Le fascisme italien (par Andrèu Nin, mars 1930)

vendredi 12 avril 2013.
 

Dans ce texte, Andrèu Nin répond à Francisco Cambó, chef de la Lliga Regionalista qui avait écrit en 1929 Les dictatures. Le livre d’A. Nin dont est extraite cette étude se présentait comme une réponse marxiste aux thèses de Cambó.

Qu’est-ce que le fascisme ?

Quand on parle du fascisme, la première chose qui s’impose est de préciser la signification du mot. Fréquemment, on considère de façon erronée comme fasciste tout gouvernement bourgeois qui passe par-dessus, ou tout comme, les institutions démocratiques et se distingue par sa politique répressive. Si cette appréciation était juste, il faudrait considérer comme fascistes, par exemple, le tsarisme russe, la dictature de Porfirio Díaz au Mexique avant-guerre, la dictature royale en Yougoslavie ou celle de Primo de Rivera, qui vient de s’abattre si peu glorieusement sur l’Espagne. C’est évident que la mise en œuvre de méthodes dictatoriales et répressives ne constitue pas l’unique trait caractéristique du fascisme.

Nous essayerons de résumer, de façon concise, les causes et les particularités de ce mouvement.

À notre avis, ses causes fondamentales sont les suivantes :

- le désenchantement résultant de la guerre ;

- les inconsistances des relations capitalistes et la nécessité de les consolider par des moyens dictatoriaux ;

- la menace ou l’échec de la révolution prolétarienne ;

- l’existence d’un grand nombre d’éléments sociaux "déclassés" ;

- le mécontentement et la désillusion de la petite bourgeoisie.

Quels sont les traits caractéristiques du mouvement ?

- l’objectif de consolider la prédominance du grand capital ;

- le rejet des institutions démocratiques auxquelles on substitue des méthodes nettement dictatoriales ;

- la répression acharnée contre le prolétariat (destruction des organisations ouvrières par des procédés "plébéiens", selon la juste expression de Trotsky, mesures d’extrême violence, allant jusqu’à la destruction physique, contre les militants ouvriers, suppression des acquis de la classe travailleuse, établissement d’un régime d’esclavage dans les usines, etc..) ;

- l’utilisation, comme base du mouvement, de la petite bourgeoisie urbaine et rurale et des éléments "déclassés" (spécialement des ex-fonctionnaires de l’Armée rentrés du front) ;

- une politique extérieure d’expansion impérialiste.

Cette analyse schématique ne se base pas sur des a priori, comme les jugements de M. Cambó [1] , mais sur l’étude de l’expérience du mouvement fasciste non seulement en Italie, mais aussi en Allemagne, Pologne, Autriche, Tchécoslovaquie, etc.. L’examen plus en détail du fascisme italien montrera la justesse de notre analyse.

Origines du Fascisme italien

Comme nous l’avons déjà vu, Monsieur Cambó ne considère pas la guerre comme une des causes déterminantes des dictatures. Il ne nous est guère possible de combattre son point de vue en lui opposant nos arguments pour la simple raison qu’il n’apporte aucun, se contentant, avec sa légèreté habituelle, de formuler une affirmation brute sans l’étayer dans des faits concrets. Or, l’analyse de ces faits nous conduit à la conclusion que le mouvement fasciste, culminant dans la prise du pouvoir en 1922, et l’instauration d’un régime typique d’insolente dictature bourgeoise, est un produit direct de la guerre.

Un regard sur la situation économique italienne d’avant-guerre nous le démontrera.

Le capitalisme italien est jeune. Comme le fait remarquer le professeur Varga [a] , l’économie italienne présentait, à la fin du XIX° siècle, un caractère agricole féodal que conservent encore les régions méridionales. L’Italie manque de matières premières (charbon, pétrole, coton, métaux, etc.), circonstance qui entraînait sa dépendance envers d’autres pays. L’excédent de main d’œuvre, dû à la très forte densité de population (130 habitants au kilomètre carré), compense dans une certaine mesure ce défaut, en facilitant le développement de l’industrie sur la base de faibles salaires.

L’industrie prédominante était l’industrie légère ou de transformation, spécialement le textile et l’automobile.

L’industrie lourde était peu développée, travaillait comme l’industrie légère - à l’exception du secteur textile de la soie - avec des matières premières importées, et était soutenue par des subventions et commandes de l’État.

Dans les pays où le rôle de l’industrie lourde est prédominant, celle-ci entraîne derrière elle et subjugue, en alliance avec les grandes banques, les autres industries ; il acquiert une influence décisive sur l’État et l’oblige à effectuer une politique en harmonie avec ses intérêts : commandes d’une quantité croissante d’armes et de navires de guerre, colonisation pour la construction de chemins de fer, etc., etc. À la suite de la faiblesse de l’industrie lourde, le capitalisme avait en Italie peu de base économique pour une politique agressive d’expansion.

La contradiction entre l’industrie légère et l’industrie lourde, et entre l’industrie en général et l’agriculture, était plus nette et plus accusée que dans toute autre nation.

Comme chacun le sait, l’Italie formait lors du déclenchement de la guerre la Triple Alliance avec l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie. Mais cette alliance, conclue en 1881 quand la France s’était emparée d’Alger et de la Tunisie, privant ainsi l’Italie de colonies vers lesquelles elle aurait pu diriger son excèdent démographique, cette alliance-là manquait de bases économiques en 1914. La lutte pour les marchés, la concurrence acharnée dans les Balkans et au Proche-Orient, rapprochaient le capitalisme italien de la France.

Ce fut une des principales raisons de la neutralité adoptée par l’Italie pendant le début de la guerre. Les adversaires de l’intervention étaient le prolétariat, l’industrie textile et les grands propriétaires fonciers. Le parti socialiste italien, qui exerçait une influence énorme sur la classe ouvrière, avait adopté une attitude hostile à la guerre, contrairement aux autres partis de la II° Internationale. Bien que cette attitude n’était pas suffisante d’un point de vue marxiste révolutionnaire dans la mesure où elle ne parvenait pas à la conclusion logique de transformation de la guerre impérialiste en guerre civile, elle n’en constituait pas moins un sérieux obstacle pour les visées des interventionnistes.

L’industrie légère, et tout particulièrement l’industrie textile, espérait d’avantage de profits de la neutralité que de l’intervention, craignant par ailleurs que l’industrie lourde n’acquière une position hégémonique. Cette fraction de la bourgeoisie, représentée politiquement par Giolitti, était résolument anti-interventionniste.

Les grands propriétaires fonciers étaient des adversaires de l’entrée en guerre car il n’attendaient aucun bénéfice de celle-ci et voyaient d’un mauvais œil les progrès de l’industrie lourde.

La tendance neutraliste était par ailleurs renforcée par le désenchantement qui avait suivi l’échec des aventures guerrières coloniales qui avaient précédé, montrant le coût des sacrifices occasionnés par la guerre, et aussi par la pression des capitaux américains et allemands. L’Amérique, qui est entrée en guerre bien après l’Italie, soutenait la politique non-interventionniste. L’Allemagne, qui s’intéressait de près à la jeune industrie italienne, exerçait une grande influence sur l’économie du pays par le biais de la Banca Comerciale, dans laquelle elle détenait des intérêts considérables conjointement à l’industrie textile italienne. Francesco Nitti, un des représentants les plus qualifiés de celle-ci et de la tendance germanophile, après avoir constaté, dans son ouvrage L’Europa senza pace, les difficultés qu’avait dû surmonter l’industrie italienne au cours de son développement, disait : « Pendant la période où l’Italie a appartenu à la Triple Alliance, elle a quasiment créé de toute pièce son industrie, a renforcé son unité nationale, a consolidé sa situation économique. »

La tendance neutraliste disposait donc d’une base très solide.

