L’histoire par Nicolas Sarkozy : le rêve passéiste d’un futur national-libéral

mercredi 13 juin 2007.
 

LES USAGES DE L’HISTOIRE

L’usage de l’histoire et surtout des grandes figures du passé dans les discours des hommes politiques n’est pas une nouveauté. Les orateurs de la Révolution française et surtout les « pères fondateurs » de la IIIe République ont fait de la citation, de la référence, et de la convocation des « Anciens » des éléments majeurs de la rhétorique politique et de l’éloquence. Notre attention est retenue surtout par l’inflation de ces références alors même que partout domine le cliché des Français ignorant l’histoire de France tandis qu’une poignée d’entre eux peut espérer participer aux nouveaux jeux télévisés animés par quelques-uns de nos doctes collègues. Cette inflation n’est pas seulement surprenante en quantité, mais aussi en qualité pourrait-on dire tant elle est l’objet d’un surinvestissement à droite et plus encore dans les discours de Nicolas Sarkozy. La thématique nationale du discours de Nicolas Sarkozy s’appuie constamment sur la légitimation par le « grand homme ». La référence historique sert ici à s’inscrire dans la continuité de l’histoire nationale tout en martelant la rupture et en captant l’histoire de la gauche. Le Panthéon de Nicolas Sarkozy est à cet égard particulièrement significatif (les décomptes sont effectués sur 6 discours discours entre celui de Tours le 10 avril et celui de Marseille le19) : Jean Jaurès revient à 37 reprises, Jules Ferry 17, de Gaulle 12 et Léon Blum à 7 reprises. Ceci n’a évidemment pas manqué d’interpeller de nombreux observateurs (voir l’interview d’Henri Guaino sur France-Inter, le 25/4/07 entre 8h20 et 9h00 et divers sites internet).

POURQUOI ?

Nicolas Sarkozy utilise l’histoire dans un double but : produire un nouveau rêve national qui brouille toutes les analyses et toutes les convictions ; détourner l’attention de son programme réel que l’on peut qualifier de national-libéral et dont les premières victimes seront les cibles directes de ses discours de récupération.

Depuis longtemps, histoire et politique sont étroitement liées, mais la campagne électorale porte à son paroxysme l’interaction entre propagande électorale et instrumentalisation du passé. Gauche et droite rivalisent en références historiques coupées de toute historicité. Les grandes figures du socialisme, les hommes de gouvernement se retrouvent aux côtés des défenseurs d’une patrie mythique. De Jeanne d’Arc à Léon Blum, de Jaurès à Barrès, les figures se déplacent au rythme des manifestations publiques et de la course aux suffrages des candidats. Le héros national ancré dans un terroir, auquel la région serait identifiée, est invoqué afin de valoriser l’électorat visé. Le procédé est connu mais toujours renouvelé en fonction des polémiques et des enjeux du moment. Il est poussé à l’absurde dans bon nombre des discours de ce que la presse, en sa grande majorité, salue comme une excellente campagne et qui n’est qu’une suite de clichés et d’usages biaisés de l’histoire convoquée au rendez-vous de l’homme-recours avec les Français.

COMMENT ?

Le montage nationaliste sous le camouflage républicain associe plusieurs formes : c’est tout à la fois le Tour de la France par deux enfants, le manuel d’histoire de France de G. Bruno, la femme d’Alfred Fouillée et les images d’Epinal réactualisées.

