Jeunes : une génération sacrifiée ? (dossier de L’Humanité, 6 articles)

samedi 13 novembre 2010.
 

- 62 % des jeunes diplômés en 2008 n’ont toujours pas trouvé de travail au bout d’un an

- 60 % des jeunes actifs de moins de vingt-cinq ans sont en situation professionnelle instable ou au chômage, contre 40 % au début des années 1980, selon le Journal du CNRS de septembre 2009. Et 34 % des 15-29 ans occupent un emploi précaire (CDD, contrats aidés ou stages), complète l’Observatoire des inégalités.

- - 21 % des 18-24 ans vivaient avec moins de 880 euros par mois, contre une moyenne de 13,2 % pour l’ensemble de la population, selon le rapport de l’Insee sur « Les revenus et le patrimoine des ménages » publié en 2009

1) Jeunes précaires, un sous-prolétariat

Ils mettent entre 
huit et onze ans 
à décrocher un CDI. 
Peu ou pas payés, les jeunes en intérim, CDD ou stagiaires, vivent dans la plus grande précarité. Pour faire pression sur l’ensemble du salariat, gouvernement et patronat tentent 
de les y maintenir.

« La jeunesse est discriminée économiquement, désocialisée culturellement et sous-représentée politiquement. » Le ton est donné par Olivier Galland, chercheur du groupe d’études des méthodes de l’analyse sociologique, dans le Journal du CNRS de septembre 2009 qui consacrait un dossier à « la longue route vers l’âge adulte ». Il existe une catégorie pour qui cette route est encore plus longue. « 1,7 million de jeunes vivraient dans cette “zone grise” de la précarité », estime Mathieu Angotti, directeur du département évaluation du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc). La dénomination « jeunes précaires » englobe les 18-25 ans, étudiants-salariés, salariés à temps partiel, en CDD, intérimaires, diplômés, voire surdiplômés en stage rémunérés 30 % du smic ou non, etc. Les catégories se superposent mais la réalité est toujours la même  : la galère.

Benjamin Pruvost, la vingtaine, travaille en intérim depuis qu’il a dix-huit ans. En septembre, il témoignait dans l’Humanité de la précarité de cette situation, qu’il a pourtant choisie. « Vous vous plaignez, on vous vire  ! Vous êtes trop lent, trop faible, pas prêt à faire des heures sup’  ? On vous vire  ! Vous refusez trop souvent des missions  ? L’agence ne vous rappelle plus. Le travail intérimaire n’offre aucune garantie (d’embauche, donc de salaire à la fin du mois), aucun droit (de grève, par exemple). En définitive, pour le patronat, l’intérim, c’est la soumission de la main-d’œuvre pour plus de profit  : de l’esclavage moderne. » Constat sans appel, souligné par un sondage Ifop de novembre 2008  : « 48 % des intérimaires ont moins de vingt-cinq ans. » Sans surprise, les femmes et les ouvriers souffrent encore plus  : 50 % des femmes entrent sur le marché du travail en signant un CDD (contre 36 % des hommes), et 73 % des ouvriers débutent en CDD ou en intérim (contre 50 % pour les cadres). « Les conditions d’embauche se sont dégradées, souligne le Monde du 3 octobre 2009. Cinquante-quatre pour cent des jeunes ont signé un CDI en 2009, contre 61 % en 2008. » Et seulement « 64 % ont accédé au statut de cadre, contre 70 % en 2008 ».

Pas étonnant qu’en 2008 – et la tendance se conforte –, seulement « 25 % des jeunes Français (étaient) pleinement convaincus que leur avenir (serait) prometteur », au plus bas des scores de toute l’Europe, selon une étude de la Fondation pour l’innovation politique. Ce qui n’était hier que la préoccupation des organismes de jeunesse (l’Unef, notamment, tente d’imposer ce sujet de débat depuis des années) est devenu au fil des années un problème de société majeur. Pour cette « force de travail en pointillé », comme l’appelle le sociologue Michel Vakaloulis (dans l’Humanité des débats du 7 décembre 2009), le processus d’intégration au marché du travail est toujours long et pénible. Dans le numéro du 17 janvier, le directeur adjoint du Centre de sociologie européenne, Gérard Mauger, enfonce le clou  : « Un éventuel CDI s’obtient au terme d’une sorte de parcours initiatique, où il s’agit pour le nouvel entrant de faire montre d’une dévotion sans bornes et d’une docilité irréprochable à l’égard de l’entreprise et de l’encadrement pour le “mériter ”. » Selon l’OCDE, un jeune de France met entre huit et onze ans pour entrer durablement sur le marché de l’emploi, c’est-à-dire décrocher un CDI, contre trois à cinq ans dans les autres pays membres. Les entreprises n’ont aucun scrupule à utiliser une main-d’œuvre sous-payée, surqualifiée et que l’État subventionne grassement en allégements de charges. Quant à régulariser leur situation… « Vous comprenez, c’est la crise », 
répondent-elles lorsqu’un organisme s’attaque au dossier, rappelle Ophélie Latil, de Génération précaire (lire ci-dessous).

