Lettre ouverte à Madame Carole Delga, présidente du Conseil régional Occitanie

samedi 23 juin 2018.
 

Madame la Présidente,

nous vous adressons ce courrier de façon publique car la situation subie par les élus de la France Insoumise au Conseil régional Occitanie depuis plusieurs mois est inacceptable.

Nous pensions qu’une solution permettant à ces élus de préserver leurs droits démocratiques allait être trouvée. Il n’en est rien. Votre responsabilité est donc engagée.

La France Insoumise mobilise son soutien entier à Liem Hoang Ngoc, Myriam Martin, Guilhem Serieys et Jean-Christophe Sellin qui sont aujourd’hui mis au ban de l’institution que vous présidez.

Ils subissent les conséquences d’une manoeuvre politicienne d’un vieux monde politique en crise qui se décrédibilise aux yeux de nos concitoyens et asphyxie la démocratie. Cette manoeuvre serait dérisoire si ses conséquences ne portaient pas atteinte à l’exercice du mandat et aux droits démocratiques élémentaires de ces 4 élus. Ce coup bas a été mené en deux temps.

Le nombre minimal d’élus pour former un groupe politique avait été fixé à 4 au début de votre mandat. Sans aucune information ni concertation des élus, ce cadre a été modifié en juin 2016, avec le vote d’un amendement déposé sur table à la demande du « président » du bureau de l’Assemblée, Mr Onesta, pour hausser ce seuil à 7 élus. L’objectif était alors de supprimer la possibilité de constituer un groupe à 4 élus et donc d’agir contre le pluralisme politique. Cette décision brutale fut l’objet de contestations venues de membres de tous les bancs de l’hémicycle que vous présidez.

Ensuite, en décembre 2017, profitant de cette nouvelle règle, les élus du PCF et d’EELV ont démissionné du groupe constitué en commun en début de mandat « Nouveau Monde en commun », pour priver les 4 élus FI de l’appartenance à un groupe politique et les reléguer en non-inscrits.

Il s’agit d’une manoeuvre « bâillon », visant à faire taire l’expression d’un courant politique indépendant. Qu’est-il reproché à Liem Hoang Ngoc, Myriam Martin, Guilhem Serieys et Jean-Christophe Sellin ? De s’être opposés et d’avoir voté contre l’augmentation annuelle du temps de travail des agents régionaux sans augmentation de salaires, aux côtés de nombreux représentants du personnel, notamment ceux de la CGT et de Sud au sein des Comités Techniques Paritaires puis en Assemblée plénière ? De porter des débats politiques et budgétaires ?

Ils ne font que se conformer à leurs engagements de campagne et à leur conscience. La liberté de vote des élus était par ailleurs un aspect de « l’accord politique » que vous avez signé avec Gérard Onesta.

Les élus de la France Insoumise en Occitanie sont engagés par une charte éthique et démocratique signée devant les électeurs. Ils travaillent les dossiers régionaux en relation avec les associations, les collectifs citoyens et les syndicats pour que le Conseil régional réponde mieux aux besoins sociaux, aux exigences écologiques et aux attentes démocratiques. Même s’ils ne sont que 4, ils appartiennent à une force politique qui a obtenu 19% des voix à la dernière élection présidentielle et 22% en région et qui dispose d’un groupe parlementaire. Ils méritent d’être respectés.

Il est particulièrement choquant d’utiliser et modifier le règlement intérieur d’une collectivité au grè des circonstances pour arbitrer des désaccords politiques et sanctionner des élus. A l’inverse, les règles d’une Assemblée sont faites pour permettre le débat argumenté et organiser l’expression des avis divergents plutôt que l’empêcher. C’est un fondement de la démocratie.

Les élus de la France Insoumise ont fait plusieurs propositions pour trouver une solution leur permettant de continuer à assurer leur mandat dans des conditions acceptables. Ils ont par exemple proposé une solution transitoire, à savoir leur rattachement administratif au groupe « Nouveau Monde » pour leur assurer des droits élémentaires sans les contraintes de l’appartenance formelle à un même groupe. Même cette proposition a été rejetée sans explication.

Ils subissent des entraves permanentes. D’une part, leur non appartenance à un groupe les prive de moyens humains et matériels dans l’accomplissement de leur mandat. D’autre part, les dispositions du règlement intérieur applicables aux élus « non-inscrits » et donc aux élus de la France Insoumise les relèguent en élus de seconde zone, privés de droit élémentaires qui devraient pourtant être attachés au statut d’élu et non à l’appartenance à un groupe politique, comme l’ont d’ailleurs rappelé plusieurs jurisprudences.

Les 4 élus FI se trouvent en effet privés de droits et prérogatives qui sont réservés aux élus membres d’un groupe politique : droit à la suspension de séance, droit d’initier des missions d’information et d’évaluation, droit d’expression concernant les « points d’actualité », droit à la « motion d’ordre », droit à la « motion de renvoi » en commission sectorielle et surtout droit à la prise de parole en assemblée plénière qui se trouve réduit à une unique intervention sur un unique point de l’ordre du jour d’une durée d’une ou deux minutes maximum. Même le droit à la présentation orale d’un amendement est rendue quasi-impossible pour les élus non-inscrits, dans la mesure où la présentation des amendements se trouve comprise dans le temps de parole général.

Toutes ces dispositions nous paraissent discriminatoires et relever de l’exception par rapports aux pratiques habituelles des assemblées délibérantes.

Il est quand même singulier que dans une Région présidée par une élue se réclamant de la gauche, une issue politique n’ait pas été trouvée par le dialogue. Les élus de la FI sont donc contraints de s’engager dans des voies juridiques et d’attaquer la Région au Tribunal Administratif.

Enfin, le seuil retenu pour permettre la constitution d’un groupe et donc reconnaître une sensibilité politique doit logiquement prendre en compte la réalité de la composition d’une assemblée.

Martin Malvy avait par exemple fixé en Midi-Pyrénées un seuil à 2 élus pour reconnaître les groupes « LCR » et « chasseurs » en 1998.

Aujourd’hui, les élus EELV forment un groupe à 4 en région Normandie, les élus PRG un groupe à 3 en Nouvelle Aquitaine, les élus PCF un groupe à 3 en Région Bretagne.

Pourquoi en serait-il autrement en Occitanie ? L’Assemblée Nationale procède de la même manière avec un seuil à 2% des Députés.

Ce régime d’exception appliqué aux élus de la France Insoumise en Occitanie ne saurait perdurer. Vous maîtrisez les ordres du jour et les rapports inscrits aux assemblées plénières. Vous vous honoreriez à vous éloigner des arrières pensées politiciennes et des procédés bureaucratiques et à permettre l’expression du pluralisme politique.

Vous pourriez ainsi proposer une issue positive en inscrivant lors d’une prochaine assemblée le retour à 4 du nombre d’élus nécessaire à la formation d’un groupe politique, tel qu ’était le cadre que votre Assemblée avait fixé en début de mandat.

Madame la présidente, veuillez recevoir nos salutations exigeantes et républicaines.

Le groupe parlementaire de la France Insoumise présidé par Jean-Luc Mélenchon

Le directeur des campagnes de la France Insoumise, Manuel Bompard

Les Conseiller-ère-s régionales-aux d’Occitanie, Liem Hoang Ngoc, Myriam Martin, Guilhem Serieys et Jean-Christophe Sellin


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