Comme le petit Julien du Tour de la France par deux enfants, paru en 1877, best-seller de la Troisième république, Nicolas Sarkozy fait le tour de France et célèbre dans chaque ville les personnages héroïques qui sont censés l’avoir marquée. Quand c’est possible, Nicolas Sarkozy identifie une ville et un homme : c’est le cas avec Toulouse et Jaurès. Et il multiplie les clichés à la pelle : Rouen, le 24 avril, c’est Corneille et Jeanne d’Arc. Marseille, le 19 avril, c’est Mirabeau. A Dijon, le 23 avril, c’est « le pays de Bossuet, de Buffon et de Lamartine (...) le pays de Saint Bernard avec la croisade des chevaliers. C’est le pays de Carnot avec les soldats de l’an II ». On retrouve bien là le principe du Tour de la France par deux enfants dans lequel le petit Julien ouvre dans chaque ville le livre d’histoire qu’une dame compatissante lui a offert pour ses mérites et donne la liste des grands hommes du lieu. Mais c’est aussi le Petit Lavisse, autre best-seller de la littérature scolaire de la IIIe République, réconciliant la France des Rois et celle de la République : comme Lavisse - modèle sans doute fourni par Henri Guaino et Max Gallo -, Sarkozy intègre toute l’histoire. La république est censée avoir accompli le « vieux rêve de rois » - on se demande bien lequel... Nous sommes dans le mythe qui escamote le réel et lui sert de masque, dans l’idéologie comme aliénation. Et nous sommes dans l’Ordre sans mouvement : le manuel de Lavisse prônait les « devoirs » : « ces devoirs, c’est d’obéir aux lois votées par les représentants de la nation ; c’est de ne jamais troubler l’ordre public par des actes violents ; c’est de servir la patrie pendant la paix par son travail et par ses vertus de citoyen, et pendant la guerre, s’il faut que nous fassions la guerre, par notre courage, notre patience, notre endurance, par l’espoir et la volonté de vaincre. »(Lavisse, Histoire de France. Cours moyen, Armand Colin, 1919, p.249). Nicolas Sarkozy tente avec les recettes morales et simplistes de Lavisse, destinées à des enfants de 6 à 12 ans, de séduire les nostalgiques de l’école d’avant 1970. Ses références à l’histoire sont ainsi des images d’Epinal : comme les images d’Epinal, ce sont des clichés, et qui faussent l’histoire pour la bonne cause. Il s’agit d’émouvoir à peu de frais, avec quelques citations, tout en laissant la complexité et les conflits dans l’ombre. Comme dans les images d’Epinal, les défaites et les images problématiques sont laissées de côté.

A QUELLE FIN ? La France et ses racines

Le discours de campagne de Nicolas Sarkozy est saturé de la thématique nationale : dans les six discours de fin de campagne, de celui de Tours le 10 avril à celui de Marseille le 19, les termes “France” et “Français” reviennent respectivement 395 et 212 fois, soit une centaine d’occurrences par discours et prépare ains la thématique de l’identité nationale la fondant implicitement contre une centralité parisienne déconnectée des réalités locales, ce qui ouvre la voie à la dénonciation d’une gauche bourgeoise, urbaine, mondaine, loin du travailleur, etc... en bref, parisienne et coupée de la nation et de ses réalités sociales. LES USAGES DU DISCOURS

Le bréviaire de la haine

Aujourd’hui, cependant, la situation devient caricaturale.

Le candidat Sarkozy ne prend même plus la précaution de justifier tel ou tel emprunt à l’histoire. Tout personnage est bon à prendre.

La radicalité des propos de Nicolas Sarkozy se fonde à la fois sur l’indigence et, paradoxalement, sur la mise en exergue de l’information historique, par nature invérifiable lors des grands shows médiatiques que sont les discours de campagne. Elle a pour fonction de porter sur le devant de la scène une autre thématique, celle de la « haine » (21 occurrences dans les 6 discours étudiés) qui initialement sert de contrepoint négatif à la « fierté d’être Français » puis, plus récemment (discours de Dijon, après le premier tour), au discours de victimisation du candidat lui-même (voir la longue déclinaison des « pourquoi tant de haine »). On ne peut, de ce point de vue, donner tort à Nicolas Sarkozy lorsqu’il évoque une campagne et une élection se jouant sur le terrain moral, sur celui des valeurs : c’est bien là qu’il les a placées et c’est sans aucun doute sa force que d’y être arrivé. Sa faiblesse étant l’impossibilité d’appuyer sur la production historique la geste nationale qu’il propose pour légitimer sa conception de l’identité nationale.

