Le sport est un droit

mercredi 18 avril 2012.
 

La question sportive occupe rarement les devants de la scène politique. Encore moins dans une campagne présidentielle se déroulant dans un contexte de crise. Pourtant le sport est à mettre au cœur d’une politique d’émancipation. Le sport est un outil pour mieux comprendre et préserver son corps, entretenir, vivre et partager des émotions, développer ses capacités d’analyse, d’observation, sa confiance en soi. Le sport est une école de la citoyenneté. Toutes les semaines, ce sont seize millions de français qui pratiquent une activité physique et sportive au sein d’une association.

Ni divertissement rentable, ni opium du peuple le sport peut être un élément fondamental de l’éducation populaire, de la culture et de la vie sociale. Il est un bien public. Le sport est un droit. Le réaliser pleinement nécessite d’intervenir sur l’organisation du travail pour conquérir le « temps libéré », que les puissants de ce monde n’ont jamais voulu céder sans combattre. Pour commencer, il faut tourner la page du sarkozysme sportif.

Cinq ministres en cinq ans de sarkozysme

A droite, on a toujours aimé les champions. L’esprit du compétiteur est souvent loué pour valider les thèses libérales. Se surpasser et écraser la concurrence, ne compter que sur soi-même. Avec Nicolas Sarkozy, le sport n’est intéressant que lorsqu’il brille comme une Formule 1 sortie tout juste du garage. L’élite ultra-professionnelle a ses honneurs, pourvu que ses représentants gagnent et explosent l’audimat. Le sportif amateur n’existe pas ou peu. Le supporter est un potentiel délinquant. On lui préfère les spectateurs, surtout quand ils sont accompagnés de leurs enfants et d’une Carte Bleue.

Roselyne Bachelot, Bernard Laporte, Rama Yade , Chantal Jouanno et David Douillet… en cinq ans ce ne sont pas moins de cinq ministres qui se sont succédés. Et les noms de cette liste ne laisseront pas de souvenirs impérissables. Tant par le sérieux de leur investissement que pour le bilan législatif qu’ils laissent derrière eux.

Sous l’impulsion de la Ministre des Sports de l’époque Marie-George Buffet, la loi-cadre votée en 2000 limitait l’influence de la finance sur le monde sportif. Avec application, Sarkozy et ses coéquipiers se sont démenés pour détricoter progressivement cette digue. Ainsi en mai 2010 était votée la loi « relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne », c’est-à-dire les paris sportifs en ligne, qui depuis polluent les espaces publicitaires sur le Net et la télévision. Aux mépris des risques de dépendance et de corruption. Le financement du sport par l’addiction aux jeux, telle est la philosophie du Président de la République.

Deux mois plus tôt, le Parlement adoptait la loi sur les agents sportifs. Officiellement pour encadrer une profession aux débordements reconnus. Mais le gouvernement ne pouvait s’empêcher d’introduire plusieurs amendements conduisant à l’affaiblissement de l’unité du mouvement sportif français, en renforçant l’autonomie des ligues professionnelles. Surtout, la loi sur les agents sportifs permet aux clubs d’échapper au paiement des cotisations sociales. Merveilleux libéralisme qui fait d’un agent sportif un courtier plaçant ses joueurs vedettes comme on échange des marchandises.

En avril 2011, c’est la loi “d’exception pour les stades de l’Euro 2016”, pour satisfaire les entreprises qui s’occuperont des travaux des stades de Paris, Lens et Nancy. Au mépris du Code des collectivités publiques et du Code du Sport, la loi autorise les collectivités de nourrir d’argent public des entreprises commerciales.

On pourrait penser qu’au bout de cinq ans, le gouvernement laisserait au moins une loi positive dans le domaine du sport. Hélas, la loi votée en début d’année 2012 sur les règles d’éthiques ne répond pas suffisamment aux impératifs de notre temps. Au lieu de mieux encadrer le rôle des agents, favoriser la formation et la reconversion des athlètes en fin de carrière, on multiplie une nouvelle fois des mesures en faveur de la libéralisation du sport. C’est à se demander si finalement, le seul et unique Ministre des Sports de Sarkozy ne s’appelle pas Jean-Michel Aulas, le célèbre président de l’Olympique Lyonnais, apôtre du “foot-business” à la française.

Les ruptures que propose le Front de Gauche

Reconnu jusque dans les colonnes du journal Le Monde, le programme du Front de Gauche sur le sport est le plus en pointe. N’en déplaise à Eva Joly qui déclarait dans la presse sa « peur » de finir Ministre des Sports si elle ne faisait que 3%, le Front de Gauche fera du sport un véritable ministère. Le premier acte du nouveau Ministre sera de faire voter une loi-cadre permettant de dégager des moyens financiers et juridiques pour réaffirmer le caractère de service public du sport. Cette première rupture doublera le budget de l’Etat consacré aux activités physiques et sportives pour progresser à 1%. Les entreprises d’équipement sportif largement bénéficiaires comme Décathlon ou Nike seront également mis à contribution par l’instauration d’une taxe, au titre d’une solidarité financière sportive.

Parce que l’école est le premier lieu d’apprentissage sportif, 2 000 professeurs d’EPS seront recrutés chaque année jusqu’à ce que les trois à cinq heures d’EPS obligatoires soient garanties pour tous les élèves du collège à l’université.

Avec le Front de Gauche, le sport ne se réduira pas à être un instrument des politiques de cohésion sociale ou de promotion de la santé. Sa démocratisation exige une politique nationale qui s’adresse à toute la population et à tous les niveaux de pratique. Cela implique de considérer la vie associative comme un pilier de l’organisation du sport en France. Elle doit être préservée de toutes les dérives et concurrences commerciales et soutenue au regard d’objectifs éducatifs et démocratiques par une intervention publique forte et une valorisation du bénévolat.

Le Ministre des Sports d’un gouvernement Front de Gauche lancera un grand débat dans toutes les structures qui organisent le sport : clubs, fédérations, comités olympiques et sportifs, services publics, entreprises… pour démocratiser leur fonctionnement, notamment en assurant la parité femmes-hommes. Les chaînes de télévision du service public auront pour mission d’assurer une plus grande diversité dans la retransmission d’événements sportifs. Enfin du football féminin à la télé !

Pour en finir avec la financiarisation du sport et promouvoir une éthique républicaine, le Front de Gauche propose également quelques mesures phares qui rompent avec la marchandisation du sport : abrogation de la loi sur l’ouverture des paris en ligne, la fin du "naming" (quand une marque donne son nom à une enceinte sportive, par exemple), l’interdiction de la cotation en Bourse des clubs professionnels. Enfin, tous les sportifs sélectionnés dans une équipe nationale devront être fiscalement domiciliés en France pour porter le maillot tricolore. Les mercenaires du ballon rond sont prévenus !

Paul Degruelle


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