Violences dans les manifestations et méthodes policières : il faut une Commission d’enquête parlementaire !

mercredi 3 novembre 2010.
 

Choisis ton camp camarade. Et bienvenue dans la nouvelle polémique entre le Parti de Gauche et le pouvoir UMP ! J’invite le lecteur à ne pas hausser les épaules. Cette bagarre est un reflet à peine déformé du bras de fer social actuellement en cours. Chaque semaine y apporte sa nouvelle manche. Ils ne nous laissent aucun répit. Depuis que notre peuple se mobilise pour la défense de la retraite à 60 ans, chacun des propos de Jean Luc Mélenchon semble déclencher hebdomadairement un feu d’artifice de réactions pseudo outragées des amis de Nicolas Sarkozy… Pauvres oreilles sensibles de nos gouvernants, qui s’offusquent selon des règles à géométrie variable. Depuis 48 heures, c’est reparti pour un tour. Scandale à la Place Beauvau ! Les dernières déclarations de Jean-Luc, lors de l’émission « Dimanche soir politique » retransmise sur I-TV et France Inter (qu’il précise sur son blog ) , concernant les « méthodes » observées de certains policiers, auraient choqué M. Brice Hortefeux. Selon lui, les propos de JLM sont « inadmissibles », ce sont « des rumeurs indignes qui circulent sur le net et qui visent à salir l’honneur de la police… »

Bigre ! « L’honneur de la police » est évoqué ! Sottement peut-être, ces quatre mots me font sursauter, et mettent ma mémoire en éveil. Certes, ce fut le nom d’un courageux réseau de résistance intérieure, durant la seconde guerre mondiale, dans la Police française. Mais, ce fut aussi le nom d’un groupe d’extrême droite qui, dans les années 70 et 80, a menacé nombres de personnalités de gauche, généralement lors de mouvements sociaux. Ainsi, M. Maurice Lourdez, ancien responsable du service d’ordre de la CGT, eut sa voiture plastiqué et entièrement détruite en mai 1979, en pleine période d’affrontement avec les forces de l’ordre lors des grèves de sidérurgistes, par une organisation se réclamant de cette appelation. Les "casseurs" cagoulés et masqués, brisant des vitrines et brulant des voitures faisaient déjà l’actualité (ici, la couverture de Paris-Match du 6 mars 1979). Précisement, au cours d’une de ces manifestations, le SO de la CGT avait flanqué le 23 mars 1979, une belle rouste à un provocateur, qui après vérification... était un policier (portant carte de Police et arme de service sur lui) du nom de Gérard Le Xuan ! Selon une lettre anonyme, c’est en représaille à cette "branlée" infligée à un policier que cet attentat fut commis contre Maurice Lourdez et par conséquence, la CGT. Mais, les temps ont changé, et c’est sans doute une coïncidence malheureuse. Je m’égare. Je reviens donc à mon sujet.

Ce serait donc « déshonorer » la police que poser des questions et des constats, tels que l’a fait Jean-Luc Mélenchon. Rien que ça. Restez calme M. Hortefeux, sans quoi vous allez encore déraper dans vos propos. Personne n’accuse la police de désobéir à des ordres, de s’autonomiser par rapport au pouvoir politique. Personne au PG n’insulte la Police nationale. La question ici posée est de savoir à quelle logique répondent l’ensemble des actes de tous les fonctionnaires de police, et notamment ceux qui opèrent en civil « dissimulés » parmi les manifestants ? Quelles sont les consignes exactes, et données par qui, de ces policiers sans uniformes, parfois au look un peu inquiétant, capuche sur la tête (tiens, je croyais que Mme Michèle Alliot-Marie avait fait une loi qui exigeait que l’on soit tête nue durant les manifestations ?), parfois brassard orange « Police » au bras et parfois pas, qui ne semblent pas toujours jouer un rôle d’apaisement durant les manifestations ? Nous, nous pensons que « l’honneur de la police…républicaine », c’est d’arrêter de lui demander incessamment de faire des choses qui ne relèvent pas de ses missions. Par exemple, arrêter de demander à des fonctionnaires de police de passer inutilement des heures en faction devant un établissement scolaire, d’arrêter de bloquer toutes les issues d’une manifestation tel que cela s’est fait par exemple Place Belcourt à Lyon, d’arrêter de leur demander de s’affronter à des piquets de grève légaux, de ne pas (par exemple) leur demander de s’affronter brutalement à des salariés en grève... M. Brice Hortefeux, la police n’est pas là pour faire taire la colère sociale que vous avez provoquée ! Mais, pour garantir la sûreté des personnes. Et, ce n’est pas défendre « l’Honneur de la police » que de lui demander de jouer un autre rôle que sa mission première.

