Novembre (poèmes)

lundi 6 novembre 2023.
 

Les Soleils de Novembre

Auguste Lacaussade

Un beau ciel de novembre aux clartés automnales

Baignait de ses tiédeurs les vallons vaporeux ;

Les feux du jour buvaient les gouttes matinales

Qui scintillaient dans l’herbe au bord des champs pierreux.

Les coteaux de Lormont, où s’effeuillaient les vignes,

Étageaient leurs versants jaunis sous le ciel clair ;

Vers l’orient fuyaient et se perdaient leurs lignes

En des lointains profonds et bleus comme la mer.

Lente et faible, la brise avait des plaintes douces

En passant sous les bois à demi dépouillés ;

L’une après l’une au vent tombaient les feuilles rousses,

Elles tombaient sans bruit sur les gazons mouillés.

Hélas ! plus d’hirondelles au toit brun des chaumières,

Plus de vol printanier égayant l’horizon ;

Dans l’air pâle, émanant ses tranquilles lumières,

Rayonnait l’astre d’or de l’arrière-saison.

La terre pacifique, aux rêveuses mollesses,

Après l’âpre labeur des étés florissants,

Semblait goûter, pareille aux sereines vieillesses,

Les tièdes voluptés des soleils finissants.

Avant les froids prochains, antique Nourricière,

Repose-toi, souris à tes champs moissonnés !

Heureux qui, l’âme en paix au bout de sa carrière,

Peut comme toi sourire à ses jours terminés !

Mais nous, rimeurs chétifs, aux pauvretés superbes,

De nos vertes saisons, hélas ! qu’avons-nous fait ?

Qui peut dire entre nous, pesant ses lourdes gerbes :

« Mourons ! mon œuvre est mûre et mon cœur satisfait ! »

Jouets du rythme, esprits sans boussole et sans force,

Dans ses néants la forme égara nos ferveurs ;

Du vrai, du grand, du beau nous n’aimions que l’écorce ;

Nous avons tout du fruit, tout, hormis les saveurs !

En nombres d’or rimant l’amour et ses délires,

Nous n’avons rien senti, nous avons tout chanté.

Vides sont les accords qu’ont exhalé nos lyres !

Vide est le fruit d’orgueil que notre arbre a porté !

Tombez, tombez, tombez, feuilles silencieuses,

Fleurs séniles, rameaux aux espoirs avortés !

Fermez-vous sans écho, lèvres mélodieuses !

Endormons-nous muets dans nos stérilités !

Plus de retours amers ! trêve aux jactantes vaines !…

Oui, la Muse eût voulu des astres plus cléments !

Un sang pauvre et le doute, hélas ! glaçaient nos veines :

Nous sommes de moitié dans nos avortements.

Il faisait froid au ciel quand nous vînmes au monde,

La sève était tarie où puisaient les aïeux.

Résignons-nous, enfants d’une époque inféconde :

Nous mourons tout entiers, nous qui vivons sans dieux !

O dureté des temps ! ô têtes condamnées !

Fiers espoirs d’où la nuit et l’oubli seuls naîtront !

Eh bien, soit ! — Acceptons, amis, nos destinées :

Sans haine effaçons-nous devant ceux qui viendront !

Succédez-nous, croissez, races neuves et fortes !

Mais nous, dont vous vivrez, nous voulons vous bénir.

Plongez vos pieds d’airain dans nos racines mortes !

D’un feuillage splendide ombragez l’avenir !

Et vous, ferments sacrés des époques prospères,

Foi, liberté, soleil, trésors inépuisés,

Donnez à nos vainqueurs, oublieux de leurs pères,

Tous les biens qu’aux vaincus la vie a refusés !

Les Automnales (1876)


Le vent sauvage de Novembre (poème d’Emile Verhaeren)


Novembre

François Coppée

Captif de l’hiver dans ma chambre

Et las de tant d’espoirs menteurs,

Je vois dans un ciel de novembre,

Partir les derniers migrateurs.

Ils souffrent bien sous cette pluie ;

Mais, au pays ensoleillé,

Je songe qu’un rayon essuie

Et réchauffe l’oiseau mouillé.

Mon âme est comme une fauvette

Triste sous un ciel pluvieux ;

Le soleil dont sa joie est faite

Est le regard de deux beaux yeux ;

Mais loin d’eux elle est exilée ;

Et, plus que ces oiseaux, martyr,

Je ne puis prendre ma volée

Et n’ai pas le droit de partir.


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