Traité européen : la fin de l’hypocrisie

dimanche 20 janvier 2008.
 

Comment Jean-Marc Ayrault a-t-il pu croire que sa ligne du boycott du Congrès de Versailles tiendrait la route ? Sans doute espérait-il que les Français ignorants de la procédure goberaient le gros mensonge selon lequel, lorsque l’on est en faveur du référendum, la « cohérence » (sic) commande de ne pas se rendre à Versailles. Peut-être croyait-il aussi que pour démontrer leur unité à la veille d’échéances électorales, les socialistes seraient prêts à n’importe quel compromis aussi absurde et hypocrite soit-il. Il n’en a rien été. Et tout a éclaté mardi dernier.

Petit rappel des faits. La journée commence par une conférence de presse du Comité National pour un Référendum. La matière est moins croustillante pour la presse que les bisbilles internes au PS. Mais on peut dire que le CNR a déjà rempli une partie de ses objectifs : faire comprendre que la question du référendum est politiquement centrale, distincte de l’opinion que chacun a sur le traité de Lisbonne, et enfin que la gauche a le moyen de l’obtenir si elle vote « non » au Congrès de Versailles. Au même moment, l’Assemblée débat d’une proposition de loi des communistes pour obliger à un référendum. Elle recueille 140 voix contre 176. On voit dès lors que le veto des 2/5e est à portée de vote lors du Congrès de Versailles.

Ensuite se tient la réunion du groupe socialiste. Ayrault renonce à sa consigne de boycott. Elle aura tenu une semaine. Il fait voter celle de l’abstention « à condition que chacun la respecte » par 68 voix contre 30. Cette nouvelle ligne tiendra 10 minutes. Dès la fin de la réunion du groupe, Henri Emmanuelli a invité les parlementaires favorables au « non » à se réunir. Ceux-ci confirment à l’unanimité qu’ils voteront « non » au Congrès de Versailles. Au final, chacun votera donc comme il l’entend. En conscience. Sur sa conception de l’intérêt général et sans le refuge de la discipline de parti. D’ailleurs le Bureau national du PS qui se réunit à 17h renonce à adopter une position. On se contente de « prendre acte » de la « décision des groupes ». Cela aura pris une minute, sans débat ni vote. Car chacun sait à cette heure que la discussion collective ne changerait la conviction de personne.

De longs mois de tentatives d’enfumage débouchent donc sur une clarification brutale. L’espoir caressé par la direction du PS mais aussi un temps par une partie de sa gauche d’arriver à une position de consensus évitant de se prononcer sur le fond a éclaté. Le vote du Bureau National en faveur du traité de Lisbonne avait déjà provoqué la rupture entre Hollande et Emmanuelli. La journée de mardi dernier achève le travail. La synthèse du Mans est bien morte. Les désaccords de fond au sein du mouvement socialiste sont sur la place publique. Tant mieux.

Ils le sont dans des conditions où la gauche du PS a beaucoup d’arguments pour elle dans le pays. Elle seule défend pour de bon le respect de la souveraineté populaire. Ayrault n’arrivera pas à faire croire le contraire. Il déclare qu’il déposera une motion référendaire sur la ratification du traité, après le Congrès de Versailles... mais ajoute « qu’il est probable vu le rapport de forces » qu’elle ne sera pas retenue ! Il contre-attaque : « Certains pensent que si on rejetait la modification constitutionnelle, cela provoquerait un référendum. C’est inexact. Cela provoquerait une crise profonde qui ne déboucherait sur rien. Le traité de Lisbonne ne pourrait plus être soumis à ratification. » Mensonge plus gros que lui : c’est justement parce que la ratification du traité impose une révision préalable de la Constitution que Sarkozy serait contraint en cas de rejet à Versailles de la soumettre au peuple par référendum.

La droite du PS, quand à elle, patine. Le nouveau président a pillé ses idées et certains de ses hommes. Son héros Tony Blair sert la soupe à Sarkozy dans un Conseil national de l’UMP. Dominique Strauss-Kahn devenu président du FMI soumet sa théorie de la régulation sans rupture à la réalité du système (voir au dos). L’économie mondiale entre en crise à cause des politiques de financiarisation et de libéralisation. Dans la rue, tout le monde ne parle que du pouvoir d’achat. C’est l’heure du « social » plus que du « sociétal ».

Souveraineté populaire, partage des richesses, orientation de l’économie... les « vieilles » questions sont de retour. Toute la gauche n’a pas les mêmes réponses. Aucune synthèse d’apparence ne parviendra plus à dissimuler ce désaccord. Il faut donc le trancher. Et pour cela que le peuple s’en mêle. Cela commence maintenant. D’ici le 4 février à Versailles, seul lui a le pouvoir de convaincre un à un ses parlementaires de ne pas lui enlever son droit à la souveraineté.


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