Macron en a marre des pauvres

vendredi 6 octobre 2023.
 

« Y’en a marre, marre des pauvres,

Les pauvres y font aucun effort pour devenir riches. »

Un chanteur Super

Dimanche 24 septembre, nous étions (presque) tous en éveil devant nos téléviseurs ! Pendant (presque) toute la journée, en boucle, les médias faisaient la publicité de l’interview d’Emmanuel Macron prévue pour le soir même. On allait voir ce que l’on allait voir ! Après une semaine chargée avec le bon repas entre monarques sous les ors de Versailles et la visite du Pape François en France, le chef de l’Etat allait faire le point et surtout, disait-on, faire « une annonce importante pour le pouvoir d’achat des Français ». De quoi vous tenir en haleine jusqu’à l’heure fatidique : 20h00.

La déferlante inflationniste

Entre août 2021 et août 2023, les prix à la consommation ont globalement grimpé de 10,5% en France. En août, l’inflation accélère de nouveau à 4,9% sur un an. Alimentation :+11,2% (c’est +20% sur deux ans). Energie : +6,8% (c’est +31% sur 2 ans). Electricité : +18% sur un an. Gaz : +7,6% sur un an. Essence : +7% (c’est +25% sur deux ans). Loyers, eau et enlèvements des ordures ménagères : +3% sur un an. Transports : +4,8% sur un an. Réparations automobiles : +8,42% sur un an. Assurances : +4,2% sur un an.

De tels chiffres donnent le tournis. Les salaires ne suivant pas l’inflation, les salaires réels dans le secteur privé ont reculé, notamment de 2,9% au seul deuxième trimestre 2022. C’est pire encore dans le secteur public après un gel du point d’indice pendant plus de cinq années.

La France quart monde

Résultats : 14% de la population de France hexagonale (9 millions de personnes) était en situation de privation matérielle et sociale début 2022.

24,4% des personnes déclarent ne pas pouvoir se payer, pour des raisons financières, une semaine de vacances dans l’année. 30,4% déclarent ne pas pouvoir faire face à une dépense non prévue de 1 000 euros. 13,1% déclarent ne pas pouvoir dépenser une petite somme librement. 10% déclarent ne pas pouvoir se chauffer correctement. 9,6% déclarent ne pas pouvoir payer à temps les loyers et les factures. Les inscriptions au fichier de la Banque de France pour incidents de paiement ont bondi de 16% de janvier à juillet 2023. Fin 2022, un Français sur six déclarait ne pas pouvoir manger à sa faim. 8 millions de personnes recourent à l’aide alimentaire. 11 millions de concitoyens vivent dans la pauvreté. La rentrée étudiante marque aussi la reprise des interminables files d’attente devant les banques alimentaires.

Voilà comment la septième puissance économique du monde traite la génération qui va devoir relever tous les défis à venir ! Alors, on a allumé la télé pour entendre la grande annonce du Président. Allait-il annoncer une allocation d’autonomie pour la jeunesse du pays ? Un blocage des prix comme cela se fait dans la plupart des territoires d’Outre-Mer ? L’indexation des salaires sur l’inflation comme le font nos amis belges ? La revalorisation des minimas sociaux, de sorte que personne ne vive sous le seuil de pauvreté ? Il n’en fut évidemment rien.

Macron, chef de rayon !

Il faut dire qu’Emmanuel Macron partait de loin. La semaine dernière, sa première ministre a fait les gros yeux en annonçant « la possibilité de vendre à perte ». Un peu plus tôt, la ministre Olivia Grégoire avait même proposé des cours de cuisine à l’école contre l’inflation ! Tremblez superprofiteurs ! En quelques heures, le PDG de Total et celui de Carrefour avaient soigneusement fermé la porte au nez de la Première ministre. Humiliation pour le gouvernement. Mais cette fois, on nous annonçait que Macron allait reprendre les choses en mains et sortir les grands moyens. Quelle fut donc notre stupeur quand, après avoir annoncé qu’il mettait l’idée toute neuve de la vente à perte à la poubelle, il annonça… une table ronde, la possibilité de vendre à prix coûtant le carburant et un chèque de 100 euros par an pour que les plus modestes puissent faire le plein d’essence pour se rendre au travail ! Le foutage de gueule n’a vraiment plus de limite. Un gouvernement qui en appelle à des opérations commerciales mais n’agit pas sur les causes de l’inflation peut-il encore s’appeler gouvernement ? Emmanuel Macron est chef de l’Etat, pas chef de rayon ! Ce pourrait être drôle si, derrière cette inaction gouvernementale, il n’y avait pas des millions de femmes, d’hommes et d’enfants pour qui la vie est rendue quotidiennement impossible par la hausse des prix. Macron sait-il seulement qu’un plein d’essence coûte à peu près 100 euros aujourd’hui, lui qui aime tant la bagnole ?! Quant à la vente à prix coûtant du carburant, elle représenterait une réduction de l’ordre de 1 centime par litre. Merci, votre bon maître ! Ca valait vraiment le coût d’attendre 20h00 pour entendre tout ça !

