Conférence internationale d’ex-musulmans à Londres fin juillet 2017

jeudi 10 août 2017.
 

Une conférence internationale a été organisée fin juillet à Londres par le Conseil des ex-musulmans d’Angleterre, dénonçant notamment la condamnation à mort des « apostats » dans l’islam.

Sociologue, Houssame Bentabet achève une thèse sur « l’abandon de l’islam » chez les musulmans de France. Il explique l’essor de ce phénomène, mais aussi la discrétion à laquelle sont contraints les athées dans le monde musulman.

Quels sont les faits ?

« Le plus grand rassemblement d’ex-musulmans dans l’histoire. » C’est ainsi que le Conseil des ex-musulmans d’Angleterre (CEMB) qualifie la Conférence internationale sur la liberté de conscience et d’expression qu’il a organisée à Londres du 22 au 24 juillet. Des orateurs venant de trente pays avaient été invités à témoigner : principalement d’anciens musulmans, mais aussi des croyants s’affirmant comme homosexuels ou transgenres, ainsi que des libres-penseurs.

Le documentaire de la Norvégienne Deeyah Khan – Islam’s Non Believers (2016) – a été projeté, et les participants ont gonflé 99 ballons rouges en souvenir de 99 « victimes de la condamnation de l’apostasie ». Une résolution a été votée contre la déprogrammation d’une intervention du biologiste Richard Dawkins – spécialiste de la théorie de l’évolution – par une station de radio californienne en raison de propos jugés « offensants » pour les musulmans. Et une autre en soutien à l’Égyptien Ismail Mohamed, « ex-musulman » revendiqué, arrêté à l’aéroport du Caire alors qu’il se rendait à la conférence.

Quel est le contexte ?

« Ce rassemblement n’est pas une première, mais il est significatif », observe Houssame Bentabet, qui achève une thèse de sociologie sur « L’abandon de l’islam : de l’irréligiosité au reniement de la foi chez les musulmans de France ». Créée en 2007 en Grande-Bretagne par l’Iranienne Myriam Namazi, le Conseil des ex-musulmans a essaimé dans plusieurs pays d’Europe et même du monde musulman.

En France, il est piloté par Waleed Al-Husseini, d’origine palestinienne et auteur de Blasphémateur ! Les prisons d’Allah (Grasset, 2015) puis de Une trahison française (Ring Editions, mars 2017). « Sauf en Grande-Bretagne, où l’association est officielle, ces structures restent généralement informelles en raison des menaces de mort qui pèsent sur leurs membres et fonctionnent plutôt comme des réseaux », explique le sociologue, qui constate que – dans certains milieux et pays – « il reste plus difficile d’avouer son athéisme que son homosexualité ».

Dans sa thèse, le jeune sociologue tente d’expliquer les « processus » très divers par lesquels ces anciens croyants se distancient de l’islam. « Certains d’entre eux sont militants » et se battent contre la condamnation à mort des apostats. D’autres se présentent uniquement « comme des « libre penseurs » », sans renier officiellement l’islam. « D’autres encore refusent le terme « d’ex-musulmans » et souhaiteraient simplement vivre en paix comme athées ».

Quelle évolution ?

L’athéisme est indéniablement plus visible aujourd’hui qu’il y a cinq ou dix ans : les différentes branches du Conseil des ex-musulmans sont présentes sur les réseaux sociaux ou via une page Internet, en Égypte ou au Maroc. « Internet facilite énormément les connexions entre ex-musulmans du monde entier, souvent condamnés à la discrétion et à l’isolement », note Houssame Bentabet, qui a interrogé, pour sa thèse, un Afghan affichant « son islamité devant sa famille » mais qui « en réalité ne se sent plus musulman ».

D’où la difficulté de mesurer le phénomène. Dans un rapport publié pour l’Institut Montaigne ( « Un islam français est possible »), l’essayiste et banquier Hakim El Karoui constatait que 15% des personnes ayant au moins un parent musulman se déclaraient « non-musulmanes ». À l’inverse, 7,5 % d’autres se disaient musulmanes sans qu’un de leurs deux parents ne le soient. « Les trajectoires de « sortie » de la religion musulmane – ou de désaffiliation – apparaissent deux fois plus importantes que les trajectoires d’entrée ; prenant à rebours les représentations faisant de l’islam une religion attirant massivement des individus a priori éloignés de cette tradition », affirmait-il donc.

Depuis le début de ses travaux en 2014, Houssame Bentabet constate, lui, à quel point la situation a changé : « L’athéisme progresse et va continuer à progresser dans le monde musulman. Et cela commence à faire du bruit ».

« Le problème, c’est la condamnation à mort des apostats inscrite dans le droit musulman classique, sur laquelle s’accordent les quatre écoles juridiques sunnites et reprise dans la Constitution de certains pays majoritairement musulmans », souligne le sociologue. Cette condamnation s’appuie sur « au moins deux hadith (propos ou geste prêté par la tradition islamique au prophète de l’islam) considérés comme ’authentiques’, même s’ils contredisent plusieurs passages du Coran ».

Dans un article de 2015, « L’athéisme face aux pays majoritairement musulmans », l’historien Dominique Avon constatait lui aussi la montée d’une « nouvelle génération d’athées dans le monde musulman », mais présentait aussi la diversité des outils utilisés pour contenir ou réprimer le phénomène.

La question doctrinale n’étant « pas tranchée », les « ex-musulmans » restent sous la menace d’un partisan – même isolé – de l’application de cette disposition.

Anne-Bénédicte Hoffner


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message