18 avril 1792 rapport de Dumouriez (ministre), pour une déclaration de guerre à l’Autriche

dimanche 2 septembre 2007.
 

Le général Dumouriez, ministre des Affaires étrangères, présente ce 18 avril 1792 un rapport devant le roi Louis XVI et les autres ministres. Il analyse les forces qui s’agitent pour tenter d’écraser militairement la Révolution française :

- les émigrés français déploient une activité intense auprès de toutes les cours royales pour cette entrée en guerre des souverains européens contre la révolution française.

- L’Autriche a suscité un "concert des puissances" contre la Révolution et protège les émigrés sur ses territoires. Elle constitue "l’ennemie implacable de la nation française". Son attitude vis à vis des demandes françaises d’explication équivalent "formellement à une déclaration de guerre"

Deux jours plus tard, le 20 avril 1792, Dumouriez présente le même rapport devant les députés de l’assemblée législative.

A) L’opposition déterminée des rois et empereurs d’Europe à la Révolution française

27 août 1791 La Déclaration de Pillnitz marque l’engagement des royautés européennes contre la Révolution française

1) Les nobles émigrés français poussent sans cesse à la guerre des royautés d’Europe contre la Révolution

2) Les rois d’Europe contre la Révolution française

3) Marie-Antoinette, fille de l’empereur d’Autriche plus que reine de France ?

4) La fuite du roi et l’appel aux volontaires en juin 1791

5) La déclaration de Pillnitz

B) L’empereur d’Autriche fait chaque mois un pas de plus vers la guerre

Il accueille les émigrés dans ses territoires et leur permet de s’y constituer en corps d’armée bien organisés

Il pousse aux mobilisations conservatrices en France même

Il participe à la préparation de la fuite de Varennes qui a éclairé l’objectif réel de Louis XVI : s’appuyer sur des fractions de l’armée et s’allier aux souverains d’Europe pour rétablir son trône

Il anime régulièrement des conférences réunissant les souverains européens, chacune marquant un durcissement sur la précédente

Il lance un nouvel appel le 12 novembre 1791 demandant à tous les souverains d’Europe de réaliser l’union face aux révolutionnaires français.

Il groupe des forces militaires de plus en plus importantes aux frontières françaises, en particulier dans le Brisgau et dans les Pays Bas autrichiens (Flandre, Wallonie)

Il envahit le canton suise francophone de Porrentruy, violant le statut de celui-ci et le rôle institutionnel de la france en son sein

C) L’Assemblée législative lance un ultimatum à l’empereur d’Autriche le 25 mars 1792

Le 19 février 1792, une note à l’ambassadeur de France montre que la cour de Vienne est décidée à ne faire aucune concession à la France, hâtant ainsi le risque de guerre.

Le 1er mars l’empereur Léopold II meurt, laissant la place à son fils François II (frère de Marie-Antoinette) extrêmement actif contre la Révolution française depuis deux ans.

Le 18 mars 1792, celui-ci signe un nouveau texte menaçant (résolution de Kaunitz). Il s’agit d’un ultimatum à la France la mettant en demeure d’arrêter son soutien aux démocrates belges.

Cette accusation constitue un prétexte puisque, au contraire, la Révolution française a laissé écraser la Révolution brabançonne par les Autrichiens sans la soutenir en quoi que ce soit.

Les députés français répliquent à l’empereur par leur propre ultimatum. Ils lui demandent d’arrêter ses préparatifs militaires aux frontières de la France et de ne plus protéger les rassemblements armés d’émigrés sur ses territoires.

Vienne refuse évidemment d’obtempérer.

D) Rapport de Dumouriez le 18 avril 1792 en "Conseil du roi" (Louis XVI et les ministres)

« ... Dès que la maison d’Autriche a vu dans notre Constitution que la France ne pourrait plus être le servile instrument de son ambition, elle a juré la destruction de cette œuvre de la raison ; elle a oublié tous les services que la France lui avait rendus ; enfin, ne pouvant plus dominer la nation française, elle est devenue son ennemie implacable...

Léopold n’a fait que paraître sur le trône impérial, et cependant c’est lui qui a cherché à exciter sans cesse toutes les puissances de l’Europe. C’est lui qui a tracé dans les conférences de Padoue, de Reichenbach, de La Haye et de Pilnitz, les projets les plus funestes contre nous...

... C’est Léopold qui s’est déclaré le chef d’une ligue qui tendait au renversement de notre Constitution. C’est lui qui, dans des pièces officielles que l’Europe jugera, invite une partie de la nation française à s’armer contre l’autre, cherchant à réunir sur la France les horreurs de la guerre civile aux calamités de la guerre extérieure...