La tendance interventionniste était soutenue par une partie de l’industrie lourde du Nord, nourrie par le capital français et représentée par la Banca di Sconto, qui espérait dégager de grands bénéfices des commandes de guerre, et d’autre part par l’Entente.

Les interventionnistes ont pesé de tout leur poids pour faire pencher le pays vers l’intervention dans la guerre. Entre neutralistes et interventionnistes une lutte violente a commencé, qui n’était à vrai dire qu’une lutte entre deux tendances du capital financier international : l’Allemagne et l’Entente. Cette dernière a déployé une énergie considérable, achetant des périodiques, subventionnant des hommes politiques, manifestant une tendresse soudaine pour les peuples opprimés arrachés par l’Autriche à l’Italie irrédente [2] , montrant les avantages que les italiens tireraient de leur intervention dans la guerre.

Il était relativement facile de vaincre la résistance des agents allemands et américains, et celle des grands propriétaires fonciers. Ça l’était beaucoup moins de vaincre celle du prolétariat. Il fallait chercher un agent parmi les ouvriers. L’impérialisme allié l’a trouvé dans la personne de Benito Mussolini, un des chefs influents du parti socialiste, au sein duquel il s’était fait remarquer par sa démagogie furieuse et qui était alors directeur de l’Avanti. Mussolini s’est prononcé résolument pour l’intervention et est parvenu à entraîner un certain nombre de militants socialistes et syndicalistes. Le parti l’a exclu de ses rangs. Avec l’argent fourni par le gouvernement français, Mussolini a fondé Il Popolo d’Italia – qui à ses débuts portait encore le sous-titre de « journal socialiste » -, a entrepris une campagne très énergique contre la neutralité et a commencé à regrouper des partisans de l’intervention qui seront la base du mouvement fasciste.

Avec l’aide de ses agents, des secteurs de la bourgeoisie italienne intéressés par la guerre et des lieutenants du capitalisme au sein du mouvement ouvrier, l’Entente obtint la victoire. Le gouvernement présidé par Giolitti, qui était aux mains de l’industrie légère et des grands propriétaires fonciers, a dû démissionner, et le 23 mai 1915 l’Italie déclarait la guerre à l’Autriche-Hongrie.

Le développement du fascisme italien

Le fascisme ne pouvait évidemment pas se présenter d’emblée comme un mouvement anti-prolétarien. Pour déguiser son véritable caractère, pour attirer la classe ouvrière et les éléments de la petite bourgeoisie subjugués par le grand capital, il a pratiqué pendant ses premières années une agitation et une propagande salement démagogique, ce qui démontre à quel point est injuste et partiale l’opinion de M. Cambó selon laquelle la démagogie serait une caractéristique exclusive du mouvement révolutionnaire prolétarien. Le fascisme de la première époque s’est déclaré anticapitaliste et adversaire du marxisme et du bolchevisme, doctrines internationalistes. Plus : pendant les années 1919 et 1920, apogée du mouvement révolutionnaire, les fascistes ne laissent passer aucune action ouvrière, aucune grève, aucun boycott ou agitation due à la pénurie de subsistances, aucune occupation d’usines ou de terres, sans manifester leur approbation. Ils s’efforcent même de montrer aux travailleurs qu’ils sont les plus décidés et veulent aller plus loin que les socialistes. Mussolini et Rossoni [3] déclarent maintes fois qu’il est nécessaire que soient satisfaites les revendications de la classe ouvrière "pour obtenir la renaissance de l’esprit italien dans leurs manifestations les plus splendides » [b] .

Les multitudes des villes et des champs se sont lancées comme une avalanche sur les centres du capitalisme. « Le fascisme se fera rural, disait un des caudillos, transformera en légions revendicatives et salvatrices les générations paysannes ; ce sera la marche sur les villes contaminées » [c] .

Mais en dépit de l’agitation démagogique, les progrès du fascisme au sein de la classe ouvrière restent tellement insignifiants que, début 1920, Cessare Rossi [4] est obligé d’admettre dans Il Popolo d’Italia le prestige du parti socialiste dans les masses ouvrières et l’inutilité de poursuivre les efforts pour les conquérir. « Les masses –dit-il – ne veulent pas boire d’autre eau que celle du réservoir du marxisme ».

On peut dire que durant la guerre, l’influence du fascisme est nulle, non seulement parmi les travailleurs, mais au sein des autres éléments de la société italienne qui voyaient le coût de la guerre en sacrifices énormes et ne voyaient pas venir les victoires promises.

A la fin des hostilités, l’Italie a été déçue et trompée par les résultats obtenus suite à l’intervention : les circonstances n’ont pas été davantage favorables pour le fascisme. La situation économique du pays était par ailleurs très critique. La première cause de la crise était liée à la difficulté d’adapter l’industrie de guerre, dont le développement avait commencé après 1915, aux nécessités de la paix. Une autre circonstance a aggravé la crise : les industriels du textile, qui avaient placé une partie de leurs capitaux dans cette industrie, se sont empressés de les retirer en prévision de la crise. La faillite de grands établissements industriels comme l’Ansaldo et la Banca di Scronto a provoqué celle de beaucoup d’autres. L’agriculture s’est trouvée aussi en crise. Le chômage a inévitablement augmenté ainsi que le prix des produits de première nécessité, suite à une spéculation effrénée et à l’inflation monétaire.

Le mouvement révolutionnaire s’étendait partout en Italie, et la force des organisations syndicales et du parti socialiste, qui obtint le tiers des suffrages aux élections législatives de 1919, est devenue redoutable. Les partis qui s’étaient prononcés en faveur de la guerre ont perdu tout crédit. La bourgeoisie, entraînée dans la panique, attendait avec angoisse sa dernière heure. Ces circonstances étaient les moins propices au progrès du fascisme. Mussolini disposait de groupes peu importants, constitués principalement d’éléments déclassés et d’ex-militaires. En entreprenant en 1919 la réorganisation des fasci, il a élaboré un programme destiné à conquérir les masses de la petite bourgeoisie, celles qui par la suite formeront la base du mouvement et lui assureront le succès. Ce programme, de plus en plus nettement démagogique, présente un vif intérêt. Ses points principaux y sont : l’extension du suffrage universel au vote des femmes, le système proportionnel, la suppression du Sénat, la convocation d’une assemblée constituante chargée de résoudre la question de la forme de gouvernement [d] , la suppression de l’armée permanente et la création d’une milice populaire, un salaire minimum pour les travailleurs, une assurance-chômage et une assurance-maladie obligatoires, la participation des ouvriers aux bénéfices, l’autorisation de la grève dans la mesure où « elle n’est pas nocive pour la production nationale », la suppression des fonctions économiques de l’Etat, la confiscation des bénéfices de guerre et des propriétés de l’Eglise, la cession de la terre à « ceux qui la travaillent », la nationalisation des usines d’armement, etc., etc.

