Ce jeudi 1er février 2024, les personnels de l’Education nationale sont en grève dans tout le pays, à Paris et dans de nombreuses autres villes, à l’appel des principaux syndicats d’enseignants (FSU, CGT, FO, SUD éducation, UNSA Éducation, SGEN CFDT, et l’UNEF).
Les propos de la nouvelle ministre de l’Éducation nationale sur l’absentéisme des professeurs, ses mensonges à répétition, et son mépris pour l’école publique ont créé un fort émoi au sein de la communauté éducative. Hier, une nouvelle révélation est sortie dans la presse. La ministre de l’Éducation nationale aurait œuvré pour faire en sorte qu’une école privée hors contrat, dirigée par une de ses connaissances, soit contractualisée. Au mépris de l’avis des services de l’Éducation nationale.
Depuis sa nomination, Amélie Oudéa-Castéra enchaîne les couacs au rythme d’un scandale tous les deux jours : scolarisation de ses enfants dans une école privée d’extrême droite et mensonges sur un rapport accablant la concernant, ses 500 000 euros de revenus bruts annuels qu’elle juge « insuffisants », cousine de plusieurs éditocrates…
Les appels à sa démission se multiplient, et l’étau se resserre autour d’une ministre déjà usée jusqu’à la corde. « Nos collègues sont très remontés, il y a un très fort sentiment de mépris », déclare Maud Valegeas, co-secrétaire fédérale Sud Education. « On manque de personnels pour tout, en particulier pour l’inclusion scolaire. Pendant ce temps, le gouvernement, lui, répond uniforme, Marseillaise et “choc des savoirs” », enchaîne Guislaine David, la porte-parole du SNUipp-FSU. Démission d’Amélie Oudéa-Castéra, revalorisation nette de 300 euros, meilleur statut pour les AESH (Accompagnants d’Élèves en Situation de Handicap), les revendications sont nombreuses. Comme de nombreux secteurs d’activité mobilisés, les enseignants demandent de pouvoir vivre dignement de leur travail. Notre article.
Il aura fallu moins de 24h à Amélie Oudéa-Castera pour devenir une des ministres de l’Éducation nationale les plus détestées de l’Histoire.
Dès sa nomination lors de la présentation du gouvernement Attal le 11 janvier 2024, les dés étaient jetés. Depuis 2022, la ministre avait déjà en charge les Sports et les Jeux olympiques et paralympiques. À moins de 8 mois de l’ouverture de la plus célèbre des compétitions sportives, Emmanuel Macron a jugé pertinent de lui demander, en plus, d’être ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse.
Depuis 2017, le Président des riches maltraite cette institution. Jean-Michel Blanquer n’a eu de cesse de mépriser, de maltraiter, de dénigrer les enseignants et tous les personnels d’éducation. Gabriel Attal a transformé chaque porte d’entrée des établissements scolaires en inspections sexistes et racistes des vêtements portées par les élèves en interdisant l’abaya. En 2024, nouveau franchissement de seuil. L’Éducation nationale ne mérite même plus un ministère dédié. Elle devient une simple succursale de la Ministre des Sports et des JO.
Et quelle ministre.
Le 12 janvier 2024, lendemain de sa nomination à l’Éducation nationale, Mediapart révèle que les enfants d’Amélie Oudéa-Castéra sont inscrits dans le très réactionnaire Collège Stanislas.
Ce n’est pas la première des ministres macronistes à être épinglé pour avoir fait le choix de l’école privé alors qu’elle est censée porter les valeurs et le symbole de l’école publique gratuite et laïque. C’est même une compétition à l’ère Macron. Jean-Michel Blanquer était lui-même élève à Stanislas pendant 9 années. Puis Direction de l’ESSEC, école de commerce aussi prisée que privée. Pap N’Diaye avait lui aussi fait le choix de l’éducation privée. Gabriel Attal, de l’École alsacienne à Sciences Po a fait toute son éducation scolaire dans le privé. Ce n’est donc plus une coïncidence, c’est une ligne du CV indispensable pour être nommé de l’Éducation nationale par Macron.
Là où Amélie Oudéa Castera a surpassé tous ses prédécesseurs, c’est dans l’indignité de sa défense.
Elle n’a rien trouvé de mieux pour expliquer avoir préféré le privé pour ses enfants que de dénigrer l’école publique. Elle a dénoncé un « paquet d’heures perdues » en raison du nombre d’heures non remplacées. Elle participe en creux à ce mythe de l’absentéisme des professeurs et ignore le délitement de l’école publique causé par les politiques de son Gouvernement. Tout cela, sans jamais proposer une feuille de route pour résoudre ce problème. Aussitôt levée de bouclier des syndicats. La polémique enfle.
Elle explose lorsque le personnel éducatif de l’école Littré, où l’aîné de la Ministre a donc été scolarisé quelques mois avant d’aller à Stanislas, accuse ni plus ni moins Amélie Oudéa Castera d’avoir menti. Nicolas Poincaré, dont l’enfant est allé dans la même école publique que celui de la nouvelle ministre de l’Éducation nationale : « en 8 ans, il n’y a jamais eu d’absences non-remplacées ».
L’institutrice elle-même affirme n’avoir jamais été absente durant les 6 mois où le fils de la ministre a été son élève. Celle-ci ne dément pas, tente même de s’excuser en se rendant, sous les huées dans la petite école publique rue de Rennes.