L’enfer et le paradis fiscal

Les journalistes qui l’interrogeaient avaient beau lui tendre dix fois la perche en espérant une annonce de taille, il n’en fit rien. « Monsieur Macron, le blocage des prix comme le réclament certaines de vos oppositions ? » Non ! Pourquoi ? « Parce que les prix ne sont plus administrés en France » répondit-il. C’est un argument ça ?! Les prix sont bloqués dans 9 territoires d’Outre-Mer sur 11. Macron l’ignore ?! « Monsieur Macron, l’indexation des salaires sur l’inflation, comme le réclament certaines de vos oppositions ? » Non ! Pourquoi ? « Parce que vous allez créer une boucle inflationniste salaires-prix ! ». Ah bon ? Macron ignore-t-il à ce point la principale cause de l’inflation ? Ce ne sont pourtant pas les insoumis mais bien l’INSEE et le FMI qui ont établi et dit que la principale cause de l’inflation, ce sont les superprofits. Traduisons en langage simple et direct : c’est parce que certains se gavent comme des porcs que 87% des Français doivent se serrer la ceinture ! Oui mais voilà, Macron est là et gouverne par et pour ceux qui se gavent. La politique qu’il mène depuis six ans n’atteint principalement que cet objectif : offrir toujours plus à ceux qui ont déjà beaucoup. Les 500 plus grandes fortunes de France possèdent la moitié des richesses produites dans le pays. Et les actionnaires continuent de se voir distribuer des dividendes records. 2023, année record ! Et ne parlez surtout pas à Emmanuel Macron de « taxer les superprofits » ! Car alors, il vous répondra qu’il « n’est pas question d’augmenter les impôts ». Avez-vous remarqué comme, dans le débat public, quand il est question d’impôts, on englobe tout le monde dans le même sac ? On dit « les Français ». On dit « les impôts ». Mais la bonne question c’est : pour qui les impôts doivent-ils baisser et pour qui doivent-ils augmenter ? L’impôt en France permet la redistribution. Il est progressif : plus on a, plus on paye. Sauf ? Sauf pour les 0,1% les plus riches pour qui l’impôt est dégressif ! La France ressemble de plus en plus à un pays du quart monde mais, pour la toute petite minorité qui se trouve tout en haut, elle est une sorte de paradis fiscal. C’est sans compter la fraude et l’évasion fiscale qui représentent un manque à gagner de 100 milliards pour financer nos services publics, par exemple ! Une montagne à côté de la poussière que représente la fraude aux prestations de la CAF, par exemple aussi ! Mais bon, il parait que s’ils n’aiment pas Macron, les pauvres gens peuvent toujours se tourner vers les bras ouverts de Madame Le Pen. Si, si : elle l’a dit. Elle va s’occuper du pouvoir d’achat ! Qu’importe qu’à l’Assemblée nationale, macronistes et lepénistes avancent main dans la main contre la hausse du SMIC et contre le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune ! Elle l’a dit. C’est, parait-il, l’essentiel. Qu’importe ce qu’elle fait ! En plus, elle est à la mode en ce moment !

Plus impressionnant que l’inflation

Pour la route, voudriez-vous quelques chiffres plus impressionnants encore que l’inflation ? En voici :

Pendant qu’un Français sur trois ne dispose plus que de 100 euros sur son compte bancaire dès le 10 du mois, que 87% des Français déclarent devoir « faire attention », que le renoncement à des repas, aux soins, à des vêtements, à des loisirs concerne toujours plus de monde, pendant ce temps là :

La famille Hermès possède 137 800 millions d’euros (une hausse de 59 100 millions depuis l’an dernier).

Bernard Arnault et sa famille possèdent 203 000 millions d’euros (une hausse de 54 000 millions depuis l’an dernier).

Alain et Gérard Wertheimer et leur famille possèdent 100 000 millions d’euros (une hausse de 20 000 millions depuis l’an dernier).

Françoise Bettencourt Meyers et sa famille possèdent 77 200 millions d’euros (une hausse de 14 800 millions d’euros depuis l’an dernier).