Ce programme exprimait la spécificité des aspirations et de la psychologie d’éléments sociaux qui étaient allés à la guerre avec enthousiasme, avaient fait de grands sacrifices, et ne pouvaient comprendre qu’après la victoire il y eût un état d’esprit de défaite ; des éléments qui étaient adversaires du capitalisme dont ils subissaient le joug, et des socialistes dont ils ne pouvaient partager la position internationaliste et anti-guerrière. Le programme fasciste avait été élaboré avec un grand sens politique. Son but était d’apporter une réponse aux aspirations des grandes masses de la petite bourgeoisie, masses qui hésitaient entre la grande bourgeoisie et le prolétariat, tout en se présentant comme l’interprète des intérêts et aspirations de tout le peuple. La politique du parti socialiste, exclusivement orientée vers les intérêts du prolétariat industriel et commettant l’erreur d’ignorer la psychologie particulière des éléments ruraux, constituait la meilleure aide des fascistes.

Toutefois, tandis que le mouvement révolutionnaire progressait, les progrès du fascisme n’étaient pas très importants. La vague révolutionnaire atteignit sa plus grande hauteur au mois de septembre 1920 avec l’occupation des usines. Les conditions objectives pour la prise du pouvoir par le prolétariat étaient alors réunies, mais les dirigeants du parti socialiste et de la C.G.T., pour des raisons que nous ne pouvons examiner ici, ont détourné le mouvement de sa conséquence logique (l’attaque décisive contre l’Etat bourgeois) et ont effectué une ignominieuse retraite. Le réformisme a démontré, une fois de plus, qu’il est le meilleur collaborateur de la bourgeoisie. Les ouvriers, déçus, sont rentrés chez eux. La révolution a été étranglée. Le fascisme a trouvé le terrain abandonné pour son expansion.

La magnifique occasion qui s’était présentée au prolétariat italien de conquérir le pouvoir a été gâchée. La classe ouvrière a été vaincue sans avoir engagé le combat décisif. De ce moment son destin était tracé : la contre-offensive bourgeoise et la victoire du fascisme étaient inévitables. Lors de l’examen de la nouvelle loi électorale en juillet 1923 [5], Mussolini pouvait dire avec raison, en s’adressant aux chefs réformistes : « Vous n’avez pas su profiter d’une situation révolutionnaire comme il ne s’en répète pas dans l’histoire, supportez-en maintenant les conséquences »

La contre-offensive bourgeoise s’est faite à la fois dans l’attaque contre les améliorations obtenues par les travailleurs, et dans un soutien franc et déclaré au fascisme. Les patrons ont réduit les salaires, ont licencié les ouvriers les plus conscients ou qui s’étaient distingués par leur attitude révolutionnaire, ont subventionné les organisations fascistes, leur ont procuré des armes et les adhésions de milliers de militaires, fils de bourgeois ou de grands propriétaires fonciers. Avec l’aide matérielle de la bourgeoisie et la complicité du gouvernement qui tolérait l’armement des fascistes, avec les conditions objectives issues de la défaite prolétarienne et des erreurs tactiques des socialistes, le fascisme a pu consolider ses organisations et entreprendre une rapide et furieuse offensive contre le mouvement révolutionnaire.

Nous ne nous arrêterons pas ici à décrire les étapes de l’action fasciste à travers des actes systématiques d’une cruauté et d’une violence inouïes jusqu’au coup d’état de 1922. Notons seulement, pour souligner les progrès soudains du mouvement, que le fascisme comptait lors de son premier congrès à Bologne, en octobre 1919, 56 organisations et 17 000 adhérents ; en décembre 1920 il en avait respectivement 800 et plus de 100 000, et au milieu de 1922 le nombre de ses adhérents avait dépassé les 300 000.

Ce serait une grave erreur que de supposer que le succès du fascisme est exclusivement du à la violence systématique et organisée, soutenue directement par la bourgeoisie et indirectement par le gouvernement. Cette erreur fut notamment celle des socialistes italiens qui ont considéré les fascistes comme de simples bandits, ce qui eut pour conséquence une tactique profondément erronée. Comme le préconisaient les communistes, il fallait combattre les fascistes en organisant la résistance armée ; mais il fallait en même temps recourir à une tactique habile, éviter qu’ils puissent conquérir idéologiquement des secteurs considérables de la population qui avaient jusqu’alors sympathisé avec le socialisme ou avaient conservé une attitude neutre. La violence n’est efficace que si elle prend appui sur un mouvement de masses et répond à des conditions historiques favorables.

Que le fascisme ait été un mouvement de masses – ce qu’il a en grande partie cessé d’être aujourd’hui – est un fait trop souvent oublié, oubli source d’erreurs d’analyse. C’est ce trait caractéristique qui le distingue des dictatures d’autres types, qualifiées à tort de fascistes.

S’il n’en était pas ainsi, il n’y aurait aucune raison pour que le fascisme, au lieu de triompher en 1922, n’ait pas triomphé avant l’occupation des usines.

De ces causes, la plus importante fut, faut-il le préciser, la retraite du prolétariat au moment propice pour la prise du pouvoir. Le prolétariat n’est pas allé rejoindre les rangs du fascisme, mais il avait perdu confiance en lui-même, et donc capacité de résistance et esprit combatif. La grève générale du 30 juillet 1922, mal organisée, délibérément sabotée par les dirigeants réformistes de la C.G.T., fut la dernière braise du feu qui avait embrasé le prolétariat durant ces années.

Dans de telles circonstances, il n’a pas été difficile au fascisme de rallier à sa cause les grandes masses de la petite bourgeoisie rurale et citadine. Nous le savons déjà, la petite bourgeoisie hésite toujours entre le capitalisme et le prolétariat. La crise économique de l’après-guerre a créé une situation toujours plus désespérée suite à la désorganisation, alors que les travailleurs avaient une capacité de résistance bien plus considérable.

Les petits bourgeois, qui avaient jusqu’alors trouvé une position plus ou moins confortable dans le régime capitaliste, ont perdu confiance en la bourgeoisie et se sont tournés vers le socialisme, espérant qu’il en obtiendrait ce qu’ils avaient espéré de la guerre ou des partis bourgeois. Le parti socialiste pouvait justifier ces espoirs et satisfaire les aspirations de la petite bourgeoisie en engageant sans hésiter la lutte contre l’Etat capitaliste, et en l’abattant.

Mais, au lieu d’emmener avec le prolétariat jusqu’à la victoire toutes les classes qui subissaient les conséquences du joug capitaliste, le parti socialiste les a conduit à la défaite. La petite bourgeoisie, inconsciente comme à son habitude, a hésité, et le fascisme a su en profiter, se présentant à elle comme le représentant des intérêts de toute la nation, de tout le peuple. Il lui a promis un nouvel Etat, la « Grande Italie ». Il l’a séduite avec les perspectives de partage des bénéfices que le parti socialiste ne pouvait déjà plus lui fournir. Il l’a éblouie avec un « homme nouveau », un sauveur du pays, et a réussi à la transformer en instrument de la contre-révolution, en chair à canon au service de la bourgeoisie. Nous avons déjà vu dans un autre chapitre l’habileté déployée par Mussolini pour mettre en place cette ferme base du triomphe.

Telles ont été les circonstances les plus caractérisées qui ont favorisé le développement du fascisme et sa conquête du pouvoir au mois d’octobre 1922.