Apothéose de cette première séquence quand elle déclare qu’elle « n’a pas menti mais la réalité lui donne tort ». Bon courage aux enseignants pour enseigner aux enfants la probité et la différence entre la vérité et une fausse information. Mais la descente aux enfers ne s’arrête pas là.
Médiapart poursuit les révélations. Et la nouvelle ministre de l’Éducation nationale continue de s’enfoncer dans le mensonge. Elle affirme que le rapport d’inspection sur Stanislas mentionne un seul cas d’homophobie, alors que le rapport recense plusieurs incidents homophobes et sexistes.
Le 20 janvier 2024, Mediapart révèle un système de cooptation permettant à des élèves, y compris le fils aîné de la ministre, d’éviter Parcoursup pour intégrer la classe préparatoire de Stanislas. Ajoutant à la controverse, la ministre aurait opté pour des classes non mixtes, une pratique rare en France, allant à l’encontre du Code de l’éducation.
Pour aller plus loin : « Il faut qu’elle parte » : après les mensonges en série d’Amélie Oudéa-Castéra, les appels à sa démission se multiplient
La rupture est finalement totalement consommée lorsqu’Amélie Oudéa Castera trouve le moyen de se déclarer « mal payée » pour son travail à la Fédération Française de Tennis. À 35 000 euros net par mois. Imaginez l’affront pour les AESH, payées en moyenne moins de 1 000 euros, pour prendre soin des enfants les plus fragiles du système scolaire, qui consacrent leur vie à permettre à ces enfants en situation de handicap de trouver leur place dans la société, de se sentir bien avec les autres enfants malgré les multiples obstacles.
Le premier mot d’ordre pour cette grève du 1er février dans l’Education nationale est donc simple : « démission d’Amélie Oudéa-Castera ». Cette revendication entraîne un surcroît de mobilisation à Paris, en solidarité directe avec les personnels diffamés de l’école de Littré. Le taux de participation à la grève est annoncé à 65 %.
Suppression de 650 postes dans le primaire, 15 millions d’heures de cours perdus en 2021 Si les heures perdues relevaient bien du mensonge de la part d’Amélie Oudéa Castera concernant l’école Littré, il y a 15 ans, la situation est tout autre aujourd’hui. 15,4 millions d’heures de cours, tous niveaux confondus, ont été perdues en 2021.
Les professeurs « ne sont plus remplacés et à la rentrée 2024, la suppression de 650 postes dans le premier degré conduira à de multiples fermetures de classes sur tout le territoire », dénonce FSU-SNUipp, le premier syndicat au primaire. Au collège et au lycée c’est 1 500 postes qui ont été supprimés à la rentrée 2023.
Des classes qui ferment, ce sont des groupes qui augmentent dans les autres. Plus d’élèves par classe, c’est moins de temps pour les professeurs pour s’occuper de chacun. Pour les élèves pour qui tout roule, passe encore. Mais dès que les difficultés s’accumulent, que des troubles « dys » viennent compliquer l’apprentissage, alors l’impossibilité de bénéficier d’une explication spécifique, d’une attention précise du professeur peuvent rapidement mener à un échec scolaire.
Des classes surchargées, c’est aussi pour les professeurs et les AESH qui interviennent dans ces classes une aggravation des conditions de travail. Par le bruit générés, par l’impossibilité de circuler dans les rangées.
« L’école sera la mère des batailles de mon gouvernement et j’en serai le garant », avait assuré le nouveau premier ministre sur le perron de Matignon le jour de sa nomination.
Il semble bien que Gabriel Attal se contente de promesse en l’air lorsqu’il déclare à destination des professionnels : « Je ne vous ai pas abandonnés ». Aucune des mesures annoncés lors de son discours de mensonge général ne convainc les professionnels de l’éducation.
Les enseignants accusent le gouvernement de rester « sourd », alertent sur des « conditions de travail, pour les personnels, et d’apprentissage, pour les élèves, (qui) se sont dégradées ». On voit mal en quoi les propositions réactionnaires du plus usé des Premier Ministre d’Emmanuel Macron pourrait répondre à leurs attentes.
Ce n’est pas l’intervention de l’armée dans l’éducation par la généralisation du Service national universel dont l’école a besoin, mais de professeurs devant chaque élève.
En 2022, les professeurs français travaillent en moyenne 720 heures par mois. Contre 660 en moyenne dans l’Union européenne. Et même 641 en Allemagne. Pour un salaire deux fois moins élevé en début de carrière. 30 935 € en France contre 61 457 € en Allemagne. Ce n’est pas d’un Pacte enseignant qui correspond à une augmentation de la charge de travail pour chaque professeur qui est nécessaire, mais d’une augmentation des salaires. Dans son discours, Gabriel Attal n’a même pas évoqué cette piste.
Pour assurer « l’égalité républicaine », ce n’est pas d’une « généralisation de l’uniforme en France à la rentrée 2026 » dont notre école a besoin. Mais de mettre fin à la fermeture des écoles en zone rurale. En milieu rural, un enfant sur 5 est obligé d’aller dans une autre commune pour se rendre à l’école. Et d’une égalité de financement. Ceux-ci varient du simple au triple au collège. Trois fois plus d’argent public par collégien en Haute-Marne qu’en Moselle, où est l’égalité républicaine ?
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