Olivier Besancenot : "Avec la crise, un chapitre des possibles est en train de s’ouvrir" (Interview Le Monde)

dimanche 19 octobre 2008.
 

Qu’est-ce que la crise révèle de nouveau ?

Elle a vu s’effondrer une illusion : celle qui présentait le capitalisme comme l’horizon indépassable de l’humanité. Depuis dix jours, on parle de crise systémique c’est-à-dire qu’on avoue que le système a failli s’effondrer de lui-même. Je ne suis pas particulièrement réjoui de voir nos pronostics confirmés parce que c’est rarement les capitalistes qui payent la facture de telles crises, c’est en général le peuple. Mais aujourd’hui tout le monde s’accorde pour reconnaître l’importance et la profondeur de cette crise internationale, dont la LCR parle depuis la crise des subprimes à l’été 2007. Ce n’est pas l’énième soubresaut boursier mais une secousse qui, pour la première fois depuis le début des années 1980, touche non pas la périphérie mais le coeur de la bête : les Etats-Unis et le système bancaire. Le système finit par se noyer dans son propre sang.

Cette crise ne remet-elle pas en cause vos analyses d’inéluctabilité de la chute du capitalisme ? Il semble résister encore...

Une partie du mouvement ouvrier a été bercée par cette prophétie qui voulait que la roue dentée du progrès avance d’elle-même. Moi, je n’y ai jamais cru. J’appartiens à une génération qui s’est rendue compte que le capitalisme était capable de se purger lui-même au prix de crises, de catastrophes sociales et écologiques ou de guerres. Il a cherché à se débarrasser de toutes ses entraves en revenant à un marché sans limites. On a abouti à un système de capitalisme pur, un peu comme celui que Marx avait sous les yeux voici 150 ans. L’anachronisme aujourd’hui, c’est celui que célèbre Sarkozy à travers le capitalisme entrepreneurial alors que les quelques grands groupes qui font la loi combinent activités financières et industrielles.

Que pensez-vous du choix des gouvernements européens d’investir massivement pour sauver le système bancaire ?

Je suis scandalisé qu’on dilapide les deniers publics dans les entreprises privées. On privatise La Poste et on renfloue Dexia. Les pouvoirs publics sont capables de trouver en deux heures des dizaines de milliards pour les coupables de la crise, alors que depuis des mois, sous prétexte que les caisses de l’Etat sont vides, ils refusent de verser un seul centime d’euro pour les victimes de la crise. Mais surtout, ce déblocage subit d’aides aux banques ne réglera rien : le plus gros des difficultés économiques reste devant nous, en France, en Europe et aux Etats-Unis. Le budget des Etats est complètement flingué, avec toujours plus de dépenses et toujours moins de recettes et des cadeaux fiscaux qui ne s’arrêtent pas. On peut être sûr qu’on va assister à une récession majeure.

Mais les solutions de rachat des banques, n’est-ce pas une sorte de nationalisation comme vous le préconisez ?

Cela n’a rien à voir avec ce qu’on propose car ce ne sont pas des nationalisations ! Dans le plan anticrise du gouvernement, il n’est même pas envisagé que l’Etat ait le droit de vote dans les banques qu’il rachète. C’est hallucinant. Plutôt que d’investir dans des banques qui sont en train de s’écrouler dans la guerre de l’économie de marché, nous proposons de réunifier toutes les banques, publiques comme privées, dans un seul service public bancaire, placé sous le contrôle des salariés, des consommateurs et des usagers. Il faut faire irruption dans l’économie privée pour satisfaire les besoins de la majorité de la population et ôter à une minorité d’individus le pouvoir qu’elle a sur l’économie.

Cette crise semble tomber à pic pour vous...

Elle peut servir de révélateur pour comprendre qu’il est temps, nécessaire et possible de changer de société. Dans cette crise majeure, on peut ressusciter l’espoir. Il existe un petit climat social, comme on le voit avec les salariés de Sandouville ou ceux de l’automobile. A tous ceux qui subissent la crise, c’est le signe qu’un chapitre des possibles est en train de s’ouvrir. D’où l’importance de renforcer une gauche clairement anticapitaliste qui construise une unité sociale des exploités pour stopper les mesures en cours dans la fonction publique, le blocage des salaires, la remise en cause du repos dominical, les retraites... sans attendre 2012. Je propose une rencontre unitaire de toute la gauche sociale et politique pour soutenir toutes les initiatives de résistance.

Par Sylvia Zappi, LE MONDE


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