Le fascisme au pouvoir

Le pouvoir conquis, le fascisme n’a pas tardé à montrer son véritable caractère. Il n’était certainement pas là pour combattre le grand capital – comme se l’imaginaient les naïves masses de la petite bourgeoisie -, mais pour le défendre par-dessus tout. Il ne subsista rien de la propagande démagogique de la première période. L’armée permanente n’a pas été supprimée, et l’appareil de répression de l’Etat s’est trouvé renforcé avec la création de milices fascistes et l’augmentation monstrueuse des effectifs policiers. Au lieu de confisquer les bénéfices de guerre [6] , on a accordé des subventions fabuleuses à des entreprises comme l’Ansaldo [7] qui avaient fait faillite comme on l’a dit. Les charges fiscales, sous forme d’impôts directs et indirects, sont retombées sur les travailleurs et les paysans pauvres. On a diminué les salaires, les pensions des fonctionnaires et aux invalides de guerre. On a aboli la loi des loyers qui mettait un frein à la spéculation immobilière. Le chômage a augmenté, etc., etc.

À partir de 1922 le fascisme a accentué sa politique effrontément favorable aux intérêts du grand capital, caché par des phrases pompeuses et une théorie mesquine dont les principes de base sont la primauté de l’idée de patrie et la collaboration de tous les éléments à l’ « intérêt national » (c’est-à-dire celui de la grande bourgeoisie).

La présente étude nous impose certaines limites qui nous empêchent d’analyser en détail la politique du fascisme pendant les sept ans et demi où il est au gouvernement. Nous nous limiterons donc, pour ne pas trop dévier du but essentiellement polémique de ce livre, à commenter brièvement les principaux jugements sur ce point de M. Cambó.

Comme nous l’avons vu plus haut, l’auteur de Les dictatures présente le fascisme comme une tentative téméraire de rechercher de nouvelles formules (p. 52). Si par « nouvelles formules » notre auteur sous-entend enjoliver de belles phrases le vrai contenu de la politique fasciste – la défense des intérêts de la grande bourgeoisie par tous les moyens légaux et extralégaux -, nous sommes d’accord. Dans ce cas, il ne saurait parler, comme il le fait à plusieurs reprises, de la révolution fasciste, parce que les révolutions ne cherchent pas de nouvelles formules, mais détruisent les bases économiques et sociales du régime existant pour en créer de nouvelles. La formule n’est pas antérieure, mais postérieure à la révolution.

La caractéristique fondamentale du fascisme est son mépris absolu pour la démocratie [e], et de ce point de vue, rien n’a été inventé. Mussolini a eu sur ce terrain des prédécesseurs qui n’ont pas à l’envier. La seule nouveauté introduite par le « duce » a consisté à recouvrir sa brutalité anti-démocratique d’un vernis pseudo idéologique, où se mêlent des formules comme « la liberté n’est pas seulement un droit, mais un devoir », et qui offrent une surprenante analogie avec les divagations de M. Cambó autour de la démocratie-droit et de la démocratie-devoir. Dans le fond, l’idéologie mussolinienne ne contient rien de nouveau.

Qu’a dit de nouveau Mussolini - demande un auteur russe [f] - qui n’ait pas été déjà entendu des lèvres de l’Anglais Besconfield ou du russe obscurantiste Pobedonótsev ? Tous rejetaient le matérialisme, la lutte de classes, l’athéisme. Tous étaient de purs idéalistes, patriotes et profondément croyants. Si les fascistes italiens, en comparaison, peuvent se vanter de mérites particuliers en ce qui relève de la lutte contre le mouvement ouvrier, et si dans ce domaine ils ont apporté quelque chose de nouveau, ça a seulement été sur le terrain de la terreur blanche orchestrée par l’Etat.

Aucun des dirigeants réactionnaires d’Europe : Besconfield, Bismarck, Poincaré, Crispi [g] , n’a aspiré à gouverner sans opposition. Jusque 1925, le « duce » s’est aussi efforcé d’obtenir la collaboration des autres partis, non seulement au Parlement, mais aussi au sein même du pouvoir. Doté de suffisamment d’intelligence politique pour ne pas ignorer qu’en réalité la lutte était entre deux fractions de la bourgeoisie, une résolue et l’autre vacillante, et qu’il existait au fond une complète identité de vue entre le fascisme et les partis démocratiques pour ce qui relève de l’intangibilité du régime capitaliste, il s’est montré disposé à faire à ces derniers certaines concessions. Si les partis d’opposition bourgeoise ont été absents d’une tentative de résistance qui, comme le fait remarquer à juste titre M. Cambó, a culminé après le lâche meurtre de Mateotti, c’est parce que les grandes masses populaires qu’ils prétendaient représenter ne les ont pas soutenus. Mussolini savait que l’opposition ne s’appuyait pas sur ces masses, et avec une habileté certaine, lorsqu’il fut convaincu qu’il pouvait se passer de la collaboration oppositionnelle sans risque pour le régime fasciste, après avoir conservé une attitude conciliatrice aux moments où l’émotion était forte, il a assené le coup de grâce à ses ennemis politiques.

C’est pour cela, et non pour les raisons purement subjectives mentionnées par l’auteur de Les dictatures (p. 112 et 113) que le « duce » a institué le monopole du parti fasciste. A partir de ce moment, dit Cambó, en appliquant la formule de Lénine, tout le pouvoir est passé au fascisme (p. 114). Nous réservant pour la suite d’exposer les différences essentielles qui existent entre la conception fasciste et la conception communiste, nous ne pouvons que noter ici l’absurdité d’une telle comparaison. La formule de Lénine n’était pas « tout le pouvoir au communisme », mais « tout le pouvoir aux soviets », c’est-à-dire non aux organisations du parti, mais à celles de la masse des travailleurs des champs et des villes, organisations construites par ces mêmes travailleurs dans le feu de la révolution.

Une fois examinée l’évolution du fascisme au pouvoir, de sa première formule de collaboration avec les autres partis jusqu’au monopole absolu, il nous reste à regarder deux aspects fondamentaux du gouvernement de Mussolini : la politique économique et la politique sociale.

Quelle a été, selon M. Cambó, la première ? Cela vaut la peine de reproduire complètement le paragraphe qui, dans son livre, est consacré à cette question :

« Dans le régime de la vie économique, le fascisme a suivi, avant comme après 1928, une direction tout à fait opposée à celle de la Russie et à celle d’autres dictatures, spécialement en Espagne. Il a non seulement respecté l’initiative privée, mais l’a développée, l’action du gouvernement – et d’un gouvernement omnipotent – ne s’y opposant jamais. Bien avant, toutes ses intentions ont conduit à la stimuler : ni monopole, ni aide de l’Etat à une entreprise en concurrence avec d’autres, ni restriction à l’activité des industries, ni limitation au libre marché intérieur, ni obstacle à l’entrée de capitaux extérieurs. Les paroles d’un délégué officiel bolchevique ne seraient pas justes pour l’Italie fasciste : « Le bolchevisme ? Rien d’extraordinaire pour vous : le jour où il serait ici implanté, vous verriez comme, dans l’ordre économique, il ne resterait rien à faire » (p. 116 et 117) Il est surprenant queM. Cambó, qui jouit d’une renommée d’économiste et de financier, sur laquelle nous ne voulons pas nous prononcer maintenant, conclut son examen de la politique du gouvernement fasciste par quelques affirmations concises non étayées par une analyse objective. Le sujet est intéressant, et on ne pourra que regretter que les limites que nous nous sommes fixées ne nous permettent pas d’y consacrer toute l’attention que cela mérite.

