En cinq jours, 180 000 morts côté français pour un résultat nul. Confrontés à une boucherie inutile où leurs camarades sont sacrifiés d’heure en heure, les poilus réfléchissent, ronchonnent, se mutinent.
Une nouvelle histoire des mutineries de 1917
Afin d’enrayer les mutineries, les tribunaux militaires prononcent 3427 condamnations dont 554 à mort (au moins 49 exécutées). C’est alors que se diffuse largement la Chanson de Craonne. Un million de francs or en plus de la démobilisation furent promis, paraît-il, à qui dénoncerait l’auteur. Malgré cela, elle est restée anonyme.
Pour écouter cette chanson, cliquer sur l’adresse URL ci-dessous :
http://www.youtube.com/watch?v=UM7b... A) Le plan et les forces engagées
B) Préparatifs gigantesques de l’offensive
C) Chanson de Craonne
Depuis bientôt deux ans, l’armée allemande occupe une grosse partie du Nord de la France, de la Picardie, de la Champagne (sans compter l’Alsace et la Lorraine annexées en 1871). Des millions de soldats ont passé l’hiver dans des tranchées épouvantables. Le général Nivelle, nouveau commandant en chef des armées, décide en accord avec le gouvernement et l’état-major anglais de lancer une grande offensive destinée à rompre le front allemand dans la direction générale de Laon. Résultat : le plus grand drame d’une première guerre mondiale particulièrement dramatique et une vague de mutineries.
Depuis, le général Nivelle et ses lieutenants sont tenus pour responsables de l’échec. Pourtant, la principale faute relève des gouvernements français et britannique.
La révolution russe et l’abdication du tsar permettaient à l’état major allemand de libérer des troupes du front Est. Dans le même temps, la rupture des relations diplomatiques des USA envers l’Allemagne, permettait de compter sur des renforts humains et matériels considérables à terme... Ces évènements modifiaient complètement le contexte politique de la guerre, à condition de réfléchir plutôt que de fanfaronner en comptant sur l’héroïsme de centaines de milliers de fils d’ouvriers et de paysans.
Nivelle intercale entre le Groupe d’Armées Nord (Franchet d’Espérey) et le Groupe d’Armées Centre (Pétain) un Groupe d’Armées de réserve (Micheler) chargé d’enfoncer les lignes allemandes. Ce dernier dispose entre Soissons et Reims de quatre armées, deux chargées du premier assaut (la 5ème à droite, la 6ème à gauche), une apte à profiter des premiers succès (la 10ème) et une en réserve ( la 4ème).
5 ème Armée (général Mazel) 16 divisions dont 200 chars d’assaut
6ème Armée (général Mangin) 17 divisions dont de nombreux régiments coloniaux comme troupes de choc.
10ème Armée (général Duchêne) 9 divisions
4ème armée (général Anthoine 5 divisions plus le 2ème corps colonial
En tout, 850000 hommes, 2700 pièces d’artillerie et 2300 mortiers lourds.
La lettre du général Nivelle à ses chefs d’armées éclaire ses objectifs ambitieux :
« Le but à atteindre est la destruction de la masse principale des forces ennemies sur le front occidental.
Il ne peut être atteint qu’à la suite d’une bataille décisive livrée à toutes les forces disponibles de l’adversaire, et suivie d’une exploitation intensive.
Cela implique la nécessité, comme premier et deuxième temps, de rompre le front adverse et de battre au delà de la brèche toutes les forces ennemies qui n’auront pas, au préalable, été fixées dans d’autres régions, puis de porter le gros des forces sur les communications principales de l’ennemi afin de l’obliger soit à abandonner rapidement ses fronts actuels, soit à accepter de nouveaux combats dans les plus mauvaises conditions.
Les moyens à mettre en oeuvre pour obtenir ces résultats comportent l’emploi d’une partie de nos forces en vue de fixer l’ennemi et de rompre son front ; puis l’engagement, au-delà du front de rupture que je choisirai, d’une masse de manœuvre précédemment réservée.
La nécessité de fixer l’ennemi et de l’amener à diviser ses forces conduit à attaquer dans trois régions différentes, suffisamment espacées, et à échelonner les attaques dans le temps, de manière que celle qui paraît réunir, à priori, les plus grandes chances de succès, bénéficie des heureux résultats des premières.
J’ai décidé, en conséquence, d’attaquer en premier lieu dans la région au nord de l’Oise, en même temps que les Armées britanniques entreprendront, entre Arras et Bapaume, une puissante offensive, puis de déclencher une offensive entre Reims et le canal de l’Aisne à l’Oise.
Tout en me réservant la possibilité d’exploiter avec des moyens appropriés l’attaque entreprise au nord de l’Oise (dans le cas où celle-ci réussirait dans des conditions favorables), mon intention est de chercher la rupture sur le front de l’Aisne. La masse de manœuvre, pour déboucher au-delà de la brèche réalisée, sera articulée en conséquence. »
Les troupes britanniques chargées de contribuer à rompre le front allemand sont placées exactement à la gauche du groupe d’armées Micheler, entre Vimy et Soissons. Le saillant tenu par la 7ème armée allemande du général Max von Boehn autour de Laon se trouve ainsi attaqué de l’Ouest par les Anglais et du Sud par les Français.
Au front, depuis que l’offensive avait été décidée, on la préparait.
