Athènes antique au temps béni de ses métèques

lundi 2 mai 2011.
 

A lire : Athènes vue par ses métèques. Ve-IVe siècle av. J.-C., de Saber Mansouri.Éditions Tallandier 2011, 188 pages, 16,80 euros.

Qu’est-ce qu’un métèque à Athènes entre le Ve et le IVe siècle avant J.-C.  ? Telle est la question que pose l’historien Saber Mansouri avec la volonté de dépasser les idées reçues. Les étrangers, contrairement à la représentation xénophobe qu’en donnait l’école platonicienne, ont joué un rôle majeur dans le rayonnement athénien du siècle de Périclès. Car, si on sait que le métèque est un étranger installé durablement ou non à Athènes, où il exerce une activité économique, nos représentations restent tributaires du point de vue athénien, illustré par Platon et Aristote, soucieux d’établir dans la cité idéale une séparation stricte entre citoyens et non-citoyens, et responsables de l’image négative du métèque, « oiseau migrateur » tourné vers le profit et traître à sa patrie d’accueil, dès qu’elle est en danger.

En s’appuyant sur Thucydide, Xénophon, Aristophane, Démosthène ou encore Lysias, l’auteur déconstruit cette image du personnage, qui, loin de compter parmi les exclus, figure au cœur de la vie politique, sociale et intellectuelle athénienne. Certes, il est de « mauvais » métèques, à l’instar de certains marchands de blé profitant de crises économiques pour spéculer. Mais combien d’autres respectent les lois d’Athènes, se posent en bienfaiteurs, participent aux liturgies ou s’impliquent dans les activités guerrières de la cité, favorisant ainsi la restauration de la démocratie en 403 et recevant en retour privilèges et reconnaissance  ? Bien que dépourvus du droit de vote, les métèques participent à la circulation des idées sur l’agora. Ils sont des acteurs de la démocratie athénienne et, à l’instar de Lysias, la figure emblématique des orateurs étrangers que Saber Mansouri érige en modèle du métèque idéal, des défenseurs, voire des penseurs de la démocratie athénienne.

Ni tolérance ni xénophobie à Athènes à l’égard de ces étrangers, dont on ne craint pas la présence réelle, nécessaire et souvent souhaitée, contrairement aux affirmations de Platon ou d’Aristote. Face aux tentatives de relecture de l’histoire dans certains discours politiques contemporains ignorants des réalités athéniennes (comme celui de Marie-France Stirbois, députée du Front national, à l’Assemblée nationale le 2 mai 1992, au moment du vote de la loi Gayssot), le rôle de l’historien des mondes anciens est bien de rétablir la vérité et de rappeler que l’expérience grecque vaut pour elle-même, non pour ce que nos sociétés et notre démocratie sont devenues. Réévaluant la place des métèques dans la cité, Saber Mansouri nous offre ainsi une leçon plus que salutaire en ces temps où l’Autre est si souvent prétexte au déchaînement de la parole politique.

Bassir Amiri historien


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