Sur ce terrain, le fascisme italien n’a pas inventé davantage, il s’est contenté de rester fidèle à son essence bourgeoise en pratiquant la politique libérale classique qui consiste à respecter le domaine de l’initiative privée ou, en d’autres termes, ne pas poser d’obstacle au libre jeu du capitalisme industriel. Dans un discours du 18 mars 1923, au second Congrès de la Chambre de commerce internationale qui s’est tenu à Rome, Mussolini proclamait déjà la détermination de son gouvernement à agir conformément à cette politique de non-intervention de l’Etat dans des fonctions économiques pour lesquelles il n’est pas compétent[h] .

Mais politique de non-intervention ne veut pas dire politique d’inhibition. Le gouvernement fasciste ne se contente pas de « laisser son libre jeu à l’initiative privée » [i] , mais la soutient par l’intervention directe. Effacer d’un trait de plume 300 millions de lires d’impôts dus par les capitalistes, ou faire cadeau de 400 millions à l’Ansaldo (deux des premiers actes de Mussolini sur le terrain économique), nous ne croyons pas que ça puisse être une preuve d’inhibition.

Le gouvernement fasciste, à l’aide d’un système fiscal conçu dans le but de favoriser les intérêt du grand capital, a protégé avec efficacité le processus de concentration de l’industrie, de l’agriculture, du commerce et des banques ; concentration qui a fait ces dernières années un grand pas en avant, expropriant des milliers de petits et moyens industriels et paysans. Intéressé, tout comme la ploutocratie à laquelle il est à la botte, au développement industriel du pays, cela n’a rien de surprenant, si l’on considère l’insuffisance des ressources intérieures pour accélérer l’industrialisation, qu’il n’ait opposé, comme le fait remarquer l’auteur de Les dictatures, « ni restriction au développement industriel, ni limitation au libre marché intérieur, ni obstacle à l’entrée de capitaux extérieurs » (p.117).

Depuis le début de sa gestion, le gouvernement de Mussolini a entrepris une série de mesures destinées à développer le capitalisme national et à favoriser l’entrée de capitaux étrangers grâce à la suppression des principaux impôts qui pesaient auparavant sur eux. D’autre part, la politique inflationniste a engrangé dans les années 1924 et 1925 un relatif progrès industriel. Mais la réforme la plus significative sur ce terrain est celle instituée par le décret du 29 mars 1923. Il existe en Italie un consortium privé dont le but est de soutenir le cours des valeurs industrielles. Ce consortium jouissait avant le coup d’état d’un crédit limité. En vertu du décret cité ci-dessus, Mussolini a supprimé toute limitation de crédit d’Etat à ce consortium. Si l’on prend en compte la dévaluation de la lire à cette époque et les proportions extraordinaires atteintes par l’inflation, on tombera inévitablement d’accord avec l’avis d’un économiste italien selon lequel cette réforme « mettait à disposition de la ploutocratie italienne, sur le dos de la classe moyenne et de la petite bourgeoisie, presque tous les excédents du Trésor, mettant ainsi à découvert le caractère de classe du programme politique financier du fascisme italien » [j] .

La politique économique du gouvernement de Mussolini peut donc se résumer ainsi : non-intervention quand celle pourrait constituer un obstacle aux intérêts du grand capital, et intervention énergique quand il s’agit de stimuler le développement indépendant du grand capital.

L’expérience italienne est venue démontrer une fois de plus que l’État est toujours un instrument mis au service d’une classe déterminée, que l’État neutre, situé en marge des classes, n’existe pas et n’ a jamais existé.

M. Cambó, qui par le caractère schématique de son exposé nous prive du plaisir d’admirer son habileté à nous démontrer le caractère neutre de l’Etat italien, compare la politique économique du fascisme à celle de la Russie soviétique et à celle de l’Espagne de la dictature. Il faut regretter que dans ce cas également, notre auteur croit possible de s’en sortir par une simple affirmation. Examinons-la brièvement.

Que dans le régime de la vie économique, le fascisme ait suivi… une direction absolument opposée à celle de la Russie (p. 116) est une vérité axiomatique. Mais, fondamentalement, l’opposition ne porte pas sur le fait qu’en Italie on pratique une politique de non-intervention et en Russie une politique interventionniste, mais sur le fait que l’Etat fasciste a pour but de consolider le système capitaliste et la République soviétique de l’extirper, ce qui constitue « deux grandes différences » comme on dit humoristiquement en Russie. Le caractère antagoniste des deux buts poursuivis par ces deux régimes doit exclure toute comparaison à la façon de l’auteur de Les dictatures. Mais, comme si cela ne suffisait pas, notre auteur conclut son jugement sommaire sur la politique économique du fascisme d’une phrase attribuée à un « délégué officiel bolchevik » tellement absurde qu’il y a de quoi mettre en doute son authenticité, à moins que le délégué officiel en question se soit moqué de son interlocuteur.

Il ne resterait rien à faire au bolchevisme, dans le domaine économique, le jour où il serait instauré en Espagne ? (car c’est évident que l’allusion se réfère à notre pays). Le propos est tellement absurde que d’essayer de le réfuter constitue, d’une certaine façon, une offense au lecteur. Le principe essentiel de la politique économique du bolchevisme est l’expropriation de la bourgeoisie et des grands propriétaires terriens. Si en ce domaine il ne restait rien à faire au bolchevisme, ça voudrait dire que le gouvernement de Primo de Rivera a déjà opéré cette expropriation. Nous craignons que cela n’ait pas précisément été l’objectif du coup d’état réalisé par le général.

Qu’a été, en réalité, la politique économique de la dictature espagnole ? Une politique inconstante, incertaine, dubitative, comme l’était et l’est encore notre économie, comme l’était et l’est encore notre situation politique.

Bien que mise au service des classes privilégiées, la politique économique de la dictature [espagnole] ne peut pas être exempte de contradictions tant elle est apparue dans un pays qui se trouve en état de crise économique permanente, résultant du faible développement industriel, de son retard technique, du manque de marchés extérieurs, du paupérisme qui limite le marché intérieur, de la forme antédiluvienne d’exportation agricole ; un pays où la bourgeoisie industrielle est encore faible et se trouve en contradiction avec un système de propriété agraire dans lequel le latifundio [8] occupe une grande place ; un pays où l’économie petite-bourgeoise prédomine et où n’existe aucun parti politique de classe solidement organisé.

Pour cette raison des mesures favorables à l’importation de produits étrangers ou à l’insertion de certains groupes du capital financier international, succédèrent à une politique strictement protectionniste. La dictature, sans aucune base ferme, la cherchait de tous côtés tout en devant compter avec la poursuite du processus de décomposition de l’économie espagnole. Ce jeu ne pouvait durer, et fut une des causes essentielles de la chute de la dictature.

Mais revenons à l’œuvre du fascisme italien depuis son accession au pouvoir afin d’examiner brièvement sa politique sociale, à laquelle M. Cambó consacre une plus grande attention qu’à sa politique économique.

