5 et 25 juillet 1914 : Allemagne et Russie poussent à la guerre

mardi 23 juillet 2019.
Source : Hérodote
 

Le dimanche 5 juillet 1914, l’empereur allemand Guillaume II reçoit à Berlin l’émissaire du comte Berchtold, ministre austro-hongrois des Affaires étrangères.

Le gouvernement bicéphale de Vienne, tiraillé entre la partie autrichienne et la partie hongroise, s’apprête à punir les Serbes pour leur implication dans l’assassinat d’un archiduc à Sarajevo mais il souhaite obtenir au préalable l’aval de son allié allemand.

Le Kaiser a quelque remords d’avoir dissuadé l’Autriche-Hongrie de calmer les ardeurs serbes lors des guerres balkaniques des années précédentes. Il ne veut pas cette fois refaire la même erreur et fait dire à l’empereur François-Joseph 1er qu’il « se tiendra en toutes circonstances fidèlement aux côtés de l’Autriche-Hongrie »...

Puis, pour bien montrer que le conflit ne doit pas déborder du cadre local austro-serbe, il part pour une croisière de trois semaines le long des côtes norvégiennes sur son yacht Hohenzollern !

Le comte Bechtold et le maréchal Conrad von Hötzendorf, chef de l’état-major austro-hongrois, arrivent à convaincre François-Joseph et le comte Tisza, chef du gouvernement hongrois, d’envoyer une note comminatoire au gouvernement serbe.

Mais on est déjà le dimanche 19 juillet. L’attentat de Sarajevo est oublié de l’opinion européenne. L’émotion est retombée et chacun, sur le continent, a la tête ailleurs. De maladresse en maladresse

Le gouvernement austro-hongrois, trop prudent, différe l’envoi de la note car au même moment, le président de la République française Raymond Poincaré et le président du Conseil René Viviani sont en visite officielle chez leur allié le tsar Nicolas II.

Une intervention contre la Serbie serait du plus mauvais effet sur les festivités de Saint-Pétersbourg et elle pourrait encourager les deux alliés à faire bloc commun contre l’Autriche-Hongrie.

De fait, prenant sciemment le risque d’une conflagration générale, le président français témoigne à son hôte de son soutien le plus ferme, y compris dans une affaire aussi localisée que le différent austro-serbe.

La note de Vienne est remise au gouvernement serbe le soir du 23 juillet, juste après que Raymond Poincaré et René Viviani s’embarquent pour le voyage du retour en France. Elle ne menace la Serbie d’aucune annexion mais en dix points exige de Belgrade l’engagement public de ne plus soutenir d’aucune façon les menées terroristes en Bosnie. Elle exige aussi que soient recherchés et punis les responsables serbes qui ont trempé dans l’attentat de Sarajevo et souhaite que des fonctionnaires austro-hongrois participent à l’enquête en Serbie même.

Le gouvernement serbe a 48 heures pour répondre à ces dix points, quelque peu humiliants. Il est disposé à les accepter, sachant qu’il ne peut guère attendre de soutien en Europe du fait de la mauvaise réputation de la Serbie, que l’on qualifierait aujourd’hui d’« État-voyou ».

Mais le tsar de Russie - que l’on n’attendait pas - s’immisce dans le différent.

Nicolas II a été quelques années plus tôt humilié par le Japon. Il craint que son régime, déjà déstabilisé par les revendications démocratiques ou révolutionnaires, ne résiste pas à une nouvelle humiliation du côté des Balkans. Il attend donc de son allié serbe qu’il face front à Vienne.

Le samedi 25 juillet, l’ambassadeur serbe à Saint-Pétersbourg fait savoir à son gouvernement que Nicolas II soutient la Serbie et a même annoncé une « période de préparation à la guerre ». Il s’agit de la procédure précédant la mobilisation !

Nicolas II n’est pas loin de penser qu’une bonne guerre pourrait lui rendre son prestige et se rassure en se disant qu’il a le soutien du président de la République française Raymond Poincaré.

Changeant de ton, les Serbes rédigent à la hâte une réponse à la note de Vienne par laquelle ils refusent l’immixion de fonctionnaires austro-hongrois dans leurs affaires intérieures. Cela équivaut à une déclaration de guerre.

Le Premier ministre Nicolas Pasic remet le texte à l’ambassadeur austro-hongrois une heure avant l’expiration du délai fixé par Vienne. Sans se faire d’illusions, les Serbes mobilisent leur armée. Vienne fanfaronne en prévision de la guerre prochaine que l’on espère courte et localisée.

Dans les chancelleries, on commence à s’inquiéter...

N’étant formellement l’allié de personne, le gouvernement de Londres choisit de ne rien faire qui complique la situation. Mais il appréhende une guerre qui déboucherait sur une victoire de l’Allemagne et une rupture de l’équilibre européen.

Le chancelier allemand Theobald von Bethmann-Hollweg avertit les gouvernements de Londres, Paris et Saint-Pétersbourg que les mesures préparatoires du tsar pourraient obliger les Allemands à mobiliser si elles n’étaient pas rapidement levées. C’est que, dans l’éventualité d’un conflit, l’avantage est au belligérant le plus rapide !

Vienne, après plusieurs semaines de tergiversations, se décide à déclarer la guerre à Belgrade le mardi 28 juillet. À ce moment, la moitié de l’armée russe est déjà sur le pied de guerre. Plus rien ne semble plus pouvoir empêcher une conflagration générale.

Les militaires, soucieux par-dessus tout de ne pas être pris de court, prennent désormais le pas sur les responsables politiques. André Larané


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