Conférence environnementale : Pédalo et rétropédalage

lundi 7 octobre 2013.
 

par Mathieu Agostini et Corinne Morel Darleux

Biodiversité marine, éducation à l’environnement, économie circulaire, emplois et transition écologique il y avait matière intéressante lors de la deuxième conférence environnementale du gouvernement des 20-21 septembre. Las, ces sujets n’ont fait l’objet d’aucun engagement, rien sur la santé au grand dam des associations qui en ont été écartées, aucun débat de fond lors des tables rondes, une fiscalité écologique aux contours toujours plus flous… On ne peut pas dire que la conférence environnementale ait fait beaucoup d’heureux, Greenpeace va jusqu’à parler de « recul faramineux ». Il n’y a guère que Pascal Durand et les dirigeants d’EELV pour être soulagés : l’annonce de M. Hollande de réduire le taux de TVA de 10% à 5% pour les travaux d’isolation thermique permet aux Ministres d’agiter un trophée et de justifier leur participation au gouvernement… Jusqu’au prochain psychodrame au vote du budget 2014 ? Pour Noël Mamère, ce sont « de grands discours qui visent simplement à permettre à certains de mes amis écologistes de dire "on reste au gouvernement". Le président de la République distribue quelques médailles en chocolat. ». Difficile de mieux dire.

Promesses oubliées

Car cette réduction de TVA ne permet pas de camoufler les reculs de cette conférence environnementale. Sur tous les sujets « prioritaires » de l’année dernière : gaz de schiste, fiscalité écologique, diplomatie environnementale, énergies renouvelables, transport, agriculture biologique, tout est au point mort. Aucune annonce n’a été tenue en dehors du moratoire sur les OGM qui résiste encore malgré les coups de boutoirs des multinationales appuyées par Bruxelles. Quant à la grande loi historique sur la transition énergétique qui devait être « présentée devant le parlement avant l’été 2013 », elle « pourrait » l’être, selon le Président de la République, avant la fin 2014. Toujours un coup d’avance, M. Hollande !

Réduire notre consommation d’énergie de 50% en 2050, réduire de 30% la part des énergies fossiles en 2030, voici les nouveaux objectifs du gouvernement. Ambitieux certes. Pour y parvenir, en revanche, pas de feuille de route. Juste quelques grands principes : la rénovation thermique des logements anciens, le développement des voitures électriques et la relance des énergies renouvelables. Cohérence gouvernementale ? Le plan bâtiment de la Ministre Duflot ne contiendrait pas non plus d’objectifs de gain énergétique. Tout ceci ressemble fort aux bonnes vieilles techniques des négociations internationales sur le climat : des objectifs ambitieux à très long terme, mais non chiffrés et sans mécanismes contraignants.

Le grand flou taxe carbone

En matière de fiscalité écologique, on a assisté à de beaux effets d’annonce. Aucun n’arrive cependant à la cheville des 20 milliards de crédits impôt compétitivité offerts au patronat.

Pour financer la transition énergétique, le Premier ministre a annoncé de nouvelles recettes fiscales, à hauteur de 2,5 milliards d’euros en 2015. Rebaptisant la « taxe carbone » décidément devenue trop impopulaire en « contribution climat énergie », il n’a en revanche toujours pas précisé ses contours. A croire qu’il suffisait de prononcer le mot magique, la contribution climat énergie étant la dernière ligne rouge en date fixée par la direction d’EELV. On sait simplement qu’elle sera « progressive » et « compensée par des baisses de prélèvement obligatoires ». On nous promet des précisions lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2014. Les Ministres semblent bien peu au courant eux-mêmes. Tout le monde y perd son latin : la TVA sur les engrais augmente, Stéphane le Foll s’embrouille à la radio. Interrogée sur cette contribution climat, Cécile Duflot à la langue pourtant d’ordinaire bien pendue, bafouille aux micros, et nul ne parvient au final à expliquer aux Français en quoi va consister cette fiscalité dite verte. Sur quoi va-t-elle porter, quelle assiette, quel taux, quelles mesures compensatoires pour les plus pauvres ? Seule surprise, dans son discours de clôture le Premier ministre a annoncé que l’industrie nucléaire serait mise à contribution. Sans préciser de quelle manière.

Nucléaire, poids lourds : circulez, y a rien à voir

Parlons de nucléaire, justement. Le seul moment d’espoir dans le discours de M. Hollande est venu d’un lapsus. Le Président de la République a annoncé vouloir « réduire la part du nucléaire de 50% d’ici 2025 ». Las, il fallait bien comprendre « réduire la part du nucléaire [de 75%] à 50% » de l’électricité produite. Soit toujours le même objectif, et toujours pas de calendrier pour y parvenir. M. Hollande s’est borné à annoncer le « plafonnement de notre capacité nucléaire à son niveau actuel », ce qui peut signifier au choix de 0 à 100%. Le nucléaire a de beaux jours devant lui, même si le chef de l’État semble avoir tout d’un coup réalisé qu’il pouvait imposer la fermeture de Fessenheim par la loi. Mieux vaut tard que jamais, mais à ce rythme il devient de moins en moins crédible que la fermeture puisse se faire en 2016 comme promis.

Enfin la taxe poids lourds a de nouveau été reportée, venant ainsi allonger l’interminable liste des serpents de mer des promesses gouvernementales. Et plus un mot de la taxe carbone aux frontières que M. Hollande semblait un moment envisager pour entraîner les autres pays européens.

La décentralisation en embuscade

Cela a été peu relevé par les médias, mais M. Hollande en a aussi profité pour rappeler le futur rôle de chef de file des Régions en matière énergétique, avec la création d’un fonds de garantie avec la Caisse des Dépôts permettant des avances via un opérateur tiers régional et le « droit à l’expérimentation ». Il faisait ainsi référence à la loi de décentralisation à venir. Cela pourrait être une bonne chose, si toutefois on en savait plus sur l’articulation avec le rôle de planificateur et de garant de l’égalité des droits de l’État. Malheureusement, loin d’aller vers une planification écologique, il semble bien que la volonté du gouvernement soit plutôt d’aller vers une régionalisation des politiques énergétiques. Couplé à l’annonce d’une privatisation accrue d’EDF et de GDF, cela n’augure rien de bon et soulève de sérieux doutes sur la capacité à mener des politiques publiques de transition énergétique !

Le vernis écolo s’écaille

Pour le Président et le Premier Ministre, ces deux jours ont donc été un oral de rattrapage fait de discours flous, rajoutant de nouvelles promesses à la longue liste des renoncements. Celles-ci seront-elles tenues ? On peut en douter. Déjà, face aux réactions du patronat, ce premier recul du Président de la République sonne comme un aveu : « Ce n’est pas un dogme, il faudra adapter cette perspective à la croissance. Si nous faisons un peu moins, ce ne sera pas une calamité. » Politique de l’offre et austérité, affichage du « ras le bol fiscal » et « coût du travail », privatisations et soumissions aux diktats de l’Union européenne… La bifurcation écologique ne peut être dissociée des politiques économiques et sociales. Le gouvernement, lui, ne change pas de trajectoire.


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