La politique sociale du gouvernement fasciste est naturellement conditionnée par la politique économique et, en conséquence, assujettie à l’objectif essentiel du régime : servir les intérêts du grand capital. De ce point de vue, celui qui présente une véritable importance, la politique sociale du fascisme n’a pas, contrairement à ce que prétend M. Cambó, suivi d’évolution mais a suivi une ligne droite. Comme à l’habitude, il a tenté de voiler son vrai caractère sous la frondaison rhétorique et la démagogie sans gêne. Le fascisme a imposé à la classe ouvrière les plus grands sacrifices, non pas au nom des intérêts de la bourgeoisie mais au nom de ceux de la nation et de la production. Gouvernement anti-ouvrier ? Non, persistent et signent les fascistes : « gouvernement italien, en marge des classes, subordonnant les intérêts particuliers à l’intérêt supérieur de l’Etat, aucun privilège à la bourgeoisie » déclarait Mussolini lors de son premier discours au Parlement après le coup d’état, « aucun privilège aux classes travailleuses, tutelle sur tous les intérêts qui s’harmonisent avec ceux de la production et ceux de la nation ». « Dans le système fasciste, disait-il le 22 juin 1926, les travailleurs ne sont plus exploités, ils sont collaborateurs de la production ».

Mussolini ne peut toutefois s’empêcher quelques accès de franchise, et déclarait ainsi ouvertement devant le Sénat le 9 juin 1923 que le fascisme était un mouvement « anti-socialiste, et par conséquent anti-ouvrier ».

Cette déclaration du « duce » n’était pas nécessaire pour que les ouvriers soient convaincus. Les violences contre le mouvement ouvrier, la destruction de leurs organisations bâties sur des décennies d’efforts et de combats, le régime de terreur instauré à l’usine, les attentats permanents et systématiques à la situation matérielle et juridique de la classe travailleuse, ont été pour cette dernière plus éloquents que toute la flamme phraséologique des fascistes.

Les syndicats, avec le système corporatiste, se sont convertis en engrenage de l’appareil étatique bourgeois. Les contrats collectifs de travail, mis en place aussitôt après la proclamation de la fameuse Charte du Travail qui a provoqué l’admiration justifiée de la bourgeoisie et des réformistes de tous les pays, ont permis une réduction de 20% des salaires pour deux millions de travailleurs, baisse d’autant plus sensible qu’en Italie, même aux jours les plus fort du mouvement ouvrier, les salaires ont toujours été très inférieurs au minimum vital. De plus, un des premiers effets de la réforme corporatiste citée a été le licenciement de 51 000 cheminots et de 32 000 ouvriers d’autres catégories. Ajoutons à cela que la journée de travail de 9 heures est un phénomène habituel, que celle de 10 heures est tout à fait courante. La seule disposition apparemment favorable aux travailleurs a été l’instauration de l’Assurance sociale obligatoire. La presse fasciste n’en n’a guère fait écho, cette réforme étant en réalité faite aux dépens des travailleurs puisque le fonds de l’Assurance est constitué à 50% des cotisations de ces derniers.

Nous croyons des données suffisantes pour nous faire une idée du véritable sens de la politique sociale du fascisme italien.

La seule chose dans cette politique qui mérite l’attention de M. Cambó, c’est ce qui a été réalisé dans l’accord des fonctions, structure et droits des syndicats fascistes, accordant exclusivement, et comme d’habitude, une importance aux dispositions purement formelles. Il n’accorde qu’une importance tout à fait secondaire aux réductions de salaires, qu’il considère indispensables à l’ajustement des prix. Pas même une allusion à la journée de travail. Ces questions doivent paraître minimes à un homme qui ressent un intérêt si « spirituel » pour les finances. Dans son exposé, d’ailleurs extrêmement confus, vous ne trouverez rien pour vous éclairer sur l’orientation fondamentale du fascisme dans le domaine politique. Chercheriez-vous un jugement concret sur celle-ci, vous seriez désappointés, bien qu’une riche expérience fournisse avec l’âge tous ce quoi permettrait de se forger un avis. Cela ne pas dire que M. Cambó n’ait point d’avis, mais fidèle à sa méthode il le dissimule. « Aujourd’hui, nous dit-il, les conflits sociaux sont de fait abolis en Italie comme ils le sont en Russie, et les avantages que l’économie italienne a tiré de la disparition des grèves et des lock-outs sont indéniables ».

Ce qui est ici important pour le leader régionaliste c’est de souligner le fait qu’en Italie, sous le régime fasciste, selon lui, les grèves ont disparu, ce qui est toujours un argument en faveur des dictatures. Les réserves autour de la durée de ces avantages, et sur les résultats que peuvent avoir un amenuisement de l’effort individuel, tant patronal qu’ouvrier, ont une valeur tout à fait secondaire et ne servent qu’à atténuer le caractère trop catégorique de l’affirmation, parce qu’après tout il ne faut pas oublier que l’auteur se présente extérieurement comme un adversaire de la dictature.

Faut-il faire remarquer une fois de plus qu’il est absurde de comparer l’Italie à la Russie ? En Russie, les conflits sont supprimés de fait. Pour parler plus exactement : les conflits entre patrons et travailleurs. Ce pour la simple raison que la classe patronale existe si peu, a un poids tellement insignifiant dans l’économie qu’il ne vaut pas la peine de la mentionner. On ne peut pourtant pas affirmer que les conflits aient définitivement disparus. Dans les très rares entreprises privées existantes, plus d’une grève a eu lieu durant ces dernières années. En Italie, en cas de grève, tout l’appareil d’Etat et des corporations – mot qui, dit en passant pour détruire une des confusions habituelles de M. Cambó, est synonyme de syndicats – est inconditionnellement mis au service des patrons. En Russie, l’Etat et les syndicats sont les instruments les plus efficaces qu’ait la classe ouvrière pour lutter contre le patronat. Constatons enfin que si, suite à la terreur fasciste et à l’échec du mouvement révolutionnaire, le nombre de grèves est moins considérable en Italie qu’avant le coup d’état des chemises noires, il est inexact qu’il n’y ait plus aucun conflit social. « La volonté des fascistes de supprimer les grèves, dit un auteur fasciste allemand [k] , n’a pas signifié leur disparition ».

En effet, la dure exploitation dont sont victimes les travailleurs italiens suite à la bienfaisante (pour les patrons) politique nationale du gouvernement fasciste provoque fréquemment agitations et grèves. Par exemple, vers le milieu de 1927, pas moins de 400 000 ouvriers sont entrés en action contre la diminution annoncée des salaires de 20% [l] .

Le gouvernement a étouffé le mouvement en adoptant de très sévères mesures de répression, mais le secrétaire général du parti fasciste, Augusto Turati, s’est vu contraint d’envoyer en octobre une circulaire aux préfets pour conseiller aux industriels de suspendre la seconde réduction de salaires de 10% qui avait été annoncée. Dans les années 1928 et 1929, l’ampleur du mouvement a été moins considérable, suite à la répression qui a affaiblit le prolétariat et à la politique plus prudente que la C.G.T. [m] a préféré adopter, privilégiant dans la période actuelle un travail d’organisation pour préparer de nouvelles attaques avec de meilleures garanties de succès.

Un des faits caractéristiques de ce mouvement a été sa répercussion au sein même des syndicats fascistes. Le fait a une explication très simple, mais qui vaut la peine qu’on s’y arrête.

Les syndicats fascistes n’ont jamais été populaires au sein du prolétariat qui, en dépit des déceptions et malgré les répressions terribles dont il a été victime des dernières années, n’a pas perdu sa conscience de classe et attend péniblement l’heure de la revanche. Le fascisme a usé de tous les moyens pour le conquérir. Tous ont été vains. La classe ouvrière ne considère pas, et ne considèrera jamais comme siennes les organisations corporatistes.