Alors, après avoir menacé et froncé les sourcils, M. Hortefeux, courageux mais pas téméraire, a finalement décidé aujourd’hui… de ne rien faire contre Jean-Luc Mélenchon. Pas fou, M. le Ministre de l’Intérieur. Il sait que le terrain est glissant pour lui. Pourtant, certains l’avaient même pressé de porter plainte contre Jean-Luc, de l’attaquer en diffamation. Mais, M. le Ministre a des conseillers qui savent lire, et j’invite chacun à faire de même. Après relecture minutieuse des propos de Jean-Luc, on s’aperçoit qu’ils n’ont rien de diffamant pour les policiers. J’oserai même dire que d’une certaine façon, il rend hommage à ces derniers et à leur discipline. Puis, ensuite, il pose des constats et des interrogations. Et, nous attendons toujours des réponses. D’où la demande d’une Commission d’enquête parlementaire, « relative aux méthodes de répression utilisées en réponse au mobilisation sociales », portée aujourd’hui par notre Porte parole, la députée de Paris Martine Billard, que nous avons déposée avec nos camarades du PCF à l’Assemblée nationale.

Importante, cette demande de Commission d’enquête. Il faut la prendre au sérieux. Ce n’est pas un gadget de circonstance. Qui d’autres que des parlementaires peuvent faire toute la lumière ? M. Hortefeux doit saisir la perche tendue. Il doit accepter notre demande. Sans quoi, cela devient incompréhensible. Il faut faire la lumière sur toutes les interrogations qui circulent . C’est désormais une exigence citoyenne. Elles ne sont pas nées d’un fantasme, de rumeurs, mais de photos et de vidéos assez éloquentes. D’autant que cela fait plusieurs manifestations que de telles questions se posent (Manifestation contre le sommet de l’OTAN à Strasbourg en avril 2009, fin de la manifestation du 1er mai 2009...). La presse s’en est souvent fait l’écho. Alors ?

Je précise que nous ne sommes pas naïfs. C’est bien une réalité qu’il existe des groupes violents et dangereux, n’ayant aucun rapport avec la police, dans les manifestations, souvent des jeunes, hélas. Aucun organisateur du mouvement actuel n’a intérêt à cette violence. Bien au contraire. Mais, nous voyons aussi, avec quelle gourmandise, le pouvoir actuel instrumentalise cette dernière, pour essayer d’émousser la force populaire de la contestation. Pour nous, c’est clair. Aucun adversaire politique de Nicolas Sarkozy ne peut souhaiter que les manifestations dégénèrent. Aujourd’hui, les "casseurs" sont objectivement les alliés du pouvoir en place. Qu’ils en soient concients, ou non. D’où l’enjeu du débat posé ici.

M. le Ministre : le Parti de Gauche veut la vérité, rien de plus. Pour notre part, nous n’avons rien à cacher, bien au contraire. Alors, M. le Ministre de l’intérieur, êtes-vous prêts à répondre : chiche ! Allez-vous accepter la demande des députés PG et PCF ? La balle est dans votre camp.

Car, dans ce genre d’affaire, nous avons accumulé une petite expérience. A 40 ans passé, je fais partie d’une génération militante qui a acquis une conscience politique à l’occasion des grandes manifestations lycéennes et étudiantes de novembre et décembre 1986. Dans mon « bahut » comme dans toute la France, nous nous étions mobilisés contre un Projet de loi, initié par M. Alain Devaquet Ministre de l’Enseignement supérieur du gouvernement de Jacques Chirac. Ce projet ambitionnait notamment d’augmenter les droits d’inscriptions des étudiants, de mettre en place une sélection à l’entrée de l’université et de promouvoir l’autonomie des Etablissements du supérieur. Nous avions répondu : Retrait du Projet Devaquet ! Ce fut un printemps en hiver. Une grande manifestation centrale à Paris le 6 décembre, avait rassemblé plus de 800 000 personnes. Mais, cette nuit là, les actes de violences furent nombreux et un jeune homme qui rentrait chez lui, et qui pour la petite histoire n’avait rien à voir avec cette mobilisation puisqu’il sortait d’une boite de jazz, sera rudement tabassé par des forces de l’ordre rue Monsieur Le Prince. Sous la violence des coups de matraques de deux policiers d’un « bataillon de voltigeur motorisé », ce jeune homme perdra la vie. Il avait 22 ans. Il s’appelait Malik Oussekine. Je ne l’ai pas oublié, et je ne suis pas le seul.

