Histoire

samedi 1er février 2014.
 

Quatrième partie modifiée le 20 mars. Morceau retiré : "

4) Une démarche socialiste pour dégager les causes

Cette méthode critique et la plus scientifique possible ne peut se limiter à décrire la guerre du point de vue de "nos" soldats, "nos" armées françaises ; elle doit nécessairement partir d’une connaissance des faits universels et les analyser au travers d’une grille d’analyse internatioliste. J’ajouterai républicaine humaniste au sens du philosophe Alain : "j’aurais bien consenti à devenir Iroquois, Allemand, Esquimau, pour conserver la vie à tous ces pauvres petits gars. On nous parle de sacrifices, j’aurais fait volontiers celui-là".

Elle a pour but à la fois de décrire les faits au plus près de la réalité et de les comprendre sur l’horizon large de l’histoire.

Elle prend en compte la réalité économique qui pèse sur les évolutions sociale, culturelle et politique sans les surdéterminer mécaniquement"

Par ailleurs, une démarche socialiste n’envisage pas seulement les antagonismes d’intérêt entre nations mais aussi au sein des nations. De ce point de vue, le philosophe Alain faisait, en 1912, une remarque qui peut être reprise ici : " Les vices et les passions des gouvernants ont le terrible pouvoir de lancer au carnage le plus pur et le plus noble des forces humaines. »

Une démarche socialiste n’exclut pas :

- le rôle spécifique des individus ( par exemple la remarque d’Alain sur Poincaré, président de la République française en 1914 est tout à fait pertinente : « le dangereux Poincaré toujours prompt à envoyer les autres à la mort et à la gloire »).

- l’intérêt de prendre en compte d’autres conceptions. Le philosophe Alain, plusieurs fois cité dans cette partie, n’était pas socialiste mais simplement républicain.

Ecrire cela ne limite en rien l’importance d’une analyse des responsabilités politiques concrètes dans le déclenchement de la guerre fin juillet, début août 1914.

retiré de la 2ème partie de Causes de la première guerre : "Dans une démarche socialiste, les faits sont indispensables à l’analyse et l’analyse ne vaut rien sans va et vient permanent pour la confronter aux faits". C’était juste mais inutile à cet endroit-là.

A.J.P. Taylor en est l’exemple type lorsqu’il explique la Seconde Guerre mondiale par le fait qu’Hitler " ajourna au 29 août une manoeuvre diplomatique qu’il eût dû effectuer la veille".

Je compte écrire un autre article sur le rôle de la France dans le déclenchement de la guerre. Pour le moment, je relève seulement ici la qualité du travail de Léon Schirmann lorsqu’il démontre de façon minutieuse comment les responsables politiques français au pouvoir ont poussé la Russie à la guerre, rendant celle-ci inéluctable.

- la difficulté des Etats, à passer d’institutions autocratiques (impériales, cléricales, militarisées...) à des démocraties représentatives intégrant les masses populaires. A une époque où les bouleversements économiques et sociaux se précipitent, une partie significative des appareils d’Etat conserve une culture politique nationaliste et militariste style 19ème, y compris parmi de hauts fonctionnaires et dans la diplomatie. Les couches dirigeantes, patronats et droites détournent le mécontentement grandissant du prolétariat, des minorités ethniques, de la paysannerie pauvre vers le nationalisme.

pour montrer le décalage entre évolution économique et couche politique dirigeante : Soljénitsyne raconte qu’en 1914, un général russe, irrité par un long déplacement, fait évacuer un convoi par toutes ses troupes " sommes nous des Allemands pour dépendre des trains ? Nos braves feront aussi bien ça à pied".