Kroupskaïa raconte dans ses Mémoires que Lénine, durant les sept années de noire répression qui ont suivi la révolution de 1905, quand toutes les organisations révolutionnaires avaient été détruites et que le parti était démembré, aimer à répéter une chanson patriotique alsacienne qui disait ceci :

"Vous avez pris l’Alsace et Lorraine

Mais malgré vous nous resterons français ;

Vous avez pu germaniser nos plaines,

Mais notre cœur ne l’aurez jamais !"

Vous avez détruit nos organisations, pourraient dire aujourd’hui les travailleurs italiens, mais nous resterons fidèles à notre classe ; vous avez pu nous inscrire dans les syndicats fascistes, mais vous n’aurez jamais notre cœur.

La force numérique des syndicats fascistes est complètement fictive. Ce n’est pas sûr, comme l’affirme M. Cambó, que les ouvriers aient essayé d’y entrer en désobéissant aux consignes. A l’exception de quelques catégories, peu nombreuses, d’ouvriers non qualifiés (manœuvres, boulangers, etc.), les travailleurs n’ont intégré aucun des pseudo syndicats, qui ne sont que des rouages de l’appareil d’Etat bourgeois, s’ils n’y ont été obligés par la force [9] , ou par adhésion automatique au moyen de la déduction sur salaire faite par le patron. Là où de tels procédés coercitifs n’ont pas été mis en place, le nombre d’ouvriers ayant adhéré a été insignifiant. Pourtant, les fascistes n’ont pu éviter, malgré les lois d’exception et la terreur, l’agitation des masses enrégimentées de force dans leurs Corporations, et dans un certain nombre de cas la force du mouvement a contraint les dirigeants des organisations en question à se mettre de leur côté pour ne pas se couper des masses.

L’inquiétude que cela a entraînée a contraint le parti à envoyer une circulaire spéciale aux dirigeants des syndicats fascistes qui leur disait qu’ « avant tout il doivent être fascistes avant d’être ouvriers ou capitalistes ». Le gouvernement, de son côté, limitait les attributions déjà réduites des syndicats en créant le dénommé Etat corporatif.

La raison première de cette réforme a donc été la pression des masses ouvrières, déterminées par des contradictions de classe que les moyens de répression ne sauraient effacer, et non comme le prétend l’auteur de Les dictatures une lutte ouverte entre le gouvernement et la Confédération nationale des corporations fascistes. Rossoni et ses lieutenants n’avaient pas le moins du monde renoncer à mettre l’action des corporations au service des intérêts de la bourgeoisie, mais ils se trouvaient débordés par la classe ouvrière dans leurs organisations de base. Il est arrivé à certains syndicats fascistes un peu la même chose qu’en Russie avec les organisations syndicales policières de Zoubatov et Gapone, mises en place pour contenir les progrès du mouvement ouvrier, et qui se virent obligées de déclarer des grèves pour ne pas perdre leurs adhérents.

En résumé, le gouvernement fasciste pratique sous l’étendard de la « défense des intérêts de la production et de l’Etat » une politique sociale exclusivement favorable aux patrons, qui se manifeste par des lois d’exception contre les organisations de la classe ouvrière, par la réduction des salaires, l’allongement de la journée de travail, la suppression des principaux acquis du prolétariat. Les syndicats fascistes ne sont rien de plus que des organes de l’Etat mis aux services de la bourgeoisie et contre lesquels la classe ouvrière maintient une constante attitude hostile. Malgré tous ses efforts et malgré la terreur, le fascisme n’est pas parvenu à éviter que les contradictions de classe ne se manifestent. Le mécontentement du prolétariat, fruit de l’exploitation et d’un régime de dure répression, provoque souvent des manifestations de protestation que les dirigeants des corporations fascistes sont incapables de contenir et qu’ils sont souvent obligés de suivre.

L’avenir du fascisme italien

Venons-en à quelques brèves conclusions à ce chapitre sur les perspectives du fascisme italien, à propos desquelles M. Cambó a jugé plus prudent de garder le silence.

L’économie italienne traverse une crise profonde. Le déficit de la balance commerciale a été de 7,5 milliards de lires en 1928, et de 5 milliards sur les sept premiers mois de 1929. Le nombre des faillites augmente constamment, il a atteint l’an dernier une moyenne de mille par mois. En janvier de la même année il y a eu 69 271 pétitions, et 72 551 au mois de juin.

Dans un tel état de crise générale qui, avec un intervalle de relative prospérité industrielle en 1924-1925 due à l’inflation, dure déjà depuis de nombreuses années, un petit groupe de capitalistes, situés au sommet de l’appareil économique et utilisant l’appareil d’Etat, sont les seuls à profiter de la situation, réalisant des bénéfices importants au détriment de toutes les autres catégories sociales.

Les causes permanentes ou, pour ainsi dire, organiques de la crise sont : la manque de matières premières, auquel nous avons déjà fait allusion, la contradiction d’intérêts existant d’une part entre l’agriculture et l’industrie en général, et d’autre part, entre l’industrie légère et l’industrie lourde.

La bourgeoisie italienne, comme celle des autres pays, a essayé de sortir de la crise en par la rationalisation, la diminution des salaires, l’augmentation de la journée de travail et la suppression de tous les acquis économiques et juridiques conquis par la classe ouvrière. Mais cette politique, dans tous les pays, comme nous l’avons dit au premier chapitre, a augmenté considérablement la production industrielle tout en réduisant le pouvoir d’achat de la classe ouvrière, a augmenté énormément l’armée des sans-travail, et par conséquent a créé un déséquilibre entre le développement industriel et les exigences du marché.

La seule issue pourrait se trouver dans une politique d’expansion, mais le capitalisme italien trébuche ici sur de sérieux obstacles. La lutte acharnée des puissances impérialistes rend extrêmement difficile la conquête de nouveaux marchés, voire même la conservation des marchés que la bourgeoisie italienne a déjà. La réévaluation de la lire, une des « grandes réformes » de Mussolini, diminue la compétitivité de l’industrie italienne sur les marchés extérieurs.

Il reste une voie : celle d’une politique d’expansion agressive par l’action militaire. Le gouvernement fasciste s’est orienté dans cette direction un certain temps. Tout le monde se rappelle les discours enflammés du « duce » en faveur de la reconstitution de l’Empire romain, de la création de la Grande Italie. La protection de l’Etat sur les industries de guerre et les banques qui y sont directement liées montre que jusque tout dernièrement le gouvernement fasciste n’écartait pas cette voie. Mais cette tendance perd chaque jour davantage de terrain. Le militarisme coûte cher, les dépenses consacrées à l’armée et à la police représentent plus du tiers du budget (sept milliards de lire). Les aventures coloniales de l’Italie ont plutôt donné des résultats négatifs qui n’ont pas compensé, bien au contraire, les dépenses engagées, ce qui n’est pas fait pour développer la popularité de la guerre.

Pour toutes ces raisons, on observe ces derniers temps une tendance accrue à chercher la solution de la crise dans une intensification de l’expropriation des classes moyennes et de l’exploitation du prolétariat.

La crise économique se répercute, c’est clair, dans la vie politique et spécialement dans les rangs du parti fasciste. La politique gouvernementale favorable au grand capital aggravera non seulement la situation de la classe ouvrière, mais aussi celle de la petite bourgeoisie qui commence à manifester ostensiblement son mécontentement.

