Racket bancaire : Plafonner les frais et les agios

lundi 13 février 2023.
Source : Sélection 43
 

Article original : https://heuredupeuple.fr/frais-banc...

Une proposition de loi contre le racket bancaire

Les frais bancaires ont explosé au cours des dernières années. Les banques ont en partie compensé la faiblesse des taux d’intérêts par la multiplication de frais relatifs à la tenue de compte ou aux incidents bancaires. Les seuls frais d’incidents bancaires rapportent aujourd’hui, selon une étude conjointe de l’UNAF et l’INC, près de 6,5 milliards d’euros par an aux établissements bancaires français, au détriment de plus de 7 millions de clients des banques.

Jusqu’à 3552 euros de frais

Ces frais sont supportés essentiellement par les classes moyennes et populaires : l’étude précise en effet que le montant mensuel des frais d’incidents et agios supportés par les populations en situation de vulnérabilité financière s’élève en moyenne à 296 euros par an (et jusqu’à 3 552 euros !) contre 34 euros toute population confondue. De plus en plus, c’est le client qui se retrouve au service de la banque au lieu que la banque soit au service du client. Pour les établissements bancaires, il s’agit d’une rente inespérée, qu’une complexité technique savamment entretenue a jusqu’à présent préservé de la loi pour laisser toute réglementation dans les mains de Bercy.

Face à la colère sociale qui vise également les banques, le gouvernement, au lieu de légiférer sur un plafonnement des frais bancaires, a préféré miser sur la bonne foi des établissements bancaires, et sur des engagements flous et non contraignants. Mais les chômeurs eux sont sommés de prouver qu’ils recherchent bien un emploi sous peine de se voir couper les allocations auxquelles ils ont droit.

Ne pas laisser faire les banques

Le 11 décembre 2018, les établissements bancaires se sont engagés, à faire bénéficier l’ensemble des clients les plus fragiles financièrement d’un plafonnement des frais d’incidents. 3,6 millions de personnes sont potentiellement concernées. Mais les banques demeurent libres

de mettre en œuvre cet engagement « au regard de leur politique commerciale » comme tient à le préciser le communiqué de la Fédération bancaire française (FBF).

Cet accord continue par ailleurs de distinguer population fragile financièrement (au risque de les stigmatiser) et population « normale », ainsi que clients professionnels et clients non professionnels. Or, les artisans et commerçants ou les autoentrepreneurs ne bénéficient d’aucun plafonnement des frais d’incident bancaires bien qu’ils soient très exposés à ce type d’incidents. Pour le reste de la population non-professionnelle, il n’y aura pas de plafond global annuel de frais, au-delà de l’encadrement prévu par la loi de 2013 (soit 8 euros par opération et 80 euros par mois pour les "commissions d’intervention" en cas de dépassement de découvert autorisé) auxquels il faut ajouter les plafonds de 50 euros de frais par chèque rejeté et de 20 euros pour un rejet de prélèvement et d’autres types de frais par opération rejetée. Soit une facture finale qui peut s’avérer salée.

La France Insoumise propose donc une action plus ambitieuse et plus déterminée. Préparée par l’équipe du livret Banques, une proposition de loi est portée par Alexis Corbière au nom du groupe FI à l’Assemblée. Celle-ci part du principe que l’accès à ces biens communs que sont la monnaie, le crédit et les moyens de paiement doit être facturé au plus bas niveau possible afin de ne pas pénaliser le pouvoir d’achat des ménages. Elle rejoint en cela la position exprimée par de nombreux acteurs : syndicats, association de défense des consommateurs, représentants des clients des banques, etc…

Cette action est d’autant plus à portée de main que le traitement des incidents bancaires est le plus souvent automatisé et ne requiert aucune action humaine qui justifierait des frais si élevés. Il entraîne en revanche des tensions inutiles entre les clients et les employés des banques, sommés d’exécuter les instructions de leur hiérarchie. Selon la Fédération CGT des Syndicats du Personnel de la Banque et de l’Assurance, dont le groupe LFI a reçu les membres en audition à l’Assemblée nationale autour de leur secrétaire générale Valérie Lefèbvre-Haussman, l’existence de frais d’incidents bancaires élevés conduit en outre à une mise en danger des personnels envers lesquels s’exerce une violence psychologique, et parfois physique, croissante. Nul besoin, donc, de rajouter le paiement d’une rente supplémentaire sous la forme de frais spécifiques extravagants qui vient s’ajouter au droit déjà extraordinaire de seigneuriage octroyé aux établissements bancaires privés. Nul besoin non plus de rajouter à la violence sociale qui traverse déjà le pays.

Plafonner les frais et les agios

La France Insoumise propose donc d’instaurer, par la voie législative un plafond couvrant l’ensemble des frais engendrés par une irrégularité ou un incident de fonctionnement du compte bancaire et fixé à 2 euros par incident, dans la limite de 20 euros par mois et de 200 euros par an, pour l’ensemble de la population, professionnelle et non professionnelle. Ce plafond inclura les frais de régularisation mais aussi les autres frais liés à l’incident (lettre d’information pour compte débiteur, rejet de chèque pour défaut de provision, rejet de prélèvement ou de virement…).

Bien que n’étant pas directement des frais d’incident, le plafond proposé inclura également les intérêts débités à raison d’un solde débiteur du compte pendant un ou plusieurs jours, c’est-à-dire les agios, qui grèvent de façon abusive les finances de nombre de nos concitoyens.

Enfin, le second article de cette proposition de loi prévoit également de diminuer et de définir législativement le plafond des frais de saisie administrative qui était jusqu’ici défini par décret. Ces frais ont augmenté de plus de 10 % en 5 ans. A tel point que souvent les frais bancaires liés à des saisies sont aussi élevés que les saisies elles-mêmes.

Il convient de rappeler que les frais d’incident n’ont aucune portée « éducative » comme en témoigne d’une part l’accroissement de leur montant unitaire et la multiplication de leur nombre et d’autre part leur facturation en cascade qui empêche le client d’en tirer les conséquences sur sa situation budgétaire et sur les opérations qui en sont à l’origine. Une telle réglementation n’est pas non plus de nature à mettre en danger le système bancaire, loin s’en faut : en 2017, le résultat net des principales grandes banques françaises s’est avéré supérieur à 21 milliards d’euros et, rien que pour l’année 2016, les banques ont versé près de 8,6 milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires. En outre, le niveau de fonds propres des principales banques françaises est supérieur à 13%. Dans ce contexte, baisser ces frais ne représente aucune menace sur la stabilité du système bancaire et financier. C’est en revanche urgent pour redonner du pouvoir d’achat à la population, et en particulier aux classes populaire qui sont le plus lourdement touchées par cette forme de taxation indirecte. A terme, cela constituera un premier pas pour réfléchir à la nécessité d’une gestion publique de ces biens communs que sont la monnaie et le crédit.

Laetita Petit

Nicolas Demian

Jean Clarke

Jean Kerrel


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