Les carences de la droite

La droite n’a-t-elle donc pas de penseur de la misère, de figure de la compassion, voire d’historien à proposer qu’il faille sans cesse les puiser à gauche ? N’est-ce pas déjà un problème que cette absence de références et de figures pour parler de « ceux dont on ne parle pas » : les travailleurs, les artisans... Les seules figures de droite sont-elles celles du combat et de la pensée libérale comme le suggèrent les références offertes à la gauche de Raymond Aron et de Charles de Gaulle ? Le nationalisme et le capitalisme sont-ils si honteux ? De prime abord, la seule logique semble être l’occasion : toute référence historique abandonnée ou en marge peut servir, à condition d’apparaître un peu brillante de façon à faire illusion le temps bref nécessaire pour être vendue à l’électeur. Il y a pourtant une logique plus profonde à l’œuvre en dépit de l’apparente incohérence qui consiste à associer dans un même élan Jaurès et l’identité nationale. Au contraire du modèle républicain centriste, chiraquien ou bayrouiste, il s’agit de récupérer les marges de la République pour les insérer dans un grand tout dont, lui, Nicolas Sarkozy serait la seule unité. C’est en quelque sorte un modèle républicain élargi à l’extrême, aux extrêmes, et dont le principe systématique est l’inversion. Il le dit clairement dans son discours de Toulouse du 11 avril : « Si je suis élu président(...), tout ce que la droite républicaine et le centre ont abandonné à la gauche et à l’extrême-droite, je m’en saisirai. Tout ce que la gauche a laissé tomber, tout ce qu’elle a renié des valeurs universelles, des valeurs de la France, je les reprendrai à mon compte » : Tout est dit de son opération de récupération, avec la mauvaise foi en plus, mais très clairement.

Que l’histoire soit objet d’interprétation, que des débats contradictoires traversent les différentes versions de l’histoire, rien que de plus naturel. Mais réécrire l’histoire en lui tordant le cou ainsi qu’on peut le lire ou l’entendre dans les discours de Nicolas Sarkozy rappelle davantage le 1984 de George Orwell que le pluralisme dont se réclame le candidat de la « droite républicaine », ce qui finalement trouve une conclusion logique dans son discours autoritaire. Pour faire accepter ce dernier, il est stratégiquement plus habile de l’appuyer sur un discours émancipateur que sur ses racines lointaines, celles de la droite autoritaire. LES FIGURES DU DISCOURS

On en retiendra trois

L’OMISSION

Barrès, le nationaliste

L’argumentaire sarkozyste renie l’héritage historique de la droite : l’antidreyfusisme ou le pétainisme que l’on peut considérer comme ses déclinaisons « populaires » mais qui, évidemment, contredisent celle de Sarkozy. En présentant une ancienne gauche populaire - « la vraie » - et une droite bourgeoise et conservatrice, celle de la IIIe République, il oublie un peu vite les vastes courants de la droite populaire et autoritaire, la « droite révolutionnaire » pour reprendre les termes de l’historien Zeev Sternhell qui y voit une sorte de proto-fascisme. C’est oublier que la représentation des classes populaires ne fut jamais le monopole de la gauche, sinon dans son discours. Évidemment, il ne vaut mieux pas tirer de ce côté-là dans les discours du candidat de l’UMP même s’il s’agit historiquement de la ligne la plus directe pour afficher un discours sur l’« autorité » (68 occurrences dans les six discours). Parmi toutes les grandes figures historiques que Nicolas Sarkozy a mobilisées dans sa campagne, il en est au moins une qui parait justifiée, c’est celle de Maurice Barrès. Le 17 avril, dans son discours de Metz, Sarkozy évoquait l’écrivain qui « sur la colline inspirée de Sion (...) priait dans un même élan de cœur la Vierge, la Lorraine et la France et écrivait pour la jeunesse française le roman de l’énergie nationale ». Barrès a effectivement joué un rôle majeur dans l’élaboration du discours sur « l’identité nationale », au moment de l’Affaire Dreyfus. Mais Barrès a eu au moins eu le mérite d’appeler un chat un chat. À la différence du candidat de l’UMP, qui crie à la « diabolisation » quand on critique les relents nationalistes de ses discours, Barrès se présentait explicitement comme le porte-parole du camp nationaliste.

À la lumière des travaux que Zeev Sternhell a consacrés à la pensée politique de Maurice Barrès, on peut dégager les points communs entre le nationalisme barrésien et le nationalisme sarkozyste. On en retiendra trois ici :

1. L’identité nationale est exaltée au détriment des « étrangers ». Elaboré à une époque où la question de l’immigration commence à être présentée par la droite comme le principal « problème » de la vie politique française, le discours de Barrès sur « l’identité nationale » prend d’emblée les immigrants pour cible. En 1893, il se fait élire député à Nancy, avec un programme intitulé : « Contre les étrangers ! ». La principale mesure qu’il propose est d’interdire aux immigrants de venir travailler en France. Il faut préciser que le nationalisme barrésien intègre une composante antisémite qu’on ne trouve pas dans les discours de Nicolas Sarkozy. Néanmoins, se réclamer de Barrès aujourd’hui, c’est réhabiliter sur la scène politique l’un des écrivains français qui a le plus contribué à populariser l’antisémitisme, en reprenant à son compte les thèses développées peu de temps auparavant par Edouard Drumont dans La France Juive. Chef de file du camp antidreyfusard, Maurice Barrès n’a pas ménagé ses efforts pour légitimer la condamnation du capitaine Dreyfus, allant jusqu’à affirmer : « que Dreyfus est capable de trahir, je le conclus de sa race ».