la question des nationalités : autre exemple d’inadaptation des formes politiques (voir Miquel p 40)

voir Miquel p 57 sur la mentalité "féodale" de Conrad Hoetzendorf

Sur l’état d’esprit de l’Allemagne Mais si le gouvernement allemand était toujours tout à fait prêt à une guerre préventive au début de la crise marocaine de 1905, c’était parce que tous les responsables, de Bülow à Schlieffen, étaient convaincus de la faiblesse intrinsèque de la France. Jaurès n’avait-il pas annoncé une grève des soldats, comme s’empresse de le rapporter à Berlin l’ambassadeur Radolin [20] ? Les fortifications françaises à l’Est n’étaient-elles pas dans un état de délabrement complet, comme le fait savoir l’officieux Schlulthess [21] ? Et enfin, Rouvier n’avait-il pas dit que la guerre porterait les socialistes au pouvoir ? La conclusion qu’en tire Bülow et qu’il écrit en marge d’une dépêche de l’ambassade allemande à Paris : les Français ne feront pas la guerre parce qu’ils ont peur... [22].

Derrière cette masse impressionnante de préjugés, de distorsions de la réalité dans les jugements concrets de la politique étrangère et militaire allemande, il y a tout un faisceau d’options et d’idées reçues que l’on s’est habitué à résumer sous la dénomination d’esprit wilhelmien. Sur le plan de l’historiographie érudite, c’est surtout par les travaux de Fritz Fischer et de ses élèves que cette mentalité a été suffisamment mise en évidence [23]. Pour cette analyse, une des sources les plus éloquentes et par conséquent la plus utilisée, est l’œuvre de l’écrivain politique et militaire, Friedrich von Bernhardi [24]. En effet, dans ses livres, on trouve résumée, d’une façon paradigmatique, la vision du monde des milieux dirigeants allemands de l’époque. Déjà, dans la préface de son livre Vom heutigen Krieg (1912), il résume les idées généralement admises : l’Allemagne, dont le territoire est à peu près de la même étendue que celui de la France, a en ce moment 65 millions d’habitants, soit un tiers de plus que la France. En outre, elle est en croissance continuelle d’environ 1 million d’habitants par an, tandis que la population de la France est stagnante ou même en décroissance. L’Empire colonial étant inégalement distribué parmi les Grandes Puissances, il va falloir que l’Allemagne prenne ce qui lui est dû historiquement et qu’il lui faut pour survivre (c’est-à-dire ne pas étouffer) et qui équivaut à une expansion territoriale méthodiquement poursuivie. Au contraire, affirme-t-il, la préservation de son Empire colonial n’est pas pour la France une nécessité aussi irréfutable que pour l’Allemagne. Car la France, dont la population est en décroissance continuelle, n’a même pas les effectifs suffisants pour équiper convenablement ses colonies [25]. Mais étant donné que la France mesquine ne semble pas prête à se résigner, à se soumettre à l’évidence historique et qu’elle cherche ostensiblement la Revanche pour reprendre l’Alsace et pour ainsi encore restreindre l’expansion nécessaire de l’Allemagne, il faudra bientôt régler les comptes avec elle. Voilà qui est la première et la plus importante exigence d’une saine politique allemande [26].

Mais à l’encontre des affirmations répétées de Fritz Fischer et de ses élèves, il me semble évident que ce n’est pas simplement le sentiment de la force débordante qui cherche son épanouissement mondial sans se soucier de l’existence et des droits des autres. Cette façon de voir l’esprit wilhelmien appelle une nuance, - qui est essentielle -, à savoir que l’affirmation toujours répétée de se trouver encerclée, étouffée, contrainte par les voisins jaloux, n’était pas simplement une idéologie pour cacher un impérialisme brutal mais provenait d’une vision du monde social-darwiniste [27] comportant avec toutes ses affirmations positives un défi et une crainte ; être Puissance mondiale ou ne pas être du tout, mourir, était conçu comme une loi naturelle et comme un spectre évident. Il faut remarquer que la littérature critique de l’Allemagne de Guillaume II n’a plus suffisamment insisté, depuis des décennies, sur ce fait pourtant fondamental si l’on veut bien comprendre, au sens strict du terme. On ne saisit pas l’esprit de l’époque si l’on tend à exclure cette hantise fondamentale d’où provient le saut dans l’inconnu dans la crise de juillet 1914. Il va de soi qu’un tel effort de compréhension n’exclut ni la critique de cet esprit, ni la mise en évidence de la facilité avec laquelle beaucoup de dirigeants allemands ont conçu la solution du problème... Mais sans comprendre que cette hantise était, sous des formes différentes, partagée par beaucoup de couches, on n’arrivera pas à expliquer que le concept de la défense nationale, fondement de la trêve d’août 1914, ait trouvé un écho aussi positif, même chez ceux qui avaient le plus souffert des avatars d’une politique intérieure rétrograde [28]. C’est pourquoi il faut prendre en compte, beaucoup plus qu’on ne l’a fait à ce jour, une analyse sérieuse de ce paradigme wilhelmien : être Puissance mondiale ou tomber en déchéance.

