De Copenhague au Congrès du MODEM

vendredi 18 décembre 2009.
 

UNE NOUVELLE PHASE DE L’OPINION

Toute l’attention s’est concentrée sur le sommet de Copenhague. Quel que soit le résultat, en dépit de lui, c’est là une bonne chose. Une opinion publique mondiale se construit. Elle le fait autour de l’idée d’un intérêt général des êtres humains. C’est un renversement complet des paradigmes de la pensée commune des années quatre vingt dix. Ainsi le curseur progressiste est repris en main. Après des années d’évidences néo libérales, pour un nombre croissant de personnes, le système n’est plus légitime. Le sentiment qu’il conduit à une impasse gagne de tous côtés. Il suffit de constater le nombre des retournements de veste autour de nous. Lire celui-ci ou celle là qui tout soudain encense la taxe Tobbin, conchie le libre échangisme, dénonce l’aveuglement « court-termiste » du marché, est sans doute parfois irritant tant est vif en nous le souvenir du temps où ils soutenaient le contraire contre nous et avec quelle morgue ! Mais les repentis sont utiles. Ils minent le mur du consensus d’hier. Si nous travaillons bien, en dix ans nous aurons totalement inversé le cycle des idées dans une majorité des têtes. Mais, bien sûr, tout peut aller plus vite, bien plus vite, si un accident de parcours vient bloquer le système avant. Nombreux sont les signes qui attestent cette fragilité radicale. Après l’incident de paiement à Dubaï, puis celui du délabrement du budget de l’Etat de la Grèce. Demain un autre et ainsi de suite. Surtout le système est incapable de s’auto réguler. On le voit bien avec le redémarrage de l’économie de casino et l’envolée sporadique des cours de bourses, l’explosion des bénéfices bancaires, la fête somptuaire des rétributions de traders. Il n’y a pas de pilote dans l’avion. Ainsi, le scénario latino américain qui a conduit à la vague des révolutions démocratiques augmente sa probabilité en Europe. Notre consigne est donc de travailler sans désemparer à préparer les solutions qu’il faudra mettre en œuvre pour faire face. Et tout autant à préparer les outils d’élaboration et de conviction pour faire ce travail je veux parler de nos forces politiques si mal en point à gauche.

CONGRES DU MODEM : ELLE A GAGNE SUR TOUTE LA LIGNE

La semaine passée se tenait des assises nationales du Modem. Le traitement du sujet se concentra pour beaucoup d’observateurs sur l’invite faite par Ségolène à propos d’une union dès le premier tour avec le parti de François Bayrou. Cette approche a sa pertinence. Ségolène a en effet idéologiquement tout gagné au PS. A preuve comment Martine Aubry a tout cédé sur ce sujet en direct sur France 2 puis sur France Inter. Je voudrai ici rappeler ses propos puisqu’on conteste parfois leur réalité. Sur France 2 le 26 novembre : « Nous souhaitons rassembler la gauche et tous ceux, démocrates, humanistes, donc le MoDem par exemple, qui partagent le même projet que nous. » Puis sur France Inter le 9 décembre : « Je crois qu’il [Bayrou] a à peu près répondu à son congrès à Arras. Il a dit : nous n’irons nulle part où on peut soutenir Nicolas Sarkozy. Donc nous allons le voir. Deuxièmement il faut une clarté dans le projet. Pour l’instant j’ai noté qu’il y avait des évolutions. Un soutien des services publics plus important que ce qui avait été fait en Europe. La fiscalité ; il y a quelques temps François Bayrou nous disait : il faut prendre 4 points aux ménages pour financer les entreprises. Aujourd’hui il nous dit il faut taxer les transactions financières comme nous le disons. Donc il y a des évolutions. Serons-nous d’accord sur tout ? Nous le verrons. Nous en discuterons. […] Je souhaite que tous les démocrates et tous les humanistes se retrouvent avec les hommes et les femmes de gauche. » Le 6 décembre à Arras le Modem a en effet adopté son programme intitulé « Le Projet Humaniste ». On y lit certes la taxation des transactions financières qu’a notée Martine Aubry. Mais on y retrouve aussi bon nombre de mesures libérales déjà défendues par Bayrou à la présidentielle 2007. Et là où le projet final du Modem reste silencieux sur certaines modalités de financement, les travaux préparatoires de ce congrès programmatique donnent des pistes beaucoup plus précises.

UN EXEMPLE TRES PARLANT

Je ne veux en prendre aujourd’hui qu’un seul exemple. Il porte cependant sur une question décisive : le budget de l’Etat. Bayrou propose « d’ introduire une disposition constitutionnelle visant à fixer un plafond au déficit budgétaire, ainsi que l’équilibre des comptes de la sécurité sociale et des collectivités locales. » Cette disposition présentée comme de simple bon sens supposerait la « nécessité d’une discipline financière contraignante, imposant une hausse des recettes fiscales et une réduction de certaines dépenses. » Le projet du Modem ne détaille pas en quoi consiste ce plafonnement ni exactement comment le compenser en terme de hausses d’impôts ou de réductions de dépenses. On pourrait objecter qu’un tel plafond existe déjà avec les critères du traité de Lisbonne. Mais ce serait persifler, non ? On peut y voir plus clair en consultant le document préparatoire de cette Convention du Modem. Il envisageait « une contribution exceptionnelle collective temporaire dans le cadre d’un plan de redressement des finances publiques (par exemple sous forme d’augmentation de la TVA et de la CSG) » On imagine quel programme ce serait pour la gauche de commencer ainsi son gouvernement : une augmentation de la TVA et de la CSG ! A la présidentielle 2007, Bayrou proposait d’« inscrire dans la constitution l’interdiction du déficit de fonctionnement » Cela reviendrait à n’autoriser le déficit qu’à hauteur des dépenses d’investissement, c’est-à-dire autour de 12 milliards. Pour un déficit moyen du type de celui de l’année 2008 (65 milliards), cela reviendrait à résorber 53 milliards. Il s’agit alors d’une hausse de TVA de 5 points ! Elle passerait de 19,6 à 24,6 %. Mon propos est de montrer par ces exemples que l’affaire de l’alliance avec le Modem ne se réduit pas a une question de personne. Ni a une question liée à l’histoire de nos organisations alors même que cette question est pourtant décisive. Il s’agit d’une question de programme, de contenu de l’action gouvernementale.


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