Quel bilan politique des journées de débats et de confrontations de Notre Dame des Landes ?

lundi 24 août 2009.
 

Quand on oublie le social en chemin

Un coup d’humeur pour commencer. Lors d’un débat, un participant se lève. Il a une solution miracle. Il suffit de vivre dans une cabane en autarcie et c’est le bonheur. Je regrette qu’il y ait toujours un mec comme ça pour réduire la décroissance à sa caricature. Un autre s’interroge : de toutes façons, l’industrie automobile est en train de se péter la gueule, il n’y aura bientôt plus de pétrole, donc finalement on n’a qu’à patienter, laisser faire les choses et la fin de la bagnole va se faire toute seule. Je me pince. On leur dit quoi, aux ouvriers qui se retrouvent sur le carreau, en attendant ? Que de toute manière ils vont finir par crever comme tout le monde et qu’ils n’ont qu’à attendre, tout ça sera bientôt fini ? J’ai bien envie d’en envoyer quelques-uns en stage à la sortie des usines à la rentrée.

La crise, la pub et les yachts : l’équation infernale

Le sentiment d’injustice sociale va finir par exploser. La crise économique taille dans les porte-monnaie, les magasins regorgent de saletés qui brillent et clignotent, la pub nous bourre le mou en nous assurant qu’on en a absolument besoin, et les riches continuent à faire les fous sur leurs yachts en se moquant éperdument du reste. De moins en moins de moyens, de plus en plus d’envies. Avec une équation pareille, comment est-ce que ça pourrait bien se passer ? Les organisations syndicales semblent dépassées par les événements, les ouvriers ne défendent plus leur emploi mais leur prime de licenciement, le désespoir oscille entre résignation et colère. Alors elle est où l’alternative ? Elle est où, la porte de sortie ?

C’est par où la sortie ?

Yannick Jadot, tout frais Député européen d’Europe Ecologie, est venu exprès pour le « grand débat politique » du vendredi. Il se fait tailler un short par la salle sur la reconversion industrielle. Après une intervention punchy d’Aurélien Bernier, du M’Pep, j’en rajoute une couche en empruntant la formule de Martine Billard : si c’est pour passer de la production de voitures à celle d’éoliennes en gardant les mêmes conditions de travail, c’est non ! Profitons-en au contraire pour rompre avec tout ça. On a une fenêtre de tir avec la prise de conscience écolo, avant qu’elle ne soit complètement récupérée par les environnementalistes et les tenants du capitalisme vert. Si on fait l’effort de prendre l’écologie non pas comme un boulet contraignant, mais comme un outil d’émancipation, de déconditionnement, on a là une belle opportunité pour dépasser le capitalisme, relocaliser et socialiser la production, rompre avec le productivisme, la marchandisation, la compétition... Trouver la sortie. Et trouver l’entrée d’un autre monde.

Une clé : la planification écologique

Malgré une introduction perturbée par la ronde des hélicos qui prennent visiblement un malin plaisir à tourner au-dessus de notre chapiteau, notre atelier sur la planification écologique nous a permis de clarifier les choses, avec le renfort appréciable des participants du NPA qui ont largement soutenu l’idée. Parce que réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi sortir du nucléaire et anticiper la fin du tout pétrôle, tout ça ne se fera pas du jour au lendemain. On a besoin de planifier des étapes, avec des objectifs et des bilans intermédiaires pour éventuellement réorienter les choses. C’est ça, ce qu’on appelle la planification écologique. Du rôle de l’État et des services publics

Non, nous ne voulons pas revenir au centralisme étatique pratiqué en URSS.

Oui, nous revendiquons l’importance du rôle de l’État et des services publics.