Cette hantise était d’autant plus accusée que, depuis le milieu du XIXe siècle, l’opinion allemande, - même dans les milieux de gauche -, s’était de plus en plus habituée à concevoir l’ascension économique et sociale de l’Allemagne en termes d’une comparaison explicite avec le développement de son antagoniste le plus en vue : la France. Or, on connaît très peu aujourd’hui ce mouvement de l’esprit public et il faut dire qu’il y a toujours un important décalage entre nos connaissances concernant la crise allemande de la pensée française [29] et notre connaissance de l’évolution de l’image de la France en Allemagne [30]. Mais on peut affirmer avec certitude que l’image d’une nation en déchéance a des racines solides dans la littérature à partir, au plus tard, des années 1870. C’est évident, par exemple, dans ce que disent de la France des encyclopédies allemandes du XIXe siècle. On y voit une vision très stéréotypée du soi-disant caractère national où, avec une remarquable stabilité, la description reste inchangée, - ne varietur -, à travers les différentes éditions [31]. Invariablement le Français y est censé être irascible, léger, vaniteux ; son esprit se contente des apparences, etc. [32]. Si cette stéréotypisation peut paraître ridicule et insignifiante en soi, (preuve aussi d’une certaine paresse des éditeurs), il est au contraire très significatif de voir que dans ces mêmes pages, on prend grand soin de donner avec exactitude les chiffres objectifs des successifs recensements de la population en France. Et il s’entend que tout ce qui sert à mettre en relief la décroissance continuelle du taux de la population, s’y trouve accentué avec un soin bien significatif : la France, explique l’encyclopédie Meyers en 1876, subit un déclin démographique continuel depuis le début du siècle [33]. Il est certain qu’une analyse moderne des encyclopédies du XIXe siècle apporterait un grand nombre d’indices de cette dégradation de l’image de la France qui correspond assez bien, et avec un décalage temporel assez restreint, à l’évolution politique. Or, il faut dire que le thème de la déchéance française n’est pas forcément une invention allemande mais que, sous beaucoup de rapports, on ne fait, outre-Rhin, que reprendre à son compte la critique néo-conservatrice française de la fin du siècle. Déjà Ernest Renan avait parlé de la fin éventuelle de la France, devenant un satellite de l’Allemagne, étant donné que la démocratie issue de la Révolution fonctionnerait comme dissolvant social [34]. Dans la mesure où la République se stabilise, le pessimisme conservateur se fait même plus virulent : très significatif à cet égard me semble être le jugement d’Arthur Gobineau :

Je tiens pour incontestable que la France est un pays perdu... la population y va diminuant, les opinions s’y énervent, les instincts s’y pulvérisent. C’est une race souillée, trop bâtarde [35].

Or, on sait que Gobineau était beaucoup lu et très apprécié à la Cour de Guillaume II... et ainsi se recoupaient les vieux stéréotypes avec ce que l’on croyait être une observation compétente de la société française.