Le piège se referme donc sur « une génération contrainte de confirmer d’emblée son employabilité, périssable et remplaçable au gré des besoins de l’entreprise », explique Michel Vakaloulis. « On ne donne pas aux jeunes le temps de choisir et de se former, il leur faut immédiatement être opérationnels », renchérit Emmanuel Sulzer, du Centre d’études et de recherches sur les qualifications, dans l’Expansion de septembre 2009. Opérationnels, voire rentables. Dans leur livre, les Nouveaux Intellos précaires (paru en avril 2009 chez Stock), Anne et Martine Rambach interviewent Éric, un chercheur postdoctorant dans un laboratoire « hyperprestigieux » qui privilégie « les résultats à tout prix » pour « décrocher de l’argent ». Prometteur, Éric se voit confier des travaux qui n’entrent pas dans son champ de compétences, qui l’accaparent au détriment de son propre travail, celui pour lequel il a été remarqué et engagé. Les travaux capotent, ses relations avec sa directrice deviennent « exécrables » et la sentence tombe  : elle ne le soutiendra pas pour postuler à un poste de chercheur. « Je suis ultraprécaire pour mon avenir puisque c’est mon chef qui décide s’il me présente au concours ou pas, assène éric. Je suis précaire parce que je ne suis habilité à rien dans mon travail, je ne peux faire qu’une chose  : produire du résultat. J’ai trente-quatre ans, je n’ai aucune reconnaissance. » On note au passage que pour les précaires, la « jeunesse » ne s’arrête pas à vingt-cinq ans. À trente ans, près d’un tiers (des Français) n’ont pas d’emploi stable, contre 6 % des Danois et 12 % des Néerlandais.

Si les organisations de jeunesse ont enfin trouvé des relais dans l’opinion, elles n’en abandonnent pas pour autant ce dossier. Dans son dossier « Emploi et formation 2009 », le Mouvement des jeunes communistes de France analyse les politiques menées conjointement par la droite au pouvoir depuis 2002 et le patronat comme une intériorisation de la précarité « pour nourrir le fatalisme ». Exemple criant de ce fatalisme, le témoignage de 
Jennifer, diplômée d’une école d’ingénieurs, dans le Monde du 3 octobre 2009  : « Jusqu’en janvier, je cherche un poste d’ingénieur. Après, je prendrai ce qu’on me proposera. » « En habituant les générations successives à l’idée que vivre dans la précarité, avec un minimum d’ambition, de moyens, écrivent les Jeunes Communistes, en (les) habituant à accepter la logique du chacun-pour-soi, la droite veut façonner une société nouvelle bâtie sur l’absence totale de résistance, d’esprit critique et d’aspiration au changement. » Et ce ne sont pas les fausses mesures annoncées par Nicolas Sarkozy qui rassureront les jeunes. L’extension du revenu de solidarité active aux moins de vingt-cinq ans  ? « Ce ne sont que quelque 150 000 personnes entre dix-huit et vingt-cinq ans, nécessairement des travailleurs pauvres, qui devraient percevoir un RSA d’un montant situé entre 50 et 100 euros », dénonçaient les économistes José Caudron et 
Catherine Mills. Une « soi-disant générosité » qui risque de « clore le débat sur une action véritable pour aider les jeunes à sortir de la précarité ».

Faire perdurer « une véritable armée de réserve » sert à « faire pression à la baisse sur l’ensemble des salariés, à les mettre en concurrence et tirer leurs conditions vers le bas ». Même analyse chez les Jeunes Socialistes  : en généralisant les contrats spécifiques à la jeunesse (CNE, contrats aidés de type CAE, contrats d’avenir…), « la droite tente de les ériger en norme ». Nul doute, poursuit la jeunesse de gauche, qu’elle tentera d’« imposer ces contrats à l’ensemble du salariat », comme l’annonçait Nicolas Sarkozy à travers la mise en place du contrat unique. Les combats que livrent la jeunesse aujourd’hui seront ceux de la société demain…

Grégory Marin

2) Jeunes. Le RSA, un dispositif grotesque et pervers

José Caudron est chercheur en économie sociale, enseignant à l’université de Reims Champagne-Ardenne.

Pour lutter contre la précarité des jeunes, le gouvernement a annoncé, en avril 2009, l’extension du RSA aux 18-25 ans. Que vous inspire cette mesure  ?

José Caudron. Elle cible 120 000
à 160 000 jeunes, moins d’un sur vingt. Les conditions d’accès au dispositif sont rigoureuses, puisqu’il fait avoir travaillé un an au cours des deux dernières années. C’est pervers  : lorsqu’on remplit cette condition, en général on a droit au chômage. Or, le cumul RSA-chômage n’est pas possible, et on rétrécit la cible. Ce dispositif, présenté comme un élargissement, est en réalité grotesque et pervers. Il n’est là que pour faire croire qu’on s’occupe des jeunes à très bon compte.

Et le montant de ce « revenu »  ?

