Pendant que Désir maquille les votes, Hollande réécrit l’histoire

mardi 18 juin 2013.
 

La vie interne du PS regarde ses membres. Mais la déchéance de ce parti nous atteint tous, hélas. Car le PS concentre aujourd’hui la quasi-totalité des pouvoirs politiques : la présidence de la République, le gouvernement, une majorité absolue à l’Assemblée, relative au Sénat, la direction de 20 régions métropolitaines sur 22, de la majorité des départements et de nombreuses grandes villes. Sans oublier que d’anciens membres du PS président la Cour des Comptes ou le CSA.

La politique actuelle du gouvernement n’est pas socialiste, Hollande le dit lui-même. Comment la nommer ? Dans un livre de Jean-Luc Mélenchon, "En quête de gauche", paru dès 2007, nous proposions le mot démocrate. Au sens du parti démocrate nord-américain. C’est d’ailleurs dans ce sens qu’Hollande publia dès 1984 une tribune dans Le Monde dans lequel il donna pour la première et la dernière fois le fond de sa pensée politique. Elle s’appelait « pour être modernes soyons démocrates ».

Un parti démocrate se distingue d’un parti social-démocrate principalement parce qu’il évacue la question sociale. Les partis sociaux-démocrates se fixaient comme objectif l’établissement d’un rapport de forces propice à des conquêtes sociales, qu’ils se faisaient fort de négocier avec le capital. Les partis démocrates pensent que cette voie est devenue sans issue dans le cadre de la mondialisation. Ils se refusent pour autant à une stratégie de rupture ou d’affrontement avec la finance. Ils décident donc de mener la « guerre économique » mondiale et cantonnent leur progressisme aux questions sociétales (avant le plus souvent d’y renoncer pour épouser les discours sécuritaires qui accompagnent la liberté du capital). Lorsqu’ils assument honnêtement leur orientation, comme les Italiens qui baptisèrent ainsi leur parti, les partis démocrates se disent « à équidistance du capital et du travail », voire « au-dessus de la gauche et de la droite ». En France, les dirigeants solfériniens préfèrent parler de politiques « gagnant-gagnant », lesquelles par définition ne nécessitent aucun rapport de forces.

Ce changement d’orientation se lit dans les programmes, dans les stratégies d’alliance (fin des unions de gauche souvent remplacées par des alliances au « centre ») mais aussi dans la vie interne de ces partis. En Angleterre, Blair coupe le lien financier avec les syndicats. En Italie, l’éphémère parti social-démocrate fusionne avec d’anciens démocrate-chrétiens après avoir inventé les primaires. Et en France ? Il y eut également les primaires qui renforcèrent une logique présidentielle cassant le traditionnel « poids des courants ». Mais la transformation du PS n’est pas terminée et ces derniers jours nous en ont donné deux preuves.

Ainsi les militants du PS étaient appelés aux urnes jeudi dernier dans le cadre d’une convention sur le projet européen de ce parti. Il y a de longue date plusieurs sensibilités au sein du PS sur ce sujet. Malgré cela, la direction solférinienne décida d’interdire le dépôt d’un texte alternatif rédigé par l’aile gauche. Elle la contraignit d’abord à déposer uniquement des amendements, lui interdisant de ce fait l’affirmation d’une cohérence alternative. La gauche du PS accepta et déposa 4 amendements qui furent à leur tour acceptés par les solfériniens. Ensuite la direction décida que les militants auraient à voter en préalable le texte solférinien pour avoir le droit de voter les amendements. Pour adopter les amendements « de gauche », chacun devait d’abord se soumettre au texte « de droite ». Mais les solfériniens ne s’arrêtèrent pas en si bon chemin. A l’issue des votes, la direction ne compara pas le nombre de voix exprimées en faveur des amendements à celles qui s’étaient portées contre, comme cela se fait dans toute démocratie. Elle ajouta aux contre les milliers d’abstentions sur les amendements mais aussi les voix qui s’étaient exprimées contre son propre texte. Elle put ainsi conclure à un rejet franc et massif des propositions de l’aile gauche.