Si donc la certitude wilhelmienne que la France était perdue en principe, était mentalement bien incrustée, il en ressort par un curieux retour une mise en question des fondements de sa propre existence. Car, si le déclin de la France paraissait évident surtout par son problème de natalité et par son développement politique, que dire d’une Allemagne qui, loin de poursuivre sa mission historique, se trouvait non pas seulement encerclée par des voisins jaloux, mais menacée au même titre par son propre développement économique et social ? Je pense en effet que le syndrome de l’Einkreisung ne saurait être interprété comme le seul résultat de la politique internationale et des impérialismes concurrents - cette menace était d’autant plus virulente que les cadres, surtout Junker, de l’Empire étaient conscients du fait que l’Allemagne tomberait avant peu, elle aussi, dans cette déchéance de la modernisation, donc de la démocratisation.

Parmi les fameuses - et combien significatives - marginales de Guillaume, certaines font ressortir ce syndrome à merveille : en marge du rapport diplomatique relatant les mutineries des marins à Marseille, de mai 1904, Guillaume II note :

Alors on voit où l’on va en arriver si on se montre faible en permanence, à l’égard des socialistes et si l’on est suffisamment bête de croire qu’on peut arriver à un entendement avec ces chiens sans patrie. Toute la discipline et tout l’ordre fichent le camp et le pays y perd à jamais. C’est une bonne leçon pour nos universitaires socialisants (Kathedersozialisten) [36].

Autre propos dans le même sens du professeur Julius Wolff, beaucoup lu à l’époque pour ses études sur la croissance de la population. En 1912, il explique aux lecteurs de la Deutsche Revue la natalité décroissante en France. Tout en déclarant que la France sera quasiment morte en 1930 de par son propre choix malthusien, Wolff ne peut s’abstenir de comparer et d’en tirer des conclusions décevantes : on s’est engagé, sans trop s’en soucier, sur la même pente en Allemagne, à cause de l’influence croissante des Rouges, dont le matérialisme conduit directement de la décroissance inquiétante de la natalité [37]. Cette hantise quasi obsessionnelle qu’on trouve en effet dans beaucoup de sources de l’époque a donc un côté quasiment sociologique et de politique intérieure. Il est important de noter, pourtant, que cette crainte-là s’accompagnait d’un syndrome de politique étrangère : la phobie de l’encerclement - dont on ne peut tout simplement pas nier l’impact sur les décisions en politique extérieure, provenait du fait qu’on savait depuis longtemps - sans se l’avouer cependant - que les Grandes Puissances de ce début du XXe siècle n’avaient plus la qualité qu’exige la belle définition de Ranke : Une Grande Puissance est celle qui peut résister même contre toutes les autres Puissances coalisées [38].

C’est de cette façon extrêmement complexe que se constitue, à mon avis, le véritable syndrome de politique extérieure et de politique intérieure - un syndrome qui est à la base de l’essai de sauvetage par le saut dans l’inconnu de Bethmann-Hollweg dans la crise de juillet 1914.


[1] Université de Düsseldorf (RFA).

[2] J.-C. Allain, « La moyenne puissance : une réalité fuyante de la vie internationale ». Enjeux et Puissances. Pour une histoire des relations internationales au XXe siècle (Mélanges J.-B. Duroselle), Paris, 1986, p. 25.

[3] Parmi les rares exceptions on pourrait nommer : Fritz Stern, The Politics of Cultural Despair (1963) et W.J. Mommsen, « Le thème de la guerre inévitable en Allemagne dans la décennie précédant 1914 », 1914. Les Psychoses de guerre ? (1979), p. 95.

[4] Jules Isaac, Un débat historique : 1914. Le problème des origines de la Guerre (1933).

[5] Pierre Renouvin, « Les relations franco-allemandes de 1871 à 1914 : Esquisse d’un programme de recherches », Studies in Diplomatic History and Historiography, Ed. Sarkissian, (Mélanges G.P. Gooch), (1961), p. 320.

[6] A. Hillgruber, « Die deutsche Politik in der Julikrise von 1914 », Quellen und Forschungen..., vol. 61, (1981), p. 193.

[7] Instruction à Rœdern, gouverneur d’Alsace-Lorraine, 16 juillet 1914, Die deutschen Dokumente zum Kriegsausbruch, Ed. Kautsky, (1919), tome 1, n° 58.