2. L’anti-intellectualisme. Nicolas Sarkozy n’a cessé de dénoncer ceux qui critiquent sa propagande identitaire en parlant de « petite intelligentsia » coupée du peuple. Là encore, la filiation avec Barrès est évidente. Ce dernier a joué un rôle majeur dans l’élaboration de l’anti-intellectualisme populiste conservateur. Prétendant exprimer « l’instinct des humbles », Barrès s’attaque aux intellectuels qui ont pris la défense du capitaine Dreyfus, en les appelant les « anarchistes de l’estrade ».

3. L’anti-repentance. La critique de la « petite intelligentsia » est associée dans le discours sarkozyste à la dénonciation de la « repentance ». Tout examen critique du passé national est assimilé à un dénigrement de la nation, visant à cultiver la « honte d’être Français ». Force est de constater, une fois de plus, que Maurice Barrès disait exactement la même chose quand il s’attaquait aux dreyfusards. Dénonçant ceux qui voulaient « diviser la France » au lieu de la rassembler, Barrès se réclamait à la fois de Jeanne d’Arc, de 1789 et de la Commune de Paris. Ayant redécouvert ses racines catholiques, il fait de la religion chrétienne (par opposition au judaïsme) le fondement de l’identité de la France depuis ses origines. Sa critique des « droits de l’homme » s’inscrit dans le droit fil des propos antisémites de Drumont. Dans la France Juive, celui-ci s’en était pris violemment aux républicains qui défendaient les juifs victimes des pogroms en Russie, en ironisant sur ceux qui « se mettent à bêler au nom de la civilisation, au lieu de prendre parti pour les braves gens qui ont essayé de se défendre ». Drumont dénonçait dans le même livre, « le sympathisme vague qui consiste à aimer tout le monde et, par une sorte de haine envieuse, qui nous pousse à nous détester entre nous ».

Napoléon III et Pétain ?

Toute l’histoire de France n’est pas récupérable. Bonaparte, Pétain, ne sont pas récupérables. Les seuls noms que l’on ne trouve pas dans le site Sarkozy/UMP, ce sont Napoléon ou Bonaparte, et Pétain. Ils sont le non-dit de l’ensemble. Sarkozy se rêve bien en nouveau Bonaparte, mais cela n’est pas dicible. Tout son discours sur la République ne sert qu’à dissimuler la véritable nature de son rapport à la nation : c’est un bonapartisme dans lequel le libéralisme du marché mondial et de la libre concurrence a remplacé l’armée, parce que nécessité fait loi. La nation du premier Bonaparte sert à cacher le libéralisme du second. Mais, pour cela, il faut transformer l’Etat pour le convertir à ce nouveau nationalisme qui fait du marché le cœur de son moteur idéologique : Sarkozy, comme Berlusconi, mais aussi comme Poutine ou comme les dirigeants chinois et japonais Hu Jin Tao et Shinzo Abe, comme Georges Bush, comme Tony Blair, veut faire de la conquête économique le cœur de son action dont la nation est le mythe fédérateur. Mais il est gêné dans son entreprise par le cas français et par ses propres origines : il ne peut frayer directement avec l’extrême-droite qui est raciste. Son nationalisme de revanche est un nationalisme multiculturaliste, comme celui de Georges Bush. Ce sont pourtant, derrière l’avalanche de références républicaines et de gauche, dans les références jamais nommées du bonapartisme et du pétainisme combinées pour l’occasion avec le gaullisme en ce qu’il est un nationalisme à sa façon, que se loge la vérité du rapport de Nicolas Sarkozy à l’histoire. Ses valeurs sont des valeurs pétainistes et bonapartistes : mythe du sauveur, de l’homme fort, du vainqueur ; idéologie de la famille, du travail et de la patrie : traduisons : du nationalisme , du travail ordonné discipliné, de la famille sous l’autorité du père.