José Caudron. Théoriquement, l’allocation serait d’environ 75 euros par mois. Si ça, c’est lutter contre la précarité… En filigrane, il faut penser à tout ce qui pourrait être retiré aux jeunes, comme les allocations étudiantes. J’espère que les organisations étudiantes monteront au créneau, si c’est le cas.

Pourtant, l’annonce de Nicolas Sarkozy (en avril 2009) était présentée comme la transgression d’un principe de droite  : pas de minimum social pour les jeunes.

José Caudron. Je ne conteste pas l’habileté politique, cela semblait être une idée de gauche. Il y a eu au départ une hostilité de la droite, mais elle a très vite été rassurée lorsqu’elle a compris que c’était un cache-misère. D’ailleurs, si la mesure est bien passée dans la loi de finances 2010, c’est avec une applicabilité en septembre ou octobre 2010, autant dire aux calendes grecques.

Vous dites que « cette soi-disant générosité risque de clore le débat sur l’action véritable à mener ». Quelle est-elle  ?

José Caudron. L’allocation d’autonomie, demandée par une partie de la gauche et le PCF. Cela existe en Suède, où les étudiants touchent, sans condition de ressources, 750 à 800 euros mensuels. En France, la droite dit qu’un revenu minimal encouragerait l’oisiveté  ? Malgré la crise, le chômage des jeunes en Suède est bas (bien qu’ayant franchi, selon l’OCDE, la barre des 15 % au premier trimestre 2009, il reste en dessous de la moyenne européenne – NDLR).

Existe-t-il d’autres pistes  ? 
On pense aux emplois jeunes.

José Caudron. Lors de leur mise en place, en 1997, une partie de la gauche n’y a pas cru. Moi non plus. Mais en définitive, avec leur disparition, le tissu social s’est déchiré. Cette politique a été stoppée net pour des raisons idéologiques alors que c’étaient des contrats de deux ans, payés au smic, ce qui aujourd’hui laisse rêveur, et qui permettaient un encadrement dans les établissements scolaires et la vie associative.

Entretien réalisé par G. M.

3) Jeunesse : chair à canon du chômage

Phénomène inquiétant et lancinant depuis trente ans, le chômage des jeunes a explosé ces derniers mois. Les politiques publiques d’aide à l’emploi avaient préparé le terrain en institutionnalisant la précarité. La jeunesse paie le prix fort de la crise.

Sur le front de la crise économique, les jeunes, en France, sont en première ligne et sont les plus exposés aux dangers. Le marché du travail, qui déjà était pour eux un terrain dangereux, est devenu ces derniers mois un véritable champ de mines. Selon la très libérale Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le taux de chômage des 15-24 ans, dans notre pays, est passé de 19 % au quatrième trimestre 2007 à 21,2 % au quatrième trimestre 2008. Aucune trêve n’ayant eu lieu l’an passé, la réalité doit être plus sombre aujourd’hui encore.

Parmi les bataillons décimés, les jeunes hommes paient le prix fort. Depuis l’automne 2008, leur taux de chômage dépasse celui des jeunes filles. Raison avancée par le stratège OCDE, ils occupent « en plus grand nombre un emploi non qualifié dans des secteurs (comme la construction) qui sont très sensibles à la conjoncture économique ». Et l’organisme de prédire pour 2009 et 2010 une « détérioration » de la situation partout, mais « particulièrement en France où le taux de chômage des jeunes est plus sensible qu’ailleurs aux fluctuations économiques ».

Pour 2009, l’Insee avait prévu une diminution de la population en âge de travailler, donc une baisse du nombre des actifs. Les jeunes n’ont pas pu profiter de ce mouvement, ruiné par l’ampleur du choc de la crise financière. Ils ont même vu leur situation se détériorer. Que l’on considère le taux de chômage (sur les seuls actifs d’une classe d’âge) ou la part de chômage (sur l’ensemble de la classe d’âge  : 7,2 % selon Euro-
stat), la France se situe toujours deux points de pourcentage au-dessus de la moyenne de l’OCDE.

« Les jeunes sont les premiers touchés lors des retournements conjoncturels. Victimes notamment du “dernier arrivé, premier sorti”. Souvent embauchés en contrats courts (intérim, CDD, contrats aidés), ils servent plus que les autres de “variable d’ajustement” des effectifs de l’entreprise. Le ralentissement économique enregistré à partir de la fin du printemps 2008 en est malheureusement une illustration parfaite », diagnostique Louis Maurin, sur le site de l’Observatoire des inégalités. Un retournement que la politique du gouvernement n’a fait qu’amplifier. Exonérations sociales et fiscales des heures supplémentaires, recul de l’âge de la retraite… autant de décisions qui plombent l’embauche des jeunes.

De plus, la flexibilité du marché du travail n’a plus de limites pour eux. Résultat d’une précarisation à outrance et de trente ans de politique publique d’aide à l’emploi des jeunes fondée sur une baisse du coût du travail (TUC, CES, CIP…) qui a eu pour effet d’instituer l’intérim et le CDD comme le sas incontournable pour accéder à l’emploi. Selon le Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Cereq), le premier emploi des jeunes de la génération 2004 était à 78 % à durée déterminée.

