Luc Ferry et la pensée 68 : intox puériles

vendredi 29 avril 2022.
 

Luc Ferry assume deux fonctions au service du monde complémentaire des riches et des réacs :

- ministre de l’Education dans les deux gouvernements Raffarin

- insulteur en chef des anciens acteurs de 1968

En 1985, il a publié (avec Alain Renaut) un ouvrage censé relever de la philosophie politique : La Pensée 68. Il suffit de parcourir quelques pages pour comprendre qu’il s’agit plus d’un règlement de compte satirique que d’une réflexion approfondie.

1) 1968 : évènement précurseur de la mondialisation libérale ?

En 2018, dans une tribune au Figaro, Luc Ferry affirme que« sa thèse n’a pas changé depuis 1985 » : « Il fallait, écrivions-nous, que les valeurs traditionnelles fussent liquidées pour que le capitalisme mondialisé pût s’épanouir... En d’autres termes, sous les pavés, il n’y avait pas la plage mais les exigences de l’économie libérale. »

La dimension internationale des années 1968 est évidente, de Hué à San Francisco, de Londres à Berlin, de Prague à Milan, du Mexique au Sénégal, de Barcelone à Tokyo et Varsovie.

Si ces mouvements avaient été précurseurs, même inconscients, des « exigences de l’économie libérale » :

- > pourquoi les USA auraient-ils soutenu dans de nombreux pays des massacres, coups d’état, dictatures militaires et régimes fascistes pour nous liquider ? En fait, à ce moment-là l’économie libérale a eu besoin de maintenir un taux de profit contradictoire avec les revendications sociales et démocratiques des peuples, contradictoire avec les aspirations anti-impérialistes et émancipatrices que nous portions.

- > Pourquoi la droite libérale de tous les pays a-t-elle utilisé l’extrême droite contre nous ? Pourquoi nous avoir fréquemment fait tabasser par les forces de l’ordre, même lorsqu’il ne pouvait rien nous être reproché pénalement ? simplement parce que les élites libérales nous ont ressenties comme des ennemis à abattre.

2) Notre combat politique ne peut être utilisé par l’économie libérale

Parmi les principales "valeurs" de 68, est-ce que le libéralisme (de l’époque du capitalisme mondialisé) revendique et met en pratique :

- notre dénonciation de l’oppression néo-coloniale, héritière du colonialisme, des peuples d’Afrique, d’Amérique latine et d’ailleurs. Bien sûr que non !

- notre dénonciation du capitalisme actionnarial symbolisé par l’incendie de la Bourse le 24 mai 1968. Bien sûr que non !

- notre dénonciation du non-respect de la dignité des salariés par le "despotisme d’usine". Bien sûr que non !

- notre dénonciation de la logique d’accaparement destruction de la nature par le capitalisme, suite aux textes du club de Rome (avril 1968). Bien sûr que non !

- notre dénonciation de la sélection sociale organisée par le système capitaliste pour limiter l’accès des enfants de milieux populaires aux fonctions d’encadrement. Bien sûr que non !

Sur le fond, considérer que notre internationalisme des années 1968 ait pu se muer en cosmopolitisme des élites capitalistes mondialisés relève du pire ridicule.

3) A propos des "valeurs traditionnelles" combattues par la génération de 68

Oui, nous avons réussi à balayer un certain nombre de "valeurs traditionnelles" et les lois qui en découlaient, par exemple en ce qui concerne la place des femmes dans la société.

Luc Ferry veut-il en revenir aux années 1960 (et avant) où une femme mariée ne pouvait avoir de carnet de chèque et n’était pas l’égale de son mari, par exemple dans l’éducation des enfants ? Veut-il en revenir à l’interdiction de la contraception et de l’avortement ?

Luc Ferry souhaite-t-il le retour aux "valeurs traditionnelles" :

- quant à l’infériorité inhérente à la femme théorisée par le philosophe Louis de Bonald dont je me rappelle encore l’audience à l’occasion du centenaire de sa mort

- quant au rôle irremplaçable du "chef" dans la conduite des sociétés

- quant à la force comme fondement du droit

- quant à la solidarité nationaliste militariste comme "valeur essentielle"

- quant au choix du mari par les parents ?

4) Luc Ferry, gaulliste virginal

Aussi incroyable que cela paraisse, Luc Ferry se drape dans le drapeau du gaullisme pour se moquer des anciens acteurs de mai 1968. De quel droit nous prend-il de haut ?

Non, le drapeau du gaullisme des années 1960 n’est pas vierge.

Prenons le cas du service d’ordre des gaullistes de l’époque : le SAC (Service d’Action Civique). Ses membres ont été impliqués dans des affaires qui ne collent pas avec la vision virginale de Luc Ferry :

- faut-il rappeler les hauts faits de CHRISTIAN David, responsable du SAC et trafiquant de drogue, meurtrier du commissaire Galibert ?

- faut-il rappeler la tentative d’assassinat en juin 68 d’un cheminot et un chauffeur de taxi blessés par balles devant les locaux de la S.N.C.F., à Clichy-Levallois par deux truands montés de Corse à la demande de Charles Pasqua, alors vice-président du S.A.C. ?

- faut-il rappeler, toujours en juin 1968, l’assassinat de Marc Lanvin, tué par balles près d’Arras par un groupe d’hommes du S.A.C ?

- faut-il rappeler qu’en Janvier 1970, une bande de gangsters dangereux est arrêtée... surprise, ils ont la carte du SAC ?

- faut-il rappeler que plusieurs affaires de trafic de drogue ont concerné des membres du SAC ?

- faut-il rappeler que d’anciens membres de la « carlingue », la sinistre Gestapo française de la rue Lauriston (dont Georges Boucheseiche, dit le « gros Jo ») portaient beau au sein du SAC ? "Qu’importe s’ils sont proxénètes, tueurs, « braqueurs » de banques" (Le Nouvel Obs)

- faut-il rappeler le nom de Charles Lascorz, délégué général du SAC pour le Sud-Ouest mais aussi gérant ou patron d’hôtels de passes

Pour plus de précisions, lire https://www.nouvelobs.com/opinions/...

- faut-il reparler de l’assassinat du dirigeant marocain de la tricontinentale Mehdi ben Barka, de l’assassinat de Sylvanus Olympio (président élu du Togo), de l’assassinat de Lumumba ...?


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