La cour de Vienne avait fait sortir des Pays-Bas les émigrés armés, de peur que le ressentiment des Français ne les portât à entrer dans les provinces Belgiques, où s’étaient faits les premiers rassemblements, où les rebelles tiennent encore un état-major d’officiers-généraux en uniforme et avec la cocarde blanche ; à la cour même de Bruxelles, où, contre les capitulations et cartels, on recevait et on reçoit encore journellement des bandes nombreuses, et même des corps entiers avec armes, bagages, officiers, drapeaux et caisse militaire, donnant ainsi une injuste protection à la désertion la plus criminelle, accompagnée de vol et de trahison. Dans le même temps, la cour de Vienne, sur la demande irrégulière de l’évêque de Bâle, établissait une garnison dans le pays de Porentruy, pour s’ouvrir une entrée facile dans le département du Doubs, violant, par l’établissement de cette garnison, le territoire du canton de Bâle, violant les traités qui mettent le pays de Porentruy sous la garantie de ce canton et de la France.

Dans le même temps, la cour de Vienne augmentait considérablement ses garnisons dans le Brisgaw. Dans le même temps, la cour de Vienne donnait des ordres au maréchal de Bender de se porter avec ses troupes dans l’électorat de Trèves, au cas où les Français s’y porteraient pour dissiper les rassemblements de leurs rebelles émigrés... Les attroupements ont recommencé à Coblentz en plus grand nombre, leurs magasins sont restés dans le même état, et la France n’a vu, dans toute cette affaire, qu’un jeu perfide, des menaces et de la violence...

Le roi de Bohème et de Hongrie, sollicité de répondre catégoriquement pour faire cesser les inquiétudes des deux nations et pour opérer la tranquillité de l’Europe, a fait connaître ses dernières résolutions à votre majesté, par une dernière note du prince Kaunitz, datée du 18 mars... C’est à nous qu’il dit que les troubles des Pays-Bas sont suscités par les exemples de la France et par les coupables menées des Jacobins. Comme si les troubles des Pays-Bas n’avaient pas précédé la révolution française, comme s’il avait pu oublier que l’assemblée constituante avait refusé de prendre aucune part à ces troubles.

Sire, de cet exposé, il résulte, 1° que le traité de 1756 est rompu par le fait de la maison d’Autriche ; 2° que le concert entre les puissances, provoqué par l’empereur Léopold , au mois de juillet 1791, confirmé par le roi de Hongrie et de Bohême, d’après la note du prince de Kaunitz, du 18 mars 1792, qui est l’ultimatum des négociations, étant dirigé contre la France, est un acte d’hostilité formel ; 3° Qu’ayant mandé par ordre de votre majesté qu’elle se regarderait décidément comme en état de guerre, si le retour du courrier n’apportait pas une déclaration prompte et franche, en réponse aux deux dépêches des 19 et 27mars, cet ultimatum, qui n’y répond point, équivaut à une déclaration de guerre ; 4° Que dès ce moment il faut ordonner à M. de Noailles de revenir en France sans prendre congé, et cesser toute correspondance avec la cour de Vienne.

Après toutes les réflexions qu’entraîne une détermination aussi importante, dans laquelle il s’agit de peser, dans la balance de l’équité la plus rigoureuse, d’un côté le danger de ne pas sou tenir et venger la souveraineté méconnue de la nation française, de l’autre les calamités que peut entraîner la guerre...

Considérant que dans toute la Constitution il ne se trouve aucun article qui autorise le roi à déclarer que la nation est en état de guerre, qu’au contraire, dans l’art. Il, section Ire du chap. Ill : De l’exercice du pouvoir législatif, il est dit ce qui suit : La guerre ne peut être décidée que par un décret du corps législatif, rendu sur la proposition formelle et nécessaire du roi, et sanctionné par lui. Qu’ainsi ce n’est pas un conseil que le roi peut demander, mais une proposition formelle qu’il doit nécessairement faire à l’assemblée nationale.

Considérant enfin que le vœu prononcé de la nation française est de ne souffrir aucun outrage, ni aucune altération dans la constitution qu’elle s’est donnée ; que le roi, par le serment qu’il a fait de maintenir cette Constitution, est devenu dépositaire de la dignité et de la sûreté de la nation française. Je conclus à ce que, forte de la justice de ces motifs, et de l’énergie du peuple français et de ses représentants, sa majesté, accompagnée de ses ministres, se rende à l’assemblée nationale pour lui proposer la guerre contre l’Autriche. »


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