Ils sont certes à réinventer, notamment par une profonde réforme institutionnelle, le passage à la 6e république et une véritable implication populaire. Mais ils restent indispensables pour planifier la rupture, construire un cadre de société émancipateur et garantir l’égalité d’accès aux droits fondamentaux pour tous, partout sur le territoire. Cette vision républicaine est probablement ce qui nous distingue de la plupart des écolos radicaux, comme l’a très justement relevé Philippe Cohen dans son article à propos du pôle public de l’énergie. Nombreux sont ceux ici qui se retrouvent finalement dans une vision assez libérale des choses. Celle qui consiste à tout miser sur les individus en pensant que les comportements individuels permettront de construire une société humaine et juste. Je crois moi que c’est en construisant un cadre de société qu’on permettra aux individus de s’émanciper. Et que c’est bien à l’État, sur des bases démocratiques revisitées, de fournir à tous les moyens de cette émancipation.

Fournir un débouché institutionnel

Nous avons eu de nombreux débats, parfois assez animés, sur la place des partis politiques dans les luttes. Un atelier y a été spécifiquement consacré, proposé par le PG et finalement co-organisé avec toutes les orgas présentes : NPA, Alternatifs, OC, après un joli petit dej unitaire... Je me retrouve assez bien dans le triptyque proposé par Paul Ariès, combinant les trois modes d’action : individuel / collectif / politique. On a bien besoin des trois, n’en déplaise à ceux qui toute la semaine nous ont expliqué que les partis et les élus ne servaient à rien. Parce que sinon, comment on fait pour changer les lois et en proposer de nouvelles ? Pour réviser la constitution ? Pour plafonner les rémunérations et limiter les écarts de salaires ? Pour financer les rachats d’entreprise par les salariés sous forme de coopérative ? Pour conditionner les aides publiques au respect d’un cahier des charges environnemental ? Pour réorienter les aides de la PAC vers la filière bio ? Pour limiter la publicité et peser sur les lobbies industriels ? Parce qu’au passage, nous dire de couper le robinet quand on se brosse les dents, quand dans le même temps on continue à développer des industries qui nécessitent des megalitres d’eau pour fabriquer de l’agrocarburant ou des écrans plats, ça s’appelle du foutage de gueule !

Donner les moyens du changement

Prenons la taxe carbone proposée par Rocard. Quelle hypocrisie ! On taxe les gens sur une consommation « contrainte » : quel autre choix ont les ruraux que de se chauffer au fuel quand ils n’ont pas les moyens d’investir dans d’autres équipements, ou de prendre leur voiture pour se déplacer, dans des zones où les transports en commun manquent bien trop souvent ? Et si on prenait les choses dans l’autre sens, en commençant par donner à tous les moyens de vivre mieux, pour soi, avec les autres, et dans le respect des eco-systèmes ?

Parce qu’aujourd’hui les gens qui prennent leur voiture ne le font pas juste pour le plaisir de polluer. Eh non. Alors on peut toujours pointer du doigt et donner mauvaise conscience, mais ça risque de durer longtemps. Parce que dans leur grande majorité, si les gens prennent leur voiture, c’est qu’ils en ont besoin pour aller bosser et faire leurs courses au supermarché. Parce qu’on leur a pollué l’esprit avec la consommation, la pub et les effets de mode. Parce que le gouvernement Sarkozy, avec sa loi dite « de modernisation économique », relance l’installation des grandes surfaces en périphérie des villes. Qu’avec sa vision petite bourgeoise d’une France de « tous propriétaires », il favorise l’étalement urbain pavillonnaire. Et qu’avec sa brillante idée du travail du dimanche, il va encore renforcer les déplacements en voiture et les dépenses énergétiques des grandes surfaces. Vive le progrès.

Tous ensemble, tous ensemble !

Alors oui, il y a des prises de conscience individuelles à déclencher. Des alternatives concrètes à expérimenter. Mais on a aussi besoin du débouché institutionnel, politique, pour imposer un cadre législatif et lancer un vaste plan de développement des transports collectifs, revoir nos choix de politique énergétique, repenser l’aménagement du territoire et permettre que les modalités de mise en œuvre soient décidées avec l’implication de tous.

Alors, qu’est-ce qu’on attend ? On y va ?


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