les travailleurs – on sera donc porté à considérer comme butin de guerre la nourriture, le vêtement, l’abri indispensable à la vie. »

(....)

« Comme toujours, il y a des inconscients qui, crevant de faim comme les autres, viennent se mettre en place de ceux qui font grève, ils ont fait cela à Berne. Anglais, Allemands surtout Français , n’importe, c’Ets le temps ou d’un d’instant à l’autre les grèves de noires se font rouges. »

(...)

« Mais la délivrance ne vient pas, c’est que tu l’implores au lieu de la prendre.

Nul n’a le droit d’asservir les autres, celui qui prend sa liberté ne fait que reprendre ce qui lui appartient, le seul bien véritable. »

(...)

« Pourtant ,si cela vous plaît, prolétaires du monde entier, restez comme vous êtes- peut être aussi que dans une dizaine de mille ans vous aurez réussi à hisser au pouvoir trois ou quatre des vôtres ; ce qui vous fait espérer une majorité socialiste dans vingt-cinq à trente mille ans.

Mais à mesure qu’ils entrent dans cette caverne incrustative, tous sont revêtus de la même pétrification, peut être aussi, camarades ,la comédie parlementaire vous amuse, et pour peu qu’il vous plaise d’imiter le jeune Détulli, vous auriez une partie de ce qu’il fallait à la ruine de la décadence, les spectacles, quant au pain, n’y comptez pas. Ne comptez pas non plus sur l’abri ».

(...)

« Les mioches ne sont pas plus heureux que les autres dans cette société de privilèges et d’iniquité.

Tout le monde les aime, les petits, c’est peut être simplement une mode.

La société aussi, la vieille gueuse, aime les enfants à sa manière, à la façon dont des ogres flairant la chair fraîche ; tout petits, petits, elle les élève dans des couveuses chauffées avec autant de soin que pour des petits poulets à qui on doit couper la gorge ; c’est que ces mioches-là, ce sont les poulets des privilégiés.

Si les parents meurent ou sont trop pauvres pour leur donner la becquée, ce son eux qui la procureront, la becquée, aux juges, qui les condamneront, dès l’âge de huit ans, plus petits peut être, et plus tard encore, ils seront condamnés parce qu’ils l’ont été une première fois. »

(....)

« Les urnes ont vomi assez de misères et de hontes.

Au vent les urnes, place à la sociale !

Le monde à l’humanité.

Le progrès sans fin et sans bornes.

L’égalité, l’harmonie universelle pour les hommes comme pour tout ce qui existe. »


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