Corse. Le calcul de Macron

mardi 27 février 2018.
 

M. Macron s’est rendu en Corse les 6 et 7 février à l’occasion de l’hommage républicain rendu au Préfet Erignac assassiné il y a vingt ans. Il y était également attendu pour livrer sa vision de l’avenir de l’île. Fidèle à lui-même, M. Macron a entretenu le double jeu : d’un côté la posture, de l’autre l’imposture.

D’un côté, en refusant aux nationalistes corses l’examen de leurs demandes concrètes sur le rapprochement des détenus, la co-officialité de la langue corse, ou sur le statut de résident, M. Macron restait sourd aux messages envoyés récemment. Lors des législatives, les Corses ont ainsi fait le choix de trois députés autonomistes sur quatre ; six mois plus tard lors des élections territoriales, ils donnaient une majorité absolue aux nationalistes à l’Assemblée de Corse. Parmi les éléments qui ont accompagné ces résultats électoraux, figure notamment le renoncement à la lutte armée. Mais aussi à n’en pas douter le choix des nationalistes de porter leurs revendications dans le cadre constitutionnel de la République. Voilà qui n’est pas rien.

De l’autre, M. Macron évoquait une évolution institutionnelle de l’île en envisageant une « refonte de l’article 72 ». M. Macron aurait pu pour cela solliciter les articles de 73 à 77 qui concernent des cas spécifiques (départements et régions d’outre-mer, Polynésie française, Nouvelle-Calédonie…). Mais, il choisit à dessein l’article de la Constitution qui définit les collectivités territoriales de la République et leur mode d’administration dans leur ensemble. Dès lors ce qui serait jugé acceptable pour la Corse pourrait être difficilement refusé aux revendications émanant d’autres territoires. La porte ouverte en Corse par le « droit d’expérimentation » se diffuserait pour parcelliser l’ensemble de la République dont l’unité repose sur le consentement à une même loi commune, expression de la volonté générale.

A l’heure où M. Macron entend, avec sa « souveraineté européenne », défaire la souveraineté populaire, et donc la souveraineté nationale, il avance pareillement vers cette Europe des régions en instrumentalisant la Corse pour ouvrir la boîte de Pandore de la France fédérale. Entre posture et imposture, entre l’enlisement et la soumission à Bruxelles, les évolutions nécessaires pour répondre à l’expression démocratique qui s’est manifestée, parce qu’elles relèvent de la décision de tous les Français.es, devraient au contraire s’inscrire dans un processus constituant pour refonder le peuple.

François Cocq


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