De ce côté, pas de changement, les dernières annonces gouvernementales s’inscrivent parfaitement dans ce courant. Pour Jean-Philippe Revel, militant CGT de la Fédération des organismes sociaux et qui travaille dans une mission locale parisienne, « les trente ans de politique publique, que M. Hirsh a voulu refonder en six mois, se résument aujourd’hui, via des primes et des exonérations, à des effets d’aubaine pour le patronat. Même les employeurs disent que l’impact de ces mesures va rester mineur. La politique de subvention des postes, tout le monde sait que ça ne marche pas. Il n’y a plus une seule institution indépendante pour défendre cette politique qui ne débouche sur aucune création d’emploi. »

Un échec dont les effets sont durement ressentis par toute la jeunesse et, particulièrement, par celle des quartiers populaires. Ces laissés-pour-compte, comme les appelle l’OCDE, qui ne sont ni en emploi, ni scolarisés, ni en formation, représentent environ 11 % des 15-24 ans. Ce qui les caractérise  : ils n’ont aucun diplôme (lequel reste un sésame pour l’emploi, contrairement à une idée répandue), sont issus de l’immigration et vivent dans des quartiers de relégation.

Le dernier rapport de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles a confirmé cette insupportable situation. La proportion de jeunes au chômage ou en inactivité est deux fois plus importante dans ces quartiers qu’ailleurs. La qualification ne suffit pas à rétablir l’égalité avec les autres territoires. À caractéristiques de diplôme, de sexe, d’origine du père et de nationalité identiques, un jeune habitant de ZUS a environ 1,3 fois moins de chances d’obtenir un emploi stable que les autres. L’Observatoire des inégalités relève que les jeunes hommes habitant ces zones subissent le chômage pour 41,7 % d’entre eux. Le sort des jeunes filles n’est guère enviable  : pour elles, le taux s’élève à 29,6 %.

Pourtant, « les jeunes qui viennent dans les missions locales arrivent sans contrainte, motivés, prêts à s’engager dans tous les boulots qu’on veut », affirme Jean-Philippe Revel. À Toulouse (Haute-Garonne), Marie Lacoste, codirectrice d’Avenir, la nouvelle maison des chômeurs, confirme  : « Depuis des mois, je travaille dans le quartier populaire d’Empalot. Je vois de plus en plus de jeunes diplômés. Ils ont l’envie, l’énergie, la bonne volonté, peu d’obligations. Ce qu’ils subissent est répugnant  ! Ils prennent parfois une gifle monumentale  : les employeurs leur reprochent d’avoir trop de diplômes. Ces jeunes se démènent depuis l’école, dans un environnement familial et social défavorable, et le couperet tombe vite  : au premier rendez-vous, le visage, ça se voit. La France du mérite atteint rapidement ses limites. » À Paris, Jean-Philippe Revel a vu des jeunes tellement bloqués au fond de l’impasse qu’ils économisaient le prix d’un billet d’avion pour fuir vers l’Australie ou qu’ils n’hésitaient pas à emprunter de l’argent pour suivre une formation que personne ne voulait prendre en charge.

« Ils vivent au jour le jour. Ils ne craignent pas l’avenir, ils n’en ont pas  ! Ils ont intégré le message lancinant de la promesse d’une vie précaire  ! » lance Jean-Philippe Revel. Du coup, leur rapport au travail se détériore complètement  : nombreux sont ceux qui ont abandonné l’idée de se réaliser personnellement au travail et qui développent une relation cynique avec lui. Marie Lacoste est même sidérée par le nombre de ruptures conventionnelles de contrat par des jeunes qui considèrent le CDI comme trop contraignant. Précaires éternels, ils ne se reconnaissent pas non plus dans le terme de chômeurs et se détournent des associations. « Pourtant, ces jeunes sont l’espoir de notre pays. Ne pas les laisser désespérer du monde du travail serait intelligent. Ils vivent cela comme une souffrance  : “On ne nous donne pas notre chance”, disent-ils. On marche sur la tête  : cette société valorise la jeunesse d’un côté, mais la sacrifie sur l’autel de l’emploi, de l’autre », s’alarme-t-elle.

Une impasse  ? Les deux professionnels ont des propositions pour en sortir  : réduire la durée du travail, permettre les départs à la retraite plus tôt, augmenter les cotisations patronales pour ce faire, remplacer les fonctionnaires qui partent en retraite… histoire de ne pas se priver des grandes capacités de la jeunesse.

Dany Stive

Les chiffres :

- Taux de chômage selon le diplôme en 2008. Aucun diplôme : 12,7 % ; BEPC, CAP, BEP : 7,7 % ; bac : 6,8 % ; bac + 2 : 4,3 % ; diplôme du supérieur à bac + 2 : 4,7 %. (Insee.)