Les contradictions entre la petite et la grande bourgeoisie, entre les industriels et les agriculteurs, s’extériorisent à un point dans le parti qui fréquemment présente les traits d’une lutte ouverte : critiques de la direction, révoltes contre elle ou non-respect des ordres supérieurs. Le gouvernement tente d’éviter que la crise ne se généralise en intensifiant les moyens répressifs (rotation des postes, expulsions du parti, etc.) et en renouvelant ses efforts pour la constitution d’un bloc de toutes les classes privilégiées. Mais on ne saurait contenir éternellement les contradictions entre le capitalisme et le prolétariat, et les contradictions au sein même de la bourgeoisie.

Ce que l’on peut dès lors affirmer catégoriquement, c’est que si les progrès sur le plan de la stabilisation capitaliste n’amènent pas une amélioration de la situation de la petite bourgeoisie, le fascisme devra compter avec l’hostilité de celle-ci ; fait d’importance capitale puisque comme nous le savons, la base du fascisme a été jusque maintenant la petite bourgeoisie urbaine et rurale.

Ces derniers temps, le mécontentement a revêtu dans les campagnes des formes menaçantes. A Sulmone, de la région d’Emilie, on a enregistré de véritables insurrections paysannes. A Faenza a eu lieu un combat de plus de quatre heures. Pour ce qui concerne les ouvriers, qui ont invariablement maintenu une attitude résolument hostile envers le fascisme, le mécontentement prend également des formes inquiétantes pour le gouvernement : les manifestations turbulentes des sans-travail à Gênes et en diverses localités de Vénétie, les bruyants incidents en diverses fabriques, spécialement à la Fiat de Turin, ont constitué des symptômes non moins menaçants. Signalons enfin deux faits de toute manière significatifs et non moins pleins de dangers pour le fascisme : durant ces derniers mois se sont répétés des cas de refus de membres de la milice d’intervenir contre les mouvements de protestation, et la jeunesse fasciste des usines s’est solidarisé plus d’une fois avec les ouvriers en lutte contre le patronat.

Ce serait une erreur de considérer toutes ces circonstances comme symptomatiques d’une chute imminente du régime fasciste. Le capitalisme dispose de vastes possibilités de manœuvres pour se sortir des difficultés économiques, et le régime fasciste s’appuie sur une solide organisation et en puissant mécanisme de répression.

Mais, en définitive, la crise économique ne pourra être résolue ni par le gouvernement fasciste ni par aucun gouvernement bourgeois, parce qu’il n’y a pas de force humaine capable d’effacer les contradictions existantes et parce qu’il ne s’agit de rien de plus qu’une manifestation de la crise générale du capitalisme. Tout permet de dire que la crise non seulement ne sera pas surpassée, mais que, avec de possibles intervalles de rémission, elle ira en s’aggravant.

Pour en atténuer les conséquences, le fascisme, bien qu’ayant pour base la petite bourgeoisie, ne pourra qu’accentuer sa politique favorable aux intérêts du grand capital, parce que la petite bourgeoisie n’a pas réalisé, ni ne le pourra jamais, une politique économique qui lui soit propre. Cela aggravera la situation de cette classe, aura une profonde répercussion dans les rangs du parti fasciste, ébranlant sa base et facilitant le développement du mouvement révolutionnaire.

Il est actuellement impossible de pronostiquer la fin du fascisme et de déterminer concrètement la façon dont se dénouera la crise. Cela dépendra de la corrélation des forces en présence au moment critique et du niveau d’organisation et d’initiative des forces susceptibles de jouer un rôle décisif. Tout ce que nous pouvons faire, en nous basant sur les renseignements précis à notre connaissance, c’est souligner la tendance générale des évènements.

La bourgeoisie italienne continuera de supporter l’expérience fasciste dans la mesure où celle-ci lui offre une garantie contre le danger d’une révolution prolétarienne. Le jour où elle doutera de cette garantie décidera du sort du fascisme. A ce moment critique, le retour de l’Italie à un régime constitutionnel et parlementaire n’ira pas de soi. Bien au contraire, la bourgeoisie cherchera le moyen de conserver sa domination, de sauver le système capitaliste, séduisant avec les atours de la démocratie les masses petites-bourgeoises, masses qui ont un poids si important en Italie. Ce que nous pouvons désormais affirmer, c’est si elle tiendra ses objectifs. Si dans un tel moment le prolétariat révolutionnaire à réussi à s’organiser solidement, s’il peut compter avec un parti discipliné et cohérent, s’il a étendu son influence à la majorité de la population exploitée et fait preuve de l’initiative nécessaire pour entrer en action au moment décisif, l’expérience de démocratie bourgeoise échouera et la crise italienne trouvera la voie de sa véritable solution : l’effondrement de la bourgeoisie et l’instauration de la dictature du prolétariat. Si, au contraire, la classe s’affaiblit et que son avant-garde ne soit pas à la hauteur de sa mission, l’expérience démocratique bourgeoise peut triompher transitoirement et se maintenir jusqu’au moment inévitable où auront le dernier mot les seuls qui soient historiquement appelés à le dire : les masses exploitées des villes et des champs.


Texte surligné : en français dans le texte.

Notes de l’auteur

[a] Le chemin du capitalisme italien, dans “Stato Operaio”, octobre 1927.

[b] Cité par feu Mateotti dans son : “Il fascismo della prima epoca”.

[c] Piero Bolzo : “Il dado gittato”, Florence, 1921. p. 124.

[d] Le fascisme eut un caractère républicain quasiment jusqu’au coup d’état de 1922. « La guerre ou la République » clamait Mussolini pendant sa campagne interventionniste.

[e] En se présentant pour la première fois devant le Parlement, le 16 novembre 1922, Mussolini commença son discours dans les termes suivants : « Ce que j’accomplis aujourd’hui dans cette Chambre est un acte de déférence à votre égard et pour lequel nous ne vous demandons aucune manifestation de gratitude… » Le 27 du même mois, répondant aux discours prononcés par rapport à sa déclaration de politique générale, il ajoute : « Qui m’empêcherait de suspendre le parlement ? Qui m’empêcherait de proclamer une dictature de deux, trois personnes ou davantage ? Qui pourrait me résister, pourrait résister à un mouvement qui n’est pas celui de 300 000 bulletins de votes mais celui de 300 000 fusils ? Personne. »

[f] H. Sandomirski : “Théorie et pratique du fascisme européen” Moscou 1929, p. 81.

[g] L’anarcho-syndicaliste italien Armando Borfhi, dans son livre L´Italia fra due Crispi (Paris, 1925), qualifiait Mussolini de « caricature de Francesco Crispi » .

[h] Benito Mussolini : La nuova política dell´Italia. Discorsi e dictriarazzioni. Milan, 1923. p. 91.

[i] Mussolini : ouvr. cit..

[j] Cité par Sandormiski. Ouvr. Cit., p. 88.

[k] Manardt : Der Faschismus. Munich, 1925.

[l] Sur la lutte économique de la classe ouvrière italienne durant ces dernières années, la brochure publiée au début de cette année par la C.G.T. : Lázione dei sindicate di classe sotto il terrore fascista, contient une chronologie très intéressante.

[m] Il faut se rappeler que la C.G.T., lâchement abandonnée par ses dirigeants réformistes, est actuellement aux mains des éléments révolutionnaires.


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