Après la mort de Malik, le Ministre délégué chargé de la sécurité, M. Robert Pandraud déclara dans Le Monde, tout en finesse et profitant des problèmes de santé du jeune matraqué à mort sans raison : « Si j’avais un fils sous dialyse je l’empêcherais de faire le con dans la nuit (…) Ce n’était pas le héros des étudiants qu’on a dit ».

Je rappelle cela, car nous avons l’expérience du passé. En 1986, M. Pandraud, pourtant Ministre concerné, n’a pas défendu cette fois là « l’honneur de la police ». Pour moi, ce fut l’inverse. Il en fut le déshonneur. Et, je connais encore beaucoup de policiers qui furent choqués par cette violence inutile contre la jeunesse et les propos déplacés de M. Pandraud. Certains faits tendant à se reproduire, même si pour l’heure fort heureusement il n’y a aucun blessé grave, autant l’avouer, nous sommes donc un peu méfiant sur ce qu’est "l’honneur" pour un Ministre de l’intérieur de droite.

Et, il faut dire, que des choses suscitant notre méfiance, il y en eu beaucoup d’autres en 1986. Je me souviens encore de cette photo de presse montrant des militants d’extrême droite du GUD, gourdins à la main, protégés par les forces de police, après des affontements avec des jeunes manifestants. Il y avait aussi des provocateurs, portant écharpes jaunes, qui jetaient des pavés, provoquaient l’affrontement, puis tranquillement, repassaient derrière les forces de l’ordre.

Après les évènements de novembre et décembre 1986, une Commission d’enquête parlementaire a travaillé pendant plusieurs mois pour faire la clarté sur tous les incidents qui s’étaient produits. J’ai gardé chez moi les trois tomes publiés rassemblant ces travaux. L’ensemble est volumineux. Pourquoi, ce qui fut possible cette année là, avec la même majorité, ne le serait plus aujourd’hui ? Depuis le mois de septembre 2010, plusieurs millions de manifestants ont battu le pavé, des centaines de lieux de travail sont occupés, 2254 personnes ont été interpellées (dont beaucoup de jeunes), 90 policiers ont été blessés et sans doute un nombre plus important de manifestants, des flashballs ont été utilisés dans des conditions non réglementaires (un lycéen a été grièvement blessé), etc… C’est évident, la mobilisation actuelle a une ampleur et des conséquences bien plus grande que le mouvement étudiant de 86.

Je reviens à 2010, ne perdons plus de temps, sans délais, cette commission d’enquête que nous proposons doit donc être acceptée par le pouvoir UMP et se mettre au travail. Comme après les évènements de décembre 1986, elle doit être demandée par tous les groupes parlementaires de gauche. Le PS doit se joindre à notre demande. Cette Commission doit visionner les vidéos troublantes et auditionner les nombreux témoins qui ont accumulés tous ces documents sur lesquels il faut faire la lumière. Elle doit entendre les représentants des syndicats de police, des partis politiques, des responsables syndicaux, des organisations de jeunesse, etc... Elle doit travailler dans la plus grande transparence et la plus grande sérénité. Qui n’a pas intérêt à son existence ?

Je conclue. Toutes ces menaces contre Jean-Luc Mélenchon ont pour but de lui faire peur. Il me semble y entendre comme un : Taisez-vous, sinon gare ! Manque de chance, Jean-Luc n’est pas du genre à se laisser perturber par ce type de pression. Le connaissant, cela le stimule plutôt pour tenir bon. D’autant qu’il n’est plus le seul depuis ce matin, puisque Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, a tenu des propos similaires dans Libération . Mais, méfiance…Quand un pays gronde et qu’un pouvoir est dos au mur, toutes les provocations sont à craindre. Que tous ceux qui veulent que la voix de Jean-Luc, et celle du PG, continue à se faire entendre, manifestent leur soutien.

Votre nombre est notre seule force.


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