LA DENEGATION : le Grand capital

Interrogé par Le Monde (10 avril 2007) à propos des discours de Nicolas Sarkozy sur l’histoire en particulier, sa « plume », Henri Guaino, pour justifier les emprunts au panthéon de la gauche, affirma, « Nous avons le droit de choisir nos filiations. Je ne me sens pas dans le camp du Comité des forges », traduction politique : le candidat Sarkozy n’est pas l’homme du grand patronat. Or, le Comité des forges, organe dominant du patronat (au départ un rassemblement des sidérurgistes) à la fin du XIXe siècle et dans l’entre-deux-guerres, symbolise un patronat de combat ancré sur les industries de la seconde révolution industrielle, un patronat de grandes familles, un patronat du paternalisme et de la toute puissance. Ce détour par l’histoire est donc clair. Il permet de faire des appels du pied aux électeurs de gauche avec mise à distance du patronat historique qui doit masquer les liens du candidat Sarkozy avec le MEDEF. Des liens tellement réels pourtant et c’est pour ne pas les étaler avec trop d’indécence que son frère Guillaume Sarkozy vice-président du MEDEF a dû renoncer à la présidence. Inutile de rappeler ici les liens étroits entre l’UMP sarkozyste, Bouygues, Lagardère, Dassault, pour ne citer que ceux qui sont publiquement et régulièrement rappelés dans cette campagne. Dans ce contexte, la mise à distance du « comité des forges » sert à souligner la distance avec le patronat, mais celui d’autrefois, un patronat déjà décrié dans l’entre-deux-guerres pour son archaïsme, pour mieux insister - implicitement - sur la modernité de celui qui peut entourer le candidat. Et pourtant on pourrait tout autant souligner les filiations entre le Comité des forges et le MEDEF, ne serait-ce que parce le descendant du président du Comité des forges dans l’entre-deux-guerres, François de Wendel, n’est autre qu’Ernest-Antoine Sellières... Jamais le Comité des Forges n’aurait osé rêver, quoi qu’en ait dit Henri Guaino, d’un candidat si lié publiquement avec autant de grands patrons. Pour cela aussi, les références réitérées à Jaurès et Blum, qui, dans des contextes différents, se sont durement heurtés au patronat sont des impostures : il faut rappeler à quel point le patronat s’est opposé frontalement au Front populaire, dans un contexte de grande tension, qu’il n’a fait des concessions qu’en raison d’un rapport de force défavorable et comment la mise en place des conventions collectives fut une véritable lutte pied à pied, même après les accords Matignon de juin 1936. Les 35 heures non, le Front populaire oui, on peut ainsi résumer rapidement le discours de Sarkozy, qui se débarrasse de fait de la pensée de la droite de l’entre deux-guerres qu’il stigmatise lui-même.

LA SELECTION

Le panthéon de la Gauche

C’est évidemment la revendication des figures de Jaurès, Blum ou Ferry qui demeurent les plus frappantes, les références à Jules Ferry étant essentiellement liées à la thématique scolaire : remarquons ici que le discours de Nicolas Sarkozy néglige quelques précisions historiques importantes et d’abord que les lois sur l’obligation, la gratuité et la laïcité de 1881-1882 ont été l’objet d’une violente bataille entre républicains et catholiques, structurant un moment fort dans l’histoire de l’anticléricalisme de la IIIe République. La conflictualité de séparation de l’Eglise et de l’Ecole explique aussi largement la lettre circulaire envoyée aux instituteurs en novembre 1883, citée longuement dans plusieurs discours. Rappelons simplement le contexte : il s’agit de la seconde rentrée scolaire après le vote des lois Ferry et la lettre circulaire aux instituteurs est une évidente volonté d’apaisement politique. Dans le discours de Nicolas Sarkozy, ce n’est évidemment pas le combat républicain de la laïcité qui ressort mais l’insistance sur le fait de ne pas froisser l’autorité du père de famille, ce qui fut justement l’un des principaux arguments employés par les catholiques hostiles à la loi. Insistance aussi sur l’éducation morale, mais en oubliant de préciser qu’elle avait pour fonction de se substituer à la morale religieuse. Enfin, les citations de la lettre laissent de côté ce qui, en dehors de la question scolaire elle-même, est le fondement de la laïcité française, c’est-à-dire la séparation de la sphère publique, celle de l’action politique, et de la sphère privée, celle de la conscience et de la croyance (et pour cause, lorsque l’on connaît le programme UMP sur la carte scolaire, sur l’école privée, c’est-à-dire confessionnelle).

suite : http://infos.samizdat.net/article46...

dimanche 10 juin 2007, par Sylvie Aprile


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