Condamnation de Sarkozy...

samedi 6 mars 2021.
 

Ivan Pavlov pensait-il devenir un maitre de l’analyse politique ? Quel triomphe avec le jugement de Sarkozy ! Il est condamné ? Comme le chien de mon voisin (pendant mes 28 ans de vie en banlieue), chaque fois que passait quelqu’un dans la rue, je devrais bondir, la bave aux lèvres, et aboyer à la mort, tous crocs visibles. Je ne l’ai pas fait. Je suis donc suspect aux yeux de tous ceux pour qui il n’est de vérité que pavlovienne. Et voici pourquoi : puisque j’ai lutté sans trêve contre Sarkozy, dès qu’il lui arrive quelque chose de mauvais je devrais commencer un banquet de fête. Je ne le fais pas. Le café du commerce tranche. Non seulement je suis suspect mais d’autres franchissent un pas prévu par Pavlov : ce qui n’est pas blanc leur parait nécessairement noir.

Résumons : puisque je ne tape pas sur Sarkozy, c’est donc que je tape sur les juges. CQFD. Certains m’accordent 140 signes de sms pour « expliquer » la position qu’il m’attribuent. Hélas, je n’ai pas le talent qui me permettrait de décrire en si peu de mots ce que « gris » veut dire. Je note qu’il aura fallu plusieurs dizaines de pages à l’académicien François Cheng pour décrire « fade » dans un bref livre sublime. Ici, la situation n’est ni noire ni blanche. Elle met tous les gens sérieux mal à l’aise à voir un ancien Président, un juge (pourquoi m’en affligerais-je si je suis censé taper sur les juges ?) et un avocat (comme le Garde des Sceaux) condamné dans des termes qui mettent en cause l’honorabilité de trois rouages essentiels de la vie publique ?

Et si décrire « gris » c’est rude en 140 signes, que dire de « rouge » ! « Rouge » de l’alerte. Quoi ? Je devrais amnistier sans hésitations une chaîne de décideurs judiciaires dans laquelle se trouvent des gens contre certains desquels le président de la commission d’enquête parlementaire sur l’indépendance de la justice a déposé plainte pour parjure ? Acclamer sans réserve un système de justice à bout de souffle, miné de misères matérielles, lourdement discrédité au point qu’un sondé sur deux dit n’avoir plus confiance en lui ? Approuver, donc renoncer à réformer sérieusement le système ? Accepter une généralisation des louanges (« les juges ») comme si tant d’entre eux n’avaient pas accepté de condamner à de la prison ferme entre minuit et six heures du matin 800 gilets jaunes ? Et laissé un syndicat de police les menacer sans dire un mot ? Ni un mot non plus pour 32 personnes éborgnées et cinq mutilées dans les manifestations par des tireurs désormais blanchis ? J’en passe, et non des moindres, pour ne pas alourdir la liste des doutes qui se sont installés en moi déjà depuis quelques mois. Je ne veux pas donner à mon point de vue cette tournure pavlovienne que je reproche aux autres.

J’invite les réjouis de Pavlov à la prudence. Le système judiciaire n’est pas un appareil de vengeance politique. Et si nous le reprochons aux autres n’en faisons pas autant nous-mêmes. Nous qui avons dénoncé le lawfare, guerre judiciaire en politique, et qui continuons à lutter contre lui dans le monde et chez nous, ne prenons pas le risque d’en être les instruments le cas échéant.

J’ai dit que Macron était débarrassé de son plus sérieux concurrent à droite. Hors de ce simple constat d’évidence, je ne me sens l’esprit ni à me réjouir ni à m’affliger. Je n’ai pas l’intention de désarmer ma méfiance. Je vois que cet épisode, contre son gré, n’aura pour finir produit qu’une chose : accroitre le malaise politique du pays.


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