Fondation du NPA ce week-end : interview de Besancenot considéré par les Français comme "le meilleur opposant à Nicolas Sarkozy"

dimanche 29 juin 2008.
 

LE FIGARO. Quel est l’objectif du Nouveau Parti anticapitaliste ?

Olivier BESANCENOT. Le constat qu’on fait, c’est qu’il y a aujourd’hui des milliers de syndicalistes, de militants associatifs, de travailleurs qui ne se reconnaissent pas ou plus dans les partis traditionnels. Nous cherchons donc, à travers ce nouveau parti, à donner une traduction politique aux résistances et luttes sociales qui se sont raffermies depuis que Nicolas Sarkozy est président de la République.

En refusant systématiquement toute alliance avec la gauche parlementaire, ne craignez-vous pas de vous enfermer dans une posture de simple contestataire ? Donc, à court terme, de décevoir vos sympathisants.

Au contraire ! Pour essayer de ne pas décevoir les nouvelles espérances qui sont en train de s’affirmer, on revendique haut et fort notre indépendance vis-à-vis de la direction du Parti socialiste. Le seul moyen de redonner confiance à des milliers de gens, c’est de faire comprendre qu’il y a une nouvelle force politique qui compte peser et contester l’hégémonie du PS sur le restant de la gauche.

Le NPA aura-t-il donc des listes autonomes à chaque élection ?

Nous nous présenterons bien évidemment systématiquement à toutes les élections. Mais nous pensons que le peuple doit aussi peser en dehors des élections, par exemple dans les luttes. Car, tant que la scène politique restera un théâtre réservé à des responsables qui vivent de la politique, les besoins des classes populaires ne seront pas satisfaits. En effet, ils font ce qu’exige le vrai pouvoir qui est le pouvoir économique. Chercher à peser de l’intérieur dans de nouvelles alliances avec un Parti socialiste qui s’inscrit de plus en plus dans le cadre de l’économie de marché ne peut déboucher que sur une impasse. Nous sommes pour fédérer les luttes, celles, par exemple, contre les centres de rétentions, l’autonomie des universités, ou encore la suppression des régimes spéciaux des cheminots...

Vous-même, serez-vous candidat aux prochaines élections européennes ?

Pour l’instant, je n’en sais strictement rien. Quant à la question des candidatures et de l’orientation générale, nous prendrons nos décisions définitives lors du congrès de fondation du nouveau parti qui aura lieu en décembre ou en janvier au plus tard. Mais il est clair que cette échéance sera importante pour la construction d’une gauche anticapitaliste européenne qui se bat pour une autre Europe sociale et démocratique, dans le prolongement du non irlandais et du prochain Forum social européen qui se tiendra cette année en Suède.

Abandonnez-vous toute référence au trotskisme et à la révolution ?

Ce parti ne sera pas trotskiste mais ouvert aux différents apports du mouvement ouvrier et des luttes d’émancipation. Par exemple, pour le féminisme ou l’écologie. Il se battra pour une transformation révolutionnaire de la société.

Que pensez-vous du débat interne du PS ?

Ce débat est complètement à côté de la plaque et des préoccupations de la population. Les socialistes se sont en effet déjà mis d’accord sur l’essentiel. Dans leur déclaration de principes, ils se situent clairement dans l’économie de marché. Appelons un chat, un chat : quel que soit le candidat qui sera élu à la direction de leur parti, ils sont pour un système capitaliste. Ils ont le mérite de la clarté et de la cohérence par rapport à ce qu’ils avaient fait quand ils étaient au pouvoir ! Raison de plus pour assumer notre indépendance.

En attendant, certains dirigeants du PS vous accusent de faire le jeu de la droite. Voire d’être pour Sarkozy ce que Le Pen fut pour Mitterrand !

Qu’ils accusent ! Je trouve ça nase. Ils agitent le chiffon rouge pour faire peur et surtout ne pas se remettre en cause. Expliquer que le problème de la gauche aujourd’hui c’est le NPA est à la fois maladroit et faux politiquement. Le PS n’a pas eu besoin de nous pour se planter ! Mais je leur retourne le compliment : ceux qui font le jeu de la droite, ce sont ceux qui courent derrière elle, avant, pendant, et après les élections.

