27 août 1791 La Déclaration de Pillnitz marque l’engagement des royautés européennes contre la Révolution française

vendredi 29 septembre 2023.
 

A) Les nobles émigrés français poussent sans cesse à la guerre des royautés d’Europe contre la Révolution

Durant la Révolution, environ 140000 nobles, prélats et nantis quittent le territoire français. En 1789, 1790 et les premiers mois de 1791, ils fuient en emportant leur or, leur argent, leurs bijoux et tous leurs biens transportables. Pour stopper cette fuite des capitaux, l’Assemblée législative vote le 31 octobre 1791 une loi décrétant la confiscation automatique des biens d’émigrés.

Tous les Français engagés dans la Révolution vivent les Emigrés comme une menace permanente :

- par leurs journaux qui glorifient sans cesse les préaparatifs militaires des royautés européennes contre la France

- par leurs bureaux d’émigration qui se maintiennent dans les départements jusqu’en 1791

- par la constitution de l’Armée des Princes sur le Rhin (particulièrement à Coblence dans l’électorat de Trêves).

- par l’importance des deux frères du roi au coeur de ces émigrés (comte d’Artois puis comte de Provence) qui fait douter de la volonté réelle du roi de défendre son pays.

Lorsque les armées autrichienne et prussienne marchent vers Paris en 1792, elles intègrent 20000 émigrés français (3 corps d’armée).

B) Les rois d’Europe contre la Révolution française

La victoire en France d’une révolution populaire enflammant les châteaux, obtenant la fin des privilèges féodaux et se revendiquant de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen menace dès l’été 1789 d’embraser socialement toute l’Europe. Des patriotes belges, hollandais, suisses, italiens, savoyards, allemands, anglais... se groupent et commencent à agir contre leur propre classe féodale dominante et autres privilégiés.

Cela ne peut plaire aux souverains autocrates. Catherine II, impératrice de Russie, prône une croisade contre les insurgés français. Des émigrés royalistes français bénéficient d’une hospitalité souvent chaleureuse sur toutes les frontières, dans le royaume d’Espagne, dans la péninsule italienne, dans les cantons suisses, en Allemagne, dans les Pays Bas. Léopold II, empereur d’Autriche, correspond avec sa soeur Marie Antoinette pour protéger le trône royal et permet la formation de l’Armée royaliste émigrée de Condé qui attend l’occasion favorable pour marcher sur Paris. Gustave III, roi de Suède, se met en avant pour prendre le commandement de l’armée qui envahirait la France

De juillet 1789 à juin 1791, d’autres soucis occupent prioritairement les têtes couronnées, en particulier le partage de la Pologne ; d’autre part, leur intervention pourrait affaiblir les modérés de l’Assemblée constituante (Feuillants) au profit de l’aile gauche de plus en plus républicaine avancée.

En 1789 et 1790, l’empereur d’Autriche apparaît comme le monarque le plus modéré d’Europe vis à vis de la Révolution française. La correspondance avec sa fille Marie-Antoinette va le pousser à plus d’intransigeance.

C) Marie-Antoinette, fille de l’empereur d’Autriche plus que reine de France ?

Rappelons ici que Marie Antoinette, fille de l’impératrice d’Autriche Marie-Thérèse et de l’empereur Léopold II, soeur de son successeur Joseph II, a conservé des liens politiques avec ces trois proches depuis son mariage avec le roi de France Louis XVI.

Leurs lettres mensuelles ne passent pas par les services de la Poste mais par des "courriers", cavaliers dont la seule fonction consiste à les porter en mains propres. Ces missives sont doublées par les rapports du comte de Mercy-Argenteau, diplomate.

A partir de 1789, Marie-Antoinette utilise cette correspondance pour pousser l’Autriche à intervenir politiquement et militairement afin de protéger le trône contre la Révolution.

Toute la préparation de la fuite de Varennes s’opère en lien entre Marie-Antoinette, ses proches (Fersen, Mercy Argenteau...) et la cour de Vienne.