[8] Theodor Wolff, Tagebücher, Ed. Bernd Sösemann, tome 1, (1984), p. 64.

[9] Rapport de l’attaché militaire de la Bavière à Berlin, daté du 29 juillet 1914, op. cit., Stig Förster, Der doppelte Militarismus (1985), p. 273 n. 22 ; cf. aussi : F. Fischer, Griff nach der Weltmacht (1961), p. 64-68.

[10] Cf. le fameux Journal du secrétaire du chancelier Bethmann-Hollweg, Kurt Riezler, qui y note les réflexions de Bethmann, vers le 27 juillet 1914 ; Kurt Riezler, Tagebücher, Dokumente, Aufzeichnungen, Ed. K.D. Erdmann (1972), p. 192s.

[11] Erich von Falkenhayn, Die Oberste Heeresleitung 1914-1916 in ihren wichtigsten Entschliessungen (1919), p. 176-184.

[12] Der Weltkrieg, Ed. par le Reicharchiv, tome 10 (1929), p. 321 : rapport Falkenhayn sur la bataille de la Somme, août 1916.

[13] Op. cit., d’après le compte rendu de la commission du budget du Reichstag, par Fritz Fischer, 1. Weltkrieg, Ed. W. Schieder (1969), p. 56.

[14] Archives militaires de Freiburg/Br., Fonds Tappen. Source aimablement communiquée par H. Afflerbach (Université de Düsseldorf) qui prépare une thèse sur Falkenhayn.

[15] Lettre du 31 janvier 1895, cit. P. Winzen, Bülows Weltmachtkonzept (1970), p. 429.

[16] Cf. l’étude pertinente de Heiner Raulff, Zwischen Machtpolitik und Imperialismus. Die deutsche Frankreipolitik, 1904-1905 (1976), pp. 24ss.

[17] Lettre à Eulenburg, 1895, cit. Winzen, p. 47.

[18] Ibid.

[19] Cf. Moltke, Erinnerungen, Briefe, Dokumente, 1922, p. 308.

[20] A. Moritz, Das Problem des Präventivkrieges (1974), p. 92.

[21] Schulthess, Europäischer Geschichtskalender, année 1905, cit. Moritz, ibid.

[22] Ibid. Cf. les différents matériaux à cet égard dans Pierre Guillen, L’Allemagne et le Maroc de 1870 à 1905 (1967), p. 852 ; il fait voir, d’une manière convaincante, les idées de guerre préventive qui prévalent chez les militaires allemands aux abords de la première crise marocaine.

[23] Cf. les ouvrages cités et désormais célèbres de Fritz Fischer ; cf. aussi l’édition critique par I. Geiss des sources relatives à la guerre : Julikrise und Kriegsausbruch, 2 vol. (1967) ; cf. également Klaus Wernecke, Der Wille zur Weltgeltung (1970).

[24] Friedrich von Bernhardi, L’Allemagne et la prochaine guerre. Traduction française de la 6e édition allemande, parue en 1913, Paris 1916 ; La guerre d’aujourd’hui (1913).

[25] Bernhardi, Vom heutigen Krieg, préface et tome II, p. 193 sqq.

[26] Bernhardi, Deutschland und der nächste Krieg, p. 114. Le chapitre 5 du livre porte le titre Puissance mondiale ou déchéance...

[27] Hanns-Joachim Koch, Der Sozialdarwinismus (1973) ; un livre très intéressant sous un jour comparatiste : Linda Clark, Social Darwinism in France (1984).

[28] Il va de soi qu’il faut distinguer entre le concept prévalant dans la France radicale de la défense nationale conçue comme défense du territoire, et le concept plus étendu et moins précis de l’Allemagne, mais ce n’était pas de gaieté de cœur, que les socialistes allemands se pliaient aux nécessités de la défense nationale...