- Évolution du nombre de chômeurs de moins de vingt-cinq ans. En juin 2008 : 231 900 ; en juin 2009 : 330 400 ; soit 98 500 de plus, c’està- dire, en pourcentage, une hausse de 42 %. (Pôle emploi.)

- Types de contrats signés par les jeunes lors de leur premier emploi en 2008 (en pourcentage).

* Non diplômés : 23 en CDI, 31 en CDD, 27 en intérim, 12 en contrat aidé, 6 autres ;

* CAP ou BEP : 28 en CDI, 35 en CDD, 22 en intérim, 12 en contrat aidé, 3 autres ;

* bac : 25 en CDI, 37 en CDD, 20 en intérim ; 5 autres ;

* bac + 2 : 30 en CDI, 42 en CDD, 20 en intérim, 6 en contrat aidé, 3 autres ;

* licence : 41 en CDI, 42 en CDD, 10 en intérim, 3 en contrat aidé, 4 autres ;

* master : 45 en CDI, 41 en CDD, 9 en intérim, 2 en contrat aidé, 13 autres. (Cereq.)

4) Cette jeunesse promise à la misère

Ils sont les premières victimes de la crise. Près d’un quart des moins de vingt-cinq ans, hors étudiants, vivent sous le seuil de pauvreté, et l’indigence n’est qu’un début. Derrière, tout un cortège d’exclusions et, parfois, la rue.

Pas de RMI, pas d’Assedic, pas de RSA. Avant vingt-cinq ans, les jeunes n’ont droit à presque rien. C’est une période critique pourtant, où l’on tente comme on peut de s’insérer dans une société de plus en plus verrouillée. En l’absence d’aides de l’État, tout repose donc sur la solidarité intergénérationnelle, le soutien des adultes. Autrement dit, ceux qui vivent aux crochets de leurs parents sont les plus chanceux. Pour les autres, les isolés, ceux qui sont issus d’un milieu défavorisé ou qui ont été mis à la porte du domicile familial, il n’y a qu’une seule issue  : trouver un boulot. Rapidement, coûte que coûte, sans être trop regardant. « Il y a aujourd’hui une misère grandissante des jeunes, car ils sont les premières victimes des pressions sur le salariat », observe Jacques Guillou, sociologue, auteur de Figures de l’exclusion. Car pour ceux qui ne parviennent pas à trouver un premier emploi, c’est la galère immédiate, voire la dégringolade dans la misère.

Camara a vingt ans. C’est un étudiant comme les autres, en licence de mathématiques informatiques. Sauf qu’il va aux Restos du cœur pour manger. Rencontré dimanche dernier, lors de la distribution de repas à la gare de l’Est, dans le 10e arrondissement de Paris, il racontait : « J’ai quitté mes parents. Tous les soirs, j’appelle le 115 pour trouver où dormir. » Il cherche du travail  : « Manutentionnaire, ou n’importe quoi d’autre. » Pareil pour Nasser, dix-neuf ans. Avant, c’était un jeune Afghan sans papiers  ; maintenant, c’est un jeune tout court. Mais il galère toujours autant. « Cela fait huit mois que j’ai été régularisé, mais ça reste très, très difficile. » Il vient à la gare de l’Est pour avaler un repas chaud et aider d’autres sans-papiers à décrypter leurs demandes de régularisation. Il semble bien connaître le système français et il a déjà fait son calcul  : « Comme j’ai dix-neuf ans, si je n’arrive pas à trouver un travail, j’ai six ans à tenir pour avoir droit à quelque chose. » Il répète  : « Six ans  ! »

Si les parcours individuels sont parfois effrayants, la vision d’ensemble est vertigineuse. D’après le rapport 2009 de l’Institut, 21 % des jeunes de dix-huit à vingt-quatre ans (hors étudiants), soit presque un quart de cette population, vivent sous le seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec moins de 880 euros par mois. Et le pire reste à venir, car les chiffres de l’Insee remontent en fait à 2006  ! Depuis, la crise est passée par là, creusant le fossé. « C’est triste à dire mais, si en 2006 la situation n’était déjà pas facile, les jeunes mangeaient leur pain blanc. Depuis plus d’un an maintenant, la situation s’est très fortement dégradée », souligne Louis Chauvel, professeur à Sciences-Po et auteur du Destin des générations.

Jean-Luc Outin, chercheur au centre d’économie de la Sorbonne, complète le tableau  : « Il y a une chute drastique de l’intérim et des embauches. Même pour ceux qui ont un premier emploi, la situation reste risquée, car ils sont la variable d’ajustement privilégiée des entreprises qui veulent se restructurer. » Et même si la conjoncture économique connaît une embellie, les jeunes qui ont commencé à travailler en 2009 subiront les conséquences de la crise sur le long terme. « Quand on a accepté une déqualification, ou un salaire moins favorable que ce que son niveau d’études permettrait de demander, on en subit les conséquences toute sa vie », insiste Jean-Luc Outin, également membre de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (Onpes).

