Xavier Mathieu est l’homme qui se trouve au centre de la polémique entre Jean-Luc Mélenchon et David Pujadas. Interrogé lundi par leJDD.fr, le syndicaliste CGT de l’usine Continental de Clairoix (Oise) exprime sa reconnaissance envers le président du Parti de gauche. "Quand David Pujadas m’interroge, je ne suis pas sûr qu’il ait conscience du fossé qu’il y a entre lui et nous", explique-t-il, refusant, toutefois, de placer tous les journalistes dans le même sac.
Xavier Mathieu prend fait et cause pour Jean-Luc Mélenchon dans ses attaques contre David Pujadas.
Dans sa croisade contre les journalistes, Jean-Luc Mélenchon a fait une nouvelle victime : David Pujadas. En cause, une interview par le journaliste de France 2 du syndicaliste Xavier Mathieu, responsable CGT de l’usine Continental de Clairoix. Des questions jugées à charge par le président du Parti de gauche. Dans une confession faite à Pierre Carles, pour le documentaire Fin de concession - qui a déjà fait parler de lui - Jean-Luc Mélenchon traite le présentateur du 20 Heures de "salaud", de "laquais" à la solde des puissants. Entre les deux hommes, le torchon ne cesse de brûler. Xavier Mathieu, lui, prend fait et cause pour l’ancien socialiste.
Interview.
Comment réagissez-vous à la polémique entre Jean-Luc Mélenchon et David Pujadas au centre de laquelle vous vous trouvez ?
J’ai été très touché par la réaction de (Jean-Luc) Mélenchon dans le sens où, sans avoir eu de contact avec lui, il a parfaitement résumé la pensée qui était le mienne au moment de cette interview. J’ai eu l’impression, de la part de David Pujadas, qu’il me prenait pour un voyou. Que je devais avouer à la France entière que j’avais fait quelque chose de mal et que je devais m’excuser. Sur le coup, j’ai tenté de me montrer catégorique, de répondre avec mes mots, mais c’est vrai que Mélenchon a, lui, su exactement exprimer ce que je pensais à ce moment-là. Je lui ai d’ailleurs envoyé un texto pour lui dire que j’ai énormément apprécié qu’il ait ressenti la même chose que moi. Mais le plus important, c’est qu’à l’époque de cette interview, beaucoup de gens autour de moi ont partagé cet état d’esprit. J’en ai entendu plusieurs qui m’ont dit : "Quel salaud ce Pujadas !" D’ailleurs, pendant plusieurs mois, je ne suis plus passé au JT de France 2...
Vous en voulez à David Pujadas ?
Disons que ce jour-là, j’aurais aimé qu’il interroge aussi les dirigeants de Continental en leur posant les mêmes questions, du style : "Est-ce que vous n’êtes pas allés trop loin en trahissant vos salariés ? Est-ce que vous ne regrettez pas de leur avoir menti après leur avoir promis la pérennité du site en contrepartie du retour aux 40 heures ?" J’aurais aimé entendre ces questions-là. Quand David Pujadas m’interroge, je ne suis pas sûr qu’il ait conscience du fossé qu’il y a entre lui et nous. Je ne sais même pas s’il a déjà mis un pied dans une usine.
Journalistes, tous des "laquais" ?
Non, pas du tout. Tout au long de ce conflit social, j’ai eu d’excellents rapports avec les journalistes de terrain qui venaient souvent nous voir. Le seul problème qu’on a eu, c’est avec TF1, qui avait refusé de flouter les visages des ouvriers qui ont saccagé la sous-préfecture.
Malheureusement, des "laquais", des gens qui sont prêts à vendre la peau des autres pour leur propre intérêt, il y en a partout, y compris chez les journalistes. David Pujadas, ce n’est pas un journaliste, c’est une star du journalisme. C’est quelqu’un qui a avant tout une image à vendre, la sienne. Il est dans cette catégorie de journalistes "ultrastarisés" qui n’ont pour seul challenge que de poser "la bonne question". Les réponses aux questions, ils n’en ont rien à faire !
A votre niveau, la longue médiatisation du conflit social chez Continental a-t-elle modifié votre comportement ?
Non, à titre personnel, pas du tout. Mais malheureusement, on est dans une société où tout doit être uniforme et quand quelqu’un intervient d’une manière différente, parfois grossière je le reconnais, on fait tout pour lui "casser la gueule". Mais il faut savoir ce qu’on veut ! Si on veut autre chose qu’une télévision au discours aseptisé, avec des gens qui disent tous la même chose, il faut respecter la nature des gens. C’est d’ailleurs le cas de Jean-Luc Mélenchon. Pourquoi est-ce qu’il plait ? Parce qu’il tient le discours de l’homme de la rue.
On lui reproche toutefois de taper systématiquement sur les journalistes tout en s’assurant sa propre médiatisation...
Mais c’est pour tout le monde pareil ! Dans notre conflit, il y avait un contrat moral avec les journalistes : je me servais d’eux, ils se servaient de moi en quelque sorte. Tout le monde y trouvait son intérêt, même si je ne leur ai jamais dit, évidemment, ce qu’il fallait dire ou écrire. Et, à part quelques exceptions, ça s’est toujours super bien passé.
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