Le traité budgétaire, cercueil du social

mardi 11 septembre 2012.
 

En organisant le passage en force de la ratification du traité budgétaire européen, François Hollande et le Parti socialiste prennent une lourde responsabilité dont la gauche risque, tôt ou tard, de payer le prix. D’abord, en raison des effets directs de ce texte, qui sont, tant sur le plan social qu’en matière de démocratie, aux antipodes des espoirs de changement de la majorité des Françaises et des Français. Ensuite, parce que ce traité est une boîte de Pandore : sa ratification doperait des tendances lourdes dont nul ne sait jusqu’à quelles extrémités elles nous entraîneraient. Enfin, du fait du caractère subreptice, « cachottier », sinon manipulateur, de toute cette opération. Chacun de ces aspects mérite qu’on s’y arrête.

Le contenu du traité justifie en lui-même son rejet catégorique par toute la gauche. Alors que l’UE s’enfonce dans le chômage et la récession, le traité vise à instituer durablement la stratégie de l’austérité budgétaire. On le sait : il stipule, afin de garantir le respect de cette trajectoire respective, non seulement que le budget de la nation soit soumis au contrôle préalable de la Commission et du Conseil, mais qu’un « mécanisme de correction sera déclenché automatiquement » pour remettre dans la bonne voie tout pays qui s’en écarterait. Un éventail de sanctions est prévu à cet effet. Enfin, la « règle d’or » de l’équilibre budgétaire doit faire l’objet de « dispositions contraignantes » et « permanentes » dont « le plein respect et la stricte observation tout au long des processus budgétaires nationaux » doivent être dûment garantis sous le contrôle de la Cour de justice européenne ! Ainsi, nos parlementaires sont-ils appelés à adopter un texte qui les privera de fait de leur prérogative essentielle : l’exercice de la souveraineté budgétaire. Quant aux parlementaires socialistes, il leur est demandé de céder à des instances européennes dominées par des intégristes du libéralisme le choix des orientations économiques et sociales de la France. Inouï !

Mais l’offensive des ultras qui ont inspiré ce traité ne s’arrêterait pas là. Une fois franchie cette étape sonnerait l’heure de la suivante. Leur feuille de route n’est pas un secret. Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne, avait annoncé la couleur dès février dernier. « Le traité budgétaire, c’est le début », avait-il déclaré au « Wall Street Journal ». Ironisant sur l’époque où certains considéraient que « les Européens pouvaient se permettre de payer tout le monde pour ne pas travailler », il avait martelé : « Ce temps-là est révolu. » « Le modèle social européen est mort », avait-il souligné. C’est au nom de cette « vision » de l’Europe que le même Draghi juge « inévitable » une « union financière, budgétaire et politique (qui) conduira à la création de nouvelles entités supranationales » (« Le Monde » 22 juillet 2012).

Ce processus de centralisation des leviers du pouvoir à l’abri des citoyens est naturellement promu au nom de la lutte contre la crise. Comme le dit, non sans cynisme, le président du Conseil européen, M. Van Rompuy : « La crise de la dette souveraine constitue une formidable opportunité pour un véritable bond en avant de l’intégration économique. » Un document traçant les grandes lignes de ce « bond » étalé sur une dizaine d’années sera même discuté avant la fin 2012...

De tout cela, nos dirigeants ne disent mot. Ce silence tout comme la posture mystificatrice sur la « renégociation » du traité budgétaire et, finalement, la mise à l’écart des citoyens de choix aussi structurants appellent une sérieuse confrontation d’idées parmi celles et ceux pour qui « le changement » n’est pas qu’un slogan.

(L’Humanité Dimanche)


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