Nicolas Puech possède 9 300 millions d’euros (une hausse de 4 000 millions d’euros depuis l’an dernier).

On continue ? Non, on arrête ?

On arrête car on va encore dire que la France insoumise déteste « les riches et ceux qui réussissent ». Parce qu’il est vrai qu’accumuler un tel pognon de dingue qu’on ne comprend même pas ce qu’ils peuvent bien en faire, avec les aides de l’Etat et pendant que le pays compte 11 millions de pauvres, ça s’appelle « la prise de risque » et « la réussite », messieurs dames !

Pôle emploi tout le monde

Cette semaine, l’Assemblée nationale reprend ses travaux en séance. Et donc naturellement, Macron reprend son offensive contre les plus pauvres. Après l’épisode des deux meilleures années de la vie de tous les Français volées sans que leurs représentants au Parlement n’aient pu voter, voici l’épisode « France Travail forcé ! ». Ca s’appelle « projet de loi pour le plein emploi » mais, ne vous laissez pas impressionner par le titre. En effet, il ne s’agit ni de diminuer le temps de travail pour permettre de travailler moins, tous et mieux. Ni d’instaurer une garantie d’emploi pour rendre effectif ce droit alors que notre pays compte environ 1 emploi non pourvu pour 18 chômeurs disponibles. Non, non, rien de tout cela. Véritable usine à gaz, ce projet de loi prévoit l’inscription automatique et généralisée à Pôle Emploi. Seront inscrits d’office les demandeurs d’emploi, les bénéficiaires du RSA et leur conjoint (vous avez bien lu !), les personnes sollicitant les missions locales ou les Cap Emploi. Alors que les conditions de travail des 55 000 conseillers Pôle Emploi sont déjà insoutenables, ils devront gérer 1,14 millions de personnes en plus, rien que pour les allocataires du RSA. L’inscription automatique des bénéficiaires du RSA contrevient aux principes fondamentaux de notre système de protection sociale. En effet, le statut de demandeur d’emploi suppose une démarche volontaire, des conditions précises de disponibilité, et la capacité de pouvoir occuper un emploi. Le RSA est un minima social mais il n’a jamais été question d’être en recherche d’emploi pour le percevoir. Si la perception du RSA vaut inscription comme demandeur d’emploi, une prestation d’assistance familiarisée devient une prestation de solidarité chômage alors qu’elle est fondée sur la solidarité nationale, financée par l’Etat. Ce projet est absurde. Par exemple, tous les jeunes accompagnés par les missions locales ne sont pas en recherche d’un emploi à court-terme : ceux engagés dans une reprise d’étude ou de formation vont se voir imposer le statut de demandeur d’emploi !

15h par semaine à 7 euros de l’heure ?

Avec cette loi, le « projet personnel d’accès à l’emploi » deviendra le « contrat d’engagement », avec un plan d’action hebdomadaire d’au moins 15 heures imposé au signataire dudit contrat. Les personnes en situation de handicap ou les jeunes en reprise de formation se verront eux aussi imposer ces 15 heures. Alors que l’objectif initial du gouvernement était d’instaurer ces 15 heures d’activité pour les bénéficiaires du RSA, les demandeurs d’emploi bénéficiant de l’allocation chômage se voient eux aussi imposer ces 15 heures minimales ! Le gouvernement instaure ici la grande confusion entre assistance et assurance. En effet, l’allocation de retour à l’emploi est une contrepartie des cotisations sociales versées par l’assuré. Les salariés cotisent pour toucher le chômage. Pourquoi devraient-ils désormais se voir imposer 15 heures d’activité pour bénéficier des garanties pour lesquelles ils ont cotisé ?

De plus, le projet de loi ne prévoit aucun droit opposable à l’accompagnement. La logique « droits et devoirs » réciproques bascule donc au profit d’une logique unilatérale et construite sur la contrainte. Il va durcir l’obligation à accepter n’importe quel emploi. En liant contrôle des demandeurs d’emploi et contrôle des allocataires, une personne radiée de France Travail verra son RSA menacé alors même que le RSA est un revenu minimal garanti par la Constitution :

« Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence. »

La Défenseure des droits a d’ailleurs donné son avis : « une sanction ne peut priver un individu de tout moyen de répondre à ses besoins élémentaires en le privant notamment du reste à vivre. »

C’est pourtant bien ce que Macron a l’intention de faire.

Car pour lui, mieux vaut faire disparaitre les pauvres que de traiter le chômage et la pauvreté !

Alors cette semaine à l’Assemblée, c’est contre cela que l’on se bat.


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