Le Parti socialiste a créé une cellule de veille sur vous. Ça vous fait sourire ?

Le PS ferait mieux de surveiller le programme du gouvernement, qui rentre progressivement en application, plutôt que de surveiller l’espace politique qui lui échappe à sa gauche !


Selon notre sondage OpinionWay Le Figaro, le leader de la LCR devance largement Delanoë ou Royal dans l’électorat de gauche.

Mauvaise nouvelle pour le Parti socialiste et tous les prétendants à la succession de François Hollande. Selon notre baromètre OpinionWay Le Figaro-LCI, Olivier Besancenot est perçu par 17 % des Français comme ayant été au cours du mois dernier « le meilleur opposant à Nicolas Sarkozy ». Le porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), qui gagne 13 points depuis notre baromètre du mois d’avril, prend ainsi le leadership de l’opposition, loin devant le maire de Paris, Bertrand Delanoë (13 %) et, surtout, devant l’ancienne candidate PS à la présidentielle, Ségolène Royal, à égalité avec François Hollande (9 %).

L’écart entre le leader trotskiste et les responsables socialistes se creuse encore plus nettement auprès des sympathisants de gauche : 26 % répondent Besancenot, contre 19 % Delanoë, 11 % Hollande et 10 % Royal.

Toujours parmi les personnalités socialistes, seuls 2 % des Français citent le nom de la maire de Lille, Martine Aubry (4 % parmi les sympathisants de gauche), malgré son retour sur le devant de la scène médiatique le mois dernier. Le député maire d’Évry, Manuel Valls, peine également à tirer son épingle du jeu et est donné par 4 % des interrogés, mais par seulement 1 % des sympathisants de gauche.

Proche de la rue

Ce n’est pas la première fois que le très médiatique Olivier Besancenot s’impose en tête des personnalités exprimant le mieux l’opposition à Nicolas Sarkozy. Ce fut déjà le cas en novembre 2007.

Faut-il y voir un effet « Vivement dimanche », l’émission de Michel Drucker, dont il fut l’invité tout un après-midi début mai sur France 2 ? Sans doute, mais pas uniquement. Le leader d’extrême gauche profite aussi du vide laissé par un PS, qui, aux yeux de nombreux Français, semble plus intéressé par l’organisation de son congrès, en novembre prochain, que par les revendications de la rue. Cette semaine encore, Besancenot était de toutes les manifestations. Aux côtés des syndicats à Paris, mardi, ou encore la veille auprès des salariés de l’entreprise Philips EGP à Dreux, en présence de sa rivale trotskiste Arlette Laguiller qui en dit désormais le plus grand bien. Le soir après les manifestations, François Hollande était quant à lui l’invité sur M6 de l’émission... « 100 % Euro », pour commenter les résultats de l’équipe de France de football face à l’Italie !

Par rapport aux socialistes, la force de Besancenot est de s’adresser aux gens pour leur parler de leurs problèmes. Pas des siens ou de ses propres ambitions. « Contrairement aux responsables socialistes, ce n’est pas l’échéance de 2012 qui me préoccupe, mais la situation des gens », ne cesse-t-il de répéter.

Convertir son capital sympathie

Mais cette posture a aussi son revers. Le vrai problème de Besancenot est de trouver comment convertir sa popularité dans les urnes. Car, quand bien même son Nouveau parti anticapitaliste (NPA) a des chances de capter une frange de l’électorat gauchiste du PS et de profiter de la quasi-disparition du PCF (Marie-George Buffet n’est citée que par 1 % des sondés), la France n’est pas l’Allemagne. Et le NPA, tant que le mode de scrutin pour les législatives ne sera pas modifié, ne pourra jamais décrocher autant de sièges que Die Linke. Ce qui n’en demeure pas moins une épine dans le pied du PS, comme Le Pen le fut pour le RPR dans les années 1980 et 1990.


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