Les jeunes n’ont pas toujours été la population la plus défavorisée. Avant, le taux de pauvreté le plus élevé était celui des personnes âgées. La tendance s’est inversée au milieu des années 1980. « Cela s’explique par la montée en charge du système de retraite par répartition. Les personnes âgées ont commencé à en profiter en masse, alors que les jeunes n’ont aucune couverture », explique l’économiste Jean-Luc Outin. Pour lui, « cette double évolution illustre le rôle central des prestations sociales pour résorber la pauvreté ». N’y a-t-il pas d’autres remparts contre la pauvreté, comme les emplois aidés ? « Pour certains jeunes, les emplois aidés peuvent faire office de sas pour s’en sortir vers le haut. Pour d’autres, c’est au contraire un enfermement dans la précarité », tempère le chercheur, pour qui « les politiques actuelles n’ont pas d’effets structurels sur la pauvreté des jeunes ». Le seuil de pauvreté est une frontière qui se franchit plus facilement dans un sens que dans l’autre. S’élever est difficile, mais il suffit d’une anicroche, d’un accident de la vie, pour chuter. « Quand on est juste au-dessus du seuil de pauvreté, il ne faut en fait pas grand-chose pour se retrouver à la rue », confirme Bernard Bianco-Levrin, coordinateur de la mission squat de Médecins du monde. L’exemple typique  : « La voiture qui tombe en panne, alors qu’on n’a pas d’argent pour la faire réparer. » Et, derrière, l’impossibilité d’aller travailler. Pour Bernard Bianco-Levrin, la notion de seuil de pauvreté ne signifie pas grand-chose  : « La véritable scission se situe entre ceux qui peuvent consommer et les exclus. » Encore que, fait-il remarquer, « le marché s’adapte pour pousser aussi les pauvres à la consommation. La preuve  : la 8°6 (une des bières les plus fortes et les moins chères – NDLR) est à 30 centimes d’euro ! » s’énerve-t-il, lui qui travaille, notamment, à la prévention des risques et de la toxicomanie dans les squats. Et il y a aussi le crédit revolving, ces crédits à taux prohibitifs, comme celui proposé par la société Finaref avec la carte Fnac, qui permet aux démunis de s’endetter encore plus.

La pauvreté est également la mère d’autres exclusions. Ces jeunes se retrouvent en marge de l’accès au logement, du système de soin, puis de la société dans son ensemble. Tout au bout, trop souvent, il y a la rue. Robert Bianco-Levrin raconte le schéma classique d’une descente aux enfers  : « Les jeunes SDF ont un vécu très lourd. Leur errance a en général commencé à l’intérieur même de leur famille. Un ou les deux parents ont perdu leur emploi. La situation est alors devenue délétère entre le père et la mère. Puis, le jeune est mis à la porte, ou il décide de partir. Généralement, cela se passe au printemps ou en été. C’est le début de la période des festivals et ils partent sur les routes. » Selon lui, le mouvement s’est accéléré avec la crise. « D’après une étude de l’Armée du salut, en 2009, un jeune à la rue a quitté son domicile quatre à cinq mois après une crise familiale, alors qu’il y a quatre ans, cette période s’étalait environ sur une année. » « Il y a également 30 % à 40 % des jeunes SDF qui viennent de la Ddass », rappelle le sociologue Jacques Guillou, spécialiste de l’exclusion. C’est le cas de Teddy, vingt-huit ans, placé à la Ddass après le remariage de sa mère. Après avoir fait quelques foyers, il a échoué sur le trottoir. Il avait alors treize ans. Il raconte volontiers la débrouille, « les petits vols ». Il évoque « les jeunes qui tapent dans la drogue  : le crack, les médicaments de substitution, les antidépresseurs pilés et tout ce qu’ils peuvent trouver pour pas cher ». Il parle de cette misère qui détruit le sens du collectif et attise les conflits entre toutes les catégories de la population, les anciens contre les jeunes, les mendiants français contre les mendiants roms et, surtout, les hommes contre les femmes. Il insiste longuement sur ce point  : « Pour les filles, la rue c’est l’horreur. Parmi les jeunes qui galèrent, c’est elles qui souffrent le plus. »

Mehdi Fikri

LES CHIFFRES :

- 21 % des 18-24 ans vivaient avec moins de 880 euros par mois, contre une moyenne de 13,2 % pour l’ensemble de la population, selon le rapport de l’Insee sur « Les revenus et le patrimoine des ménages » publié en 2009, d’après des chiffres de 2006.

- Les jeunes de 18 à 29 ans sont la seule catégorie de la population française à vivre avec un niveau de vie moyen inférieur à 20 000 euros par an.

- En 2008, selon l’Insee, le taux de chômage des jeunes de 18 à 24 ans s’élevait à 19 % en France, contre 15,6 % dans l’Union européenne.

- 30,3 % des personnes vivant au sein d’une famille monoparentale sont confrontées à la pauvreté, soit une proportion 2,3 fois plus importante que dans l’ensemble de la population.

- Parmi les personnes vivant sous le seuil de pauvreté à 60 %, on comptait en 2007 30 % d’enfants de moins de 18 ans, selon le rapport Hirsch publié en octobre 2009.