Depuis les premiers jours de janvier, le Grand Quartier Général multipliait les recommandations d’ordres technique et tactique concernant l’abordage des positions ennemies, le débouché des colonnes, les mesures à prendre contre l’encombrement et l’entassement des troupes, la mobilité des unités, l’organisation des transports, des ravitaillements et du Service de Santé.
Après le terrible hiver qui avait paralysé tous les efforts, la préparation matérielle avait repris avec une activité prodigieuse.
Il fallait développer les voies de communications : on construisit 310 kilomètres de voies ferrées normales ; 20 kilomètres de voies métriques, 308 kilomètres de voies de 60 centimètres, et 25 kilomètres de routes pour piétons et voitures, avec élargissement des routes existantes sur un trajet de 155 kilomètres ; 22.000 hommes furent affectés à ces services, avec un matériel de 45000 wagons qui transportèrent des baraquements, des bois pour les abris et les tranchées, des fils de fer, des tôles, etc.. ;
752 sections de voitures automobiles, mises à la disposition des Armées le 15 avril, avaient une puissance de transport de 120.000 hommes, 21000 blessés, 18.250 tonnes de matériel, 1.680 tonnes de cailloux, 182 tonnes de viande.
Pour l’alimentation, le Groupe d’Armées de Réserve fut approvisionné pour un effectif de 40 divisions, à huit jours de vivres d’avance et trois jours de vivres de réserve.
Le Service de Santé avait fait de larges prévisions au sujet des évacuations et des hospitalisations. Le G. A. R. disposait de six hôpitaux d’évacuation, chacun de 3000 lits, et, en plus, de 60000 places d’hospitalisation.
Au point de vue de l’artillerie et des munitions, jamais encore une pareille accumulation de moyens n’avait été effectuée. Le Groupe d’Armées de Réserve pouvait étaler, sur un front de 40 kilomètres, 5.343 pièces, dont 1930 de gros calibre, en canons lourds à tir rapide du plus récent modèle.
Le stock des munitions était considérable. Voici quelques chiffres : pour le 75 plus de 23 millions ; pour le 120, près de 2 millions ; pour le 155, 3500.000 ; pour le 220, 300.000 ;pour le 280, 27.000 ; pour le 320, 37.000 coups.
Le 7 avril, les Armées étaient approvisionnées à sept jours de feu. En prévision de la marche en avant, des dépôts intermédiaires de munitions avaient été installés aussi près que possible du front.
L’armement de l’infanterie avait été largement perfectionné. Chaque bataillon disposait de huit mitrailleuses, et un approvisionnement était constitué. Chaque compagnie avait huit fusils-mitrailleurs ; et dans les divisions d’exploitation comme dans celles chargées des fronts défensifs, ce chiffre était doublé.
Enfin, pour la première fois, les chars d’assaut, surnommés les tanks, devaient prendre part à l’attaque en grand nombre. Deux groupements furent mis à la disposition de l’Armée.
Quant à l’aviation, trois groupes de combat, formant un total de 220 avions, étaient à la disposition du commandant du Groupe d’Armées de Réserve.
Source de la partie B : Wikipedia
Origine et nature de cette chanson (Jacques Serieys)
Quand au bout d’huit jours le r’pos terminé
On va reprendre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile
Mais c’est bien fini, on en a assez
Personne ne veut plus marcher
Et le cœur bien gros, comm’ dans un sanglot
On dit adieu aux civ’lots
Même sans tambours, même sans trompettes
On s’en va là-haut en baissant la tête
Refrain
Adieu la vie, adieu l’amour,
Adieu toutes les femmes
C’est bien fini, c’est pour toujours
De cette guerre infâme
C’est à Craonne sur le plateau
Qu’on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous des condamnés
Nous sommes les sacrifiés
2ème couplet
Huit jours de tranchée, huit jours de souffrance
Pourtant on a l’espérance
Que ce soir viendra la r’lève
Que nous attendons sans trêve
Soudain dans la nuit et le silence
On voit quelqu’un qui s’avance
C’est un officier de chasseurs à pied
Qui vient pour nous remplacer
Doucement dans l’ombre sous la pluie qui tombe
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes
Refrain
3ème couplet
C’est malheureux d’voir sur les grands boulevards
Tous ces gros qui font la foire
Si pour eux la vie est rose
Pour nous c’est pas la même chose
Au lieu d’se cacher tous ces embusqués
Feraient mieux d’monter aux tranchées
Pour défendre leur bien, car nous n’avons rien
Nous autres les pauv’ purotins
Tous les camarades sont enterrés là
Pour défendre les biens de ces messieurs là
Refrain
4ème couplet
Ceux qu’ont le pognon, ceux-là reviendront
Car c’est pour eux qu’on crève
Mais c’est bien fini, car les trouffions
Vont tous se mettre en grève
Ce s’ra vot’ tour messieurs les gros
D’monter sur le plateau
Et si vous voulez faire la guerre
Payez-la de votre peau
Le Général Bach, ancien responsable du service historique de l’Armée de Terre, explique sur les lieux mêmes où se déroulèrent ces évènements, à Craonne en 1917, comment des soldats exténués en arrivèrent à se mutiner et à refuser de monter à l’assaut. La répression politico-militaire qui s’en suivit, déclencha une vague de "fusillés pour l’exemple".
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