D) La fuite du roi et l’appel aux volontaires en juin 1791

Tous les Français engagés dans la construction d’une nouvelle société prennent conscience en juin 1791 des forces formidables qu’il va leur falloir affronter.

Le 21 juin, le roi et sa famille quittent Paris pour rejoindre une place forte de l’Est de la France. En lien avec les généraux de l’armée (marquis de Bouillé en particulier) et des troupes étrangères proches de la frontière, ils comptent marcher sur Paris pour rétablir le pouvoir royal.

Malgré l’engagement d’unités de cavalerie issues de tous les régiments placés entre Paris et Montmédy, le projet de Louis XVI échoue.

21 juin 1791 La fuite de Louis XVI s’arrête à Varennes

Cet échec relance le processus de mobilisation populaire et de radicalisation démocratique contre la royauté. Il suscite aussi une plus grande détermination des Emigrés dans le but de constituer une coalition militaire des monarchies européennes contre la Révolution.

Touché par l’effondrement de l’autorité royale française durant tout l’épisode de Varennes, Léopold II, puissant empereur d’Autriche, adresse une lettre à tous les souverains d’Europe les invitant à "agir d’urgence au cas où ils seraient prêts". De plus, il menace la France d’une guerre.

L’Assemblée constituante vote un décret demandant à chaque département de lever un bataillon de 600 volontaires. Dans de nombreux départements, les volontaires affluent durant l’été et leur nombre dépasse l’objectif initial.

E) La déclaration de Pillnitz

Durant l’été 1791, les émigrés français, furieux de l’échec de Varennes, multiplient leurs interventions auprès des cours européennes. Lorsque Frédéric-Guillaume (roi de Prusse) et Léopold (empereur d’Autriche) se rencontrent à Pillnitz du 24 au 27 août, ils sont présents pour obtenir la prise de position la plus dure possible contre la révolution. Le général Bouillé (qui devait protéger la famille royale si elle avait réussi à rejoindre Maubeuge) propose un plan d’invasion de la France. Le comte d’Artois (frère de Louis XVI) se démène avec le soutien de Calonne (ex-ministre), de M. de Galonné et autres personnalités d’Ancien régime.

L’empereur d’Autriche et le roi de Prusse signent alors la déclaration de Pillnitz (datée du 27 août 1791), menaçant la France :

« Sa Majesté l’empereur et Sa Majesté le roi de Prusse, ayant entendu les désirs et les représentations de Monsieur et de M. le comte d’Artois, déclarent conjointement qu’elles regardent la situation où se trouve actuellement Sa Majesté le roi de France comme un objet d’un intérêt commun à tous les souverains de l’Europe. Elles espèrent que cet intérêt ne peut manquer d’être reconnu par les puissances dont le secours est réclamé, et qu’en conséquence elles ne refuseront pas, conjointement avec leursdites Majestés, les moyens les plus efficaces relativement à leurs forces, pour mettre le roi de France en état d’affermir, dans la plus parfaite liberté, les bases d’un gouvernement monarchique également convenable aux droits des souverains et au bien-être des Français. Alors, et dans ce cas, leursdites Majestés sont décidées à agir promptement et d’un commun accord, avec les forces nécessaires pour obtenir le but proposé et commun. En attendant, elles donneront à leurs troupes les ordres convenables pour qu’elles soient à portée de se mettre en activité. »

CONCLUSION

Les souverains font publier cette sorte d’ultimatum pour le plus grand plaisir des émigrés royalistes français qui remuent toute l’Europe pour préparer une intervention militaire dirigée contre Paris.

Actuellement, des historiens insistent sur le caractère évasif de cette déclaration de Pillnitz. Prétendre cela permet d’exonérer l’Autriche de ses responsabilités dans le processus qui mène aux guerres contre la révolution française. Or, ce texte a joué un rôle indiscutable dans la conviction des émigrés et dans le sentiment de devoir se défendre de nombreux révolutionnaires français.

18 avril 1792 rapport de Dumouriez (ministre), pour une déclaration de guerre à l’Autriche


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