5) Jeunes. « Une situation proche de celle en Grèce » (par Louis Chauvel, professeur à Sciences-Po

Pourquoi peut-on parler de « génération sacrifiée »  ?

Louis Chauvel. En trente ans, les jeunes ont perdu près de 30 % de revenu relativement aux quinquagénaires. C’est 
la conséquence du fait que, en cas de chômage de masse, le système du travail français fait peu de place aux jeunes. On protège les hommes d’âge moyen. Mais les jeunes, comme les femmes, les immigrés et toutes les catégories plus fragiles, sont une variable d’ajustement. Cela pose un problème pour le futur. Cette dynamique s’est enclenchée voilà trente ans et on peut déjà observer aujourd’hui que, dans de nombreux secteurs industriels, les jeunes sacrifiés d’hier sont devenus des gens d’âge moyen qui ont commencé à travailler tardivement, avec de faibles salaires d’embauche qu’ils n’ont jamais pu rattraper.

Que pensez-vous du traitement des difficultés de la jeunesse 
par les politiques  ?

Louis Chauvel. Ce qui manque le plus aux jeunes, ce sont des emplois décents avec un salaire permettant de construire sa vie. À partir du ralentissement économique des années 1970, on a préféré allonger considérablement les études plutôt que de réduire le chômage. L’argument général consistait alors à dire  : le chômage au-dessus de bac + 2 est très faible, et donc, si tous les jeunes sont bacheliers, il n’y aura plus de chômage des jeunes. Que les jeunes soient plus éduqués, c’est une bonne chose. Mais à condition que des emplois correctement rémunérés leur soient proposés au bout de leurs études. Or, en Italie et en Espagne, on a vu apparaître le problème des « mileuristas », celui de jeunes diplômés d’université qui à trente-cinq ans doivent se contenter de 1 000 euros par mois. Or, le prix de l’immobilier ne permet pas de vivre décemment avec 1 000 euros, et ils sont obligés de vivre chez leurs parents, qu’ils le veuillent ou non. En Grèce, on parle aussi de génération à 600 euros pour ces jeunes qui se sont révoltés à Athènes l’année dernière. La situation française n’est pas aussi dramatique, mais elle s’en rapproche...

Entretien réalisé par Mehdi Fikri

6) La jeunesse, classe dangereuse

Au centre des discours sur la sécurité, les jeunes sont plus que jamais l’objet de stigmatisations. L’occasion de remettre en cause certains projets pédagogiques 
et d’exercer un dressage libéral. Enquête.

« L ’état de jeune, c’est un passage, une maladie dont on guérit. » La jeunesse, voilà en substance « l’affection » dont souffrirait l’être humain jusqu’à ce qu’il atteigne – enfin – l’âge adulte, dans l’esprit de Laurence
Parisot, la présidente du Medef. Il s’agirait donc d’attendre que « ça » passe ou, mieux, d’accélérer la transition avec, en ligne de mire, l’objectif d’un « dressage libéral », selon l’analyse de Jean-Baptiste Prévost, président de l’Unef. Les jeunes sont donc toujours priés de s’insérer et de ne pas faire de vagues, en attendant. Nous ne sommes pas loin, quarante ans après Mai 68, de cette affiche qui suggérait « Sois jeune et tais-toi ». Dans les années 1970, les sociologues Jean-Claude Chamboredon et Madeleine Lemaire notaient déjà que « c’est dans les conflits qui naissent à propos des jeunes que l’on peut le mieux ressaisir tous les griefs portés contre les mœurs populaires ».

L’exploitation politique du thème de l’insécurité a largement contribué à ce glissement sémantique où le « jeune » (ou « sauvageon ») a presque remplacé le « délinquant ». Si, dans les années 1970, les trois quarts des actes délictueux concernaient des vols, aujourd’hui les dégradations de biens publics ainsi que les agressions verbales ou physiques sont en nette augmentation. En revanche, souligne Laurent Mucchielli, directeur du Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales, il est désormais demandé aux policiers, aux chefs d’établissement ou aux magistrats « de signaler toutes les formes de violence, même les plus bénignes ». L’étau se resserre donc vis-à-vis d’une génération forcément suspecte, à redresser dès le berceau. La multiplication des petites affaires qui étaient « auparavant réglées en famille » contribue donc à cette impression d’une jeunesse décadente. De même, cette société de l’amnésie où une information chasse l’autre a permis d’oublier qu’avant le « happy slapping », qui consiste à filmer une scène violente et à la diffuser sur
Internet, les blousons noirs des années 1960 enregistraient déjà leurs méfaits sur magnétophones. Le thème de la décadence, note Laurent Mucchielli, marque le retour « des valeurs chères aux discours d’extrême droite ».