Déjà dans le passé, Lionel Jospin, alors premier secrétaire, avait imposé qu’un amendement ne soit adopté qu’avec une majorité absolue de pour. Je m’en souviens bien puisque c’est en réponse à un amendement majoritaire de la Gauche Socialiste à laquelle j’appartenais alors qu’il avait inventé cette règle. Notre courant faisait seulement 6 %. Nous n’avions que deux parlementaires et tout le reste du PS était contre nous. Nous n’avions donc pas pu l’empêcher. Mais Jospin avait malgré tout tenu compte du vote. Le PS avait fixé des conditions à l’adoption de l’euro, dont il fera peu de cas une fois au pouvoir, ce qui n’est pas pour rien dans le désastre que nous vivons en Europe. A cette époque le premier secrétaire du PS essayait de rester majoritaire. Il était déjà prêt à changer les règles du jeu ou à s’appuyer sur des fédérations fraudant à grande échelle pour y parvenir. Mais il s’attachait aussi à fabriquer une synthèse tenant compte des positions exprimées par son aile gauche. Car il ne voulait pas perdre le lien avec la sensibilité socialiste du pays. Désormais, Désir, qui dans cette affaire comme dans toutes les autres n’est qu’un exécutant de l’Elysée, cherche au contraire à effacer son aile gauche, à en nier l’existence. C’est pourquoi il ne lui suffit pas d’être majoritaire. Il veut la réduire le plus possible. C’est ce qui le conduit à des extrémités antidémocratiques ahurissantes. Faisant pire que Jospin, il estime que toutes les voix contre son propre texte contribuent au rejet des amendements de ses opposants !

Le discours prononcé par Hollande lors de l’hommage national rendu à Pierre Mauroy a été une autre illustration du besoin qu’ont les démocrates d’effacer ce qui reste des traditions politiques de gauche issues de l’ancien PS. Je me trouvais dans la Cour d’honneur des Invalides pour représenter le Parti de Gauche. La vie politique de Mauroy a été très longue. Si l’on faisait une comptabilité en nombre d’années, nos moments de désaccords avec lui l’emporteraient très nettement. Mais parce qu’il a été une figure centrale de l’après 81, l’histoire de Mauroy contient aussi quelques belles pages de la gauche des ruptures dans laquelle nous nous reconnaissons. J’avais donc mis au premier plan de mon esprit le premier ministre des nationalisations et de la retraite à 60 ans et c’est ce Mauroy-là que je venais saluer au nom de mes camarades. Hollande bien sûr avait lui à l’esprit des choses plus en harmonie avec les privatisations ou l’allongement de la durée de cotisation qu’il se prépare à faire. Mais dans un hommage de cette nature, l’orateur cherche à exprimer tout ce que peut représenter le défunt afin de toucher le plus grand nombre. Je m’attendais donc à voir évoquées les différentes facettes de la vie de Mauroy. Eh bien non. Vous pouvez lire le discours de Hollande. Le mot nationalisation n’est pas prononcé. Hollande nie même que Mauroy ait accordé le droit à la retraite à 60 ans pour tous : « il accorda le droit de partir à la retraite à 60 ans à ceux qui n’avaient plus le temps d’attendre, tant la vie les avait usés . » Il faut le faire ! L’homme qu’il salue, c’est celui de 1983, pas de 1981.

Hollande présente Mauroy comme l’incarnation du réformisme. Oui mais dans quel sens ? C’est là que l’on voit la différence entre un démocrate et un social-démocrate. Les réformes que Hollande cite à l’appui de son propos ne sont pas les conquêtes sociales de la gauche. Mauroy le réformiste doit être admiré pour son « sérieux budgétaire », le blocage des salaires ou encore la fermeture du dernier puits de mine dans le Nord-Pas-de-Calais. Quel retournement des mots ! Le réformisme version Hollande n’a rien à voir avec le réformisme social-démocrate qui accumule patiemment les avancées sociales et démocratiques même s’il ne cherche pas révolutionner l’ordre économique. Ce réformisme est compatible avec celui dont se réclamait déjà Sarkozy ! Mauroy était pourtant une figure profondément sociale-démocrate, contemporaine des dernières grandes conquêtes sociales de ce courant puis prisonnière de l’échec de cette stratégie face à un capitalisme financier transnational qui n’a plus aucun intérêt à négocier avec les représentants des travailleurs. Dans son discours Hollande en fait un dirigeant démocrate.

Pendant que Désir maquille les votes, lui réécrit l’histoire.
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