[29] Cf. surtout Claude Digeon, La crise allemande de la pensée française de 1870 à 1914 (1959) ; E.M. Carroll, French Public Opinion and Foreign Affairs (1931, repr. 1965) ; B. Gödde-Baumanns, Deutsche Geschichte in französischer Sicht (1871-1918), (1971) ; L.M. Case, French Opinion on War and Diplomacy during the Second Empire (1954).

[30] M.O. Maxelon, Stresemann und Frankreich (1972), cf. J. Bariéty, « Stresemann et la France » : Francia, vol. 3 (1975), p. 554-583 ; E. Schulin, « Das Frankreichbild deutscher Historiker ». Ibid., vol 4 (1976), p. 609-673 ; Fritz Fischer, « L’image de la France dans l’Allemagne de Guillaume II », Revue d’Allemagne, 4 (1972).

[31] Cf. Meyers Konversationslexikon, Ed. de 1847, 1863, 1876, 1890, 1895 : article Frankreich.

[32] Remarquons qu’on ne se contente néanmoins pas de dresser un registre des mauvais côtés du caractère français : du côté positif, on note que le Français est peu enclin à l’ivresse et qu’il est toujours accueillant.

[33] L’édition de 1847 avait pourtant affirmé que la population française était en continuelle croissance malgré les sacrifices de sang de la Révolution...

[34] La réforme intellectuelle et morale, cf. Digeon, p. 179 ss.

[35] Cité Kœnrad R. Swart, The Sense of Decadence in 19th Century France, (1964), p. 137.

[36] Cité Raulff, p. 33.

[37] « Die Zukunft der französischen Bevölkerungszahl », Deutsche Revue, 37 (1912), tome 3, p. 21-3.

[38] Cité d’après Th. Schieder, « Die mittleren Staaten im System der Grossen Mächte », Historische Zeitschrift, vol. 232 (1981), p. 583. Il me semble qu’il serait extrêmement utile de regarder de ce côté-là, vers la quête de plus en plus insensée d’alliances, la frénésie de s’assurer des aides pour pallier le mal de la souveraineté rankéenne perdue depuis longtemps, si l’on veut en arriver à expliquer d’une façon dynamique le système d’alliances de l’avant-guerre.


Par-delà la tyrannie des entreprises de mémoires et d’oublis, il faut retenir la leçon de l’historien Marc Bloch.

Marc Bloch ? Oui, qui constatait lucidement : « Chaque fois que nos tristes sociétés, en perpétuelle crise de croissance, se prennent à douter d’elles-mêmes, on les voit se demander si elles ont eu raison d’interroger leur passé ou si elles l’ont bien interrogé. » Il s’effrayait aussi du gouffre béant entre histoire savante, histoire enseignée et histoire en train de se faire, de l’ignorance envers ce qui n’était pas l’Hexagone. Lui qui refusait que l’historien juge le passé, qui rappelait que sa tâche est d’expliquer, est plus que jamais d’actualité.

Il faut redire l’inquiétude de la profession face à une avalanche de lois mémorielles, à l’exploitation du passé pour des règlements de comptes et à des fins électoralistes, dont les députés nous donnent le spectacle, les uns demandant des sanctions pour négationnisme du génocide arménien, les autres, par vindicte colonialiste, demandant l’abrogation de la loi Taubira. Ceux qui comprennent les raisons de cette loi, certes partielle et partiale, n’acceptent pas non plus qu’elle puisse être utilisée ainsi qu’on a essayé de le faire contre des études comme celles d’Olivier Pétré-Grenouilleau. Elle rappelle justement que l’esclavage (passé à partager par tous ceux qui vivent en métropole et dans les DOM-TOM) a été trop longtemps négligé. Elle est un révélateur et la rançon d’un fossé qui n’a jamais été aussi béant entre la discipline historique et les mémoires sociales. L’histoire n’existe pas sans ces mémoires, mais elles ne peuvent tenir lieu d’histoire. On ne peut oublier que sa fonction est aussi de contribuer à proposer un devenir commun à partir des passés parfois les plus opposés.


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