Autant dire que certains pans de la création culturelle abondent largement dans le sens de cette bataille idéologique. Ainsi, le film les Choristes participe de cette atmosphère générale de suspicion à l’égard de la jeunesse – et par là même de son nécessaire redressement. De fait, les garçons internés rentrent dans le droit chemin pour se muer en enfants de chœur par le biais de l’autorité et de la discipline. Le tout dans cet environnement clos qu’est l’internat. Les « sauvageons » sont rééduqués, la boucle est bouclée et la jeunesse de nouveau civilisée. « Les partis politiques en quête de cheval de bataille électoral et la gent médiatique toujours à l’affût d’un nouveau problème de société, c’est une grande partie de la population qui se trouvait entraînée dans une remise en cause des pédagogies innovantes mises sur orbite dans la foulée de Mai 68 », décrypte le sociologue Jean-Pierre Garnier. Ainsi, la jeunesse devient prétexte à la remise en cause d’un certain modèle de société. Il faut surveiller donc, et punir ensuite, comme le suggérait Michel Foucault. Plus de trente ans après sa publication, une commission d’experts sous la houlette de Rachida Dati préconisait l’incarcération dès l’âge de douze ans.

« Les mineurs sont les mêmes qu’hier, ce qui change, c’est le contexte économique et social. Ce discours ambiant qui consiste à dire que la délinquance des mineurs augmente est un faux discours », relevait Emmanuelle Perreux, la présidente du Syndicat de la magistrature à l’époque, avant d’ajouter que « cette politique du tout-pénal oublie complètement qu’un mineur peut être un délinquant, mais qu’il est surtout un être en construction. On ne peut pas dissocier la politique pénale de la politique éducative ». Autant dire que l’ordonnance de 1945, dont le préambule garantit « le primat de l’éducatif sur le répressif », est balayée d’un revers de main. Ainsi, depuis 2002, ce ne sont pas moins de six textes de loi sur la délinquance des jeunes qui sont sortis de l’usine à gaz législative.

Quant au volet dissuasion, certaines communes ont trouvé la parade. En 2008, le maire socialiste de Morières-lès-Avignon prend un arrêté qui interdit aux jeunes de se rassembler à certaines heures. « Le but n’est pas la répression pour la répression. C’est pour cette raison que je ne suis pas gêné d’avoir adopté une idée de la droite. Mon seul intérêt est le bien-être des riverains de ma commune », expliquait-il à l’été 2008. Les jeunes, des délinquants potentiels  ? C’est ce qu’a dû penser la direction de l’hypermarché
Carrefour de Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) lorsqu’elle interdisait l’accès aux jeunes de sa grande surface. Il en va de même pour ce boîtier « anti-jeunes », véritable répulsif sonore, qui émet des ultrasons audibles uniquement par les moins de vingt-cinq ans. Au même titre que les insectes ou les rongeurs, les jeunes sont des êtres nuisibles dont il faudrait se prémunir.

Selon la fédération 93 de la
Ligue des droits de l’homme, il s’agit d’un « vrai projet de société qui peu à peu se met en place dans notre pays. Sous couvert d’assurer la sécurité de tous, on ne fait qu’accroître le malaise des jeunes de notre pays (…). Cela rejoint malheureusement un certain nombre de mesures gouvernementales comme l’interdiction de rassemblement dans les halls d’immeuble ou plus récemment le fichage des jeunes en difficulté scolaire dans le projet de loi dit “prévention de la délinquance”, qui met par ailleurs à bas plus de cinquante ans de politique pénale envers les mineurs ».

À la volonté d’effacer tout affrontement de classe, les conservateurs se sont employés à construire une nouvelle « classe dangereuse » qui remplacerait la criminalité de « la classe laborieuse » décrite par Louis Chevalier dans le Paris du XIXe siècle. Au XXIe siècle, Nice décrète le couvre-feu pour les moins de treize ans. Mieux, la question de la suppression des allocations familiales pour les parents des mineurs « déviants » revient sur le devant de la scène. De même, le nombre d’exclusions ou de mises en examen de lycéens s’étant engagés contre les réformes Darcos en bloquant leur lycée a illustré cette volonté d’annihiler ce qu’il restait de rébellion ou plutôt d’engagement à l’encontre de la société qui leur est proposée. Il fut un temps, pas si lointain, où l’on laissait allégrement dégénérer les manifestations anti-CPE en batailles rangées. Comme pour mieux discréditer l’ensemble du mouvement et par là même la jeunesse en son entier.

Lina Sankari

LES CHIFFRES :

- 1 200 collèges et lycées ont été « sécurisés » (fouilles, chiens renifl eurs et contrôles d’identité) en 2005.

- 281 lycées publics franciliens sont placés sous vidéosurveillance. Soit plus de la moitié des établissements.

- 727 mineurs ont été placés en détention en 2007, soit 1,2 % de la population carcérale.

- 63 652 mineurs étaient incarcérés pour 49 595 places en 2004.
- Les condamnations criminelles des mineurs de treize ans auraient augmenté de 763 % entre 1997 et 2007.

- 98,7 % de la délinquance des mineurs n’est pas constituée par des actes graves, selon la Ligue des droits de l’homme. Il s’agit de vols, de dégradations, de bagarres, ou d’usage de drogue.


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