La justice craque, Sarkozy plastronne devant les "Hautes juridictions" bien au chaud à l’Elysée !

dimanche 15 janvier 2012.
 

Le Président de la République, contrairement à la coutume qui voulait que le Chef de l’Etat se déplace à la Cour de cassation pour y présenter ses voeux à l’ensemble des personnels de la justice, a convié les "Hautes juridictions" à l’Elysée le vendredi 13 janvier. Au-delà de cet intitulé énigmatique, le changement de protocole ne sont pas anodins. Les soutiers de la justice (fonctionnaires, magistrats, éducateurs, personnels techniques, personnels pénitentiaires ...) qui, au prix d’un dévouement souvent exceptionnel, tentent de pallier quotidiennement la pénurie de moyens apprécieront.

Il faut dire que Nicolas Sarkozy n’a pas de quoi être fier de son bilan et on comprend qu’il ne prenne pas le risque de rencontrer ces personnels que son action laisse exaspérés et en plein désarroi.

En cinq ans, dans la droite ligne de son action précédente en tant que ministre de l’intérieur, l’actuel Président de la République aura considérablement abîmé l’institution judiciaire dans ses principes et dans son fonctionnement.

Dans ses principes :

- En appelant, dès le début de son quinquennat, devant l’université d’été du MEDEF en août 2007, à une "dépénalisation du droit des affaires" en même temps qu’il prônait une "tolérance zéro" pour la délinquance de droit commun, faisant ainsi de l’impunité d’un petit nombre de privilégiés et de la pénalisation à outrance de tous les autres sa ligne directrice,

- En n’ayant de cesse de détruire les spécificités de la justice des mineurs édictés par le Conseil national de la résistance,

- En faisant de l’emprisonnement et de l’enfermement des mineurs comme des majeurs une panacée, faisant atteindre à notre pays un nombre de détenus inégalé depuis 1945 (en hausse de 28% depuis 2002), au détriment des objectifs de réinsertion et d’éducation,

- En s’en prenant personnellement aux magistrats et aux fonctionnaires de justice, les rendant responsables des faits divers les plus sordides,

- En nommant à des postes-clés du parquet des proches du pouvoir, contournant souvent pour cela les avis négatifs du Conseil supérieur de la magistrature, ce qui fait planer un soupçon de dépendance de l’ensemble de la justice par rapport au pouvoir exécutif,

- En jouant sur les peurs, créant un amalgame permanent entre malades mentaux et dangerosité,

- En étendant de manière continue le champ de la répression, de la surveillance et du fichage, devenus des armes contre des centaines de milliers de militant-e-s associatifs ou syndicaux.

Dans son fonctionnement :

- En l’éloignant des citoyen-ne-s par la suppression de plus de 200 juridictions, essentiellement de tribunaux d’instance traitant des litiges cruciaux pour les plus vulnérables (tutelles, surendettement, prud’hommes,...),

- En rendant son accès plus onéreux par l’instauration d’une taxe de 35 euros pour tous les litiges civils et prud’hommaux et en rognant sur l’aide juridictionnelle,

- En asphyxiant une institution déjà parent pauvre de la République par une pénurie budgétaire et des suppressions d’emplois, tout spécialement en ce qui concerne l’accès au droit, la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et les budgets de fonctionnement des tribunaux.

Témoins de l’exaspération et du désarroi régnant dans l’institution judiciaire, la conférence nationale des procureurs de la République le 8 décembre 2011 puis celle des présidents de tribunaux le 6 janvier 2012 se sont, de manière inédite, exprimé sans détour. Les premiers pour appeler à la "restauration de l’image de leur fonction, gravement altérée auprès de nos concitoyens par le soupçon de leur dépendance à l’égard du pouvoir exécutif" et ont alerté "solennellement le législateur, le gouvernement, ainsi que l’ensemble de leurs concitoyens sur la gravité d’une situation qui ne leur permettra plus d’accomplir sérieusement leurs missions, s’il n’y est pas d’urgence remédié par une réforme de leur statut, une stabilisation normative, et l’affectation de moyens humains, matériels et financiers". Les seconds de commencer par qualifier l’année 2011 comme "éprouvante" "qui restera sans doute parmi les plus difficiles supportées par nos juridictions depuis bien longtemps", d’évoquer "un désenchantement et une souffrance généralisée chez les acteurs de terrain, magistrats et fonctionnaires" et de poursuivre : "L’exercice de nos fonctions se limite de plus en plus à la gestion d’une pénurie dramatique de moyens face à une inflation insupportable des charges dans un contexte de fréquentes improvisations juridiques qui nous conduit à des choix de priorités par défaut" et enfin d’en appeler à ce "qu’en matière de réformes, la réflexion devance l’action".

De ces réquisitoires implacables contre l’action de l’actuel pouvoir, il ne fut nullement question aujourd’hui lors des voeux de Nicolas Sarkozy aux "Hautes juridictions" sous les lambris et dans l’ambiance douillette de l’Elysée.

Les deux annonces faites par Nicolas Sarkozy ce matin sont consternantes :

Après avoir placé des personnalités proches du pouvoir aux postes-clés des parquets, il a indiqué, sans préciser de calendrier (ni l’inscription de cette règle dans les textes) que le gouvernement respecterait à l’avenir l’avis du Conseil supérieur de la magistrature pour les nominations au parquet, ce qu’il a régulièrement bafoué depuis 2002.

Sans aucune évaluation des expérimentations lancées le 1er janvier 2012 dans les cours d’appel de Dijon et de Toulouse, le chef de l’Etat a par ailleurs annoncé son intention d’avancer d’un an, à 2013, la généralisation de la présence de jurés populaires dans les tribunaux correctionnels. Et pourquoi donc ? Parce qu’elle répond à une attente, "parfois irrationnelle" concède-t-il, des Français "d’une plus grande sévérité". Un Président de la République se mettant au diapason de ce qu’il juge comme "parfois irrationnel", en anticipant sur le résultat attendu ("une plus grande sévérité"), faisant fi de la désorganisation que cette réforme va sans aucun doute induire pour des tribunaux traitant de 100 000 affaires de délits par an, voila qui ne peut que révolter toutes et tous ceux qui croient en la justice comme l’un des piliers de la République.

Nicolas Sarkozy n’impressionne plus personne par ses effets de manches qui instrumentalisent la souffrance des victimes et cherchent des boucs émissaires à tout propos (les pauvres, les grévistes, les jeunes des quartiers populaires, les étrangers,...). Rien ne peut faire oublier qu’il est seul responsable de la police et de la sécurité depuis 2002, de la politique judiciaire menée depuis 2007 et que ses échecs sont patents dans ces deux domaines. Oui, qu’ils s’en aillent tous, lui et ceux qui ont exercé aussi mal des responsabilités aussi lourdes !

Le Front de Gauche assure pour sa part les quelques 100 000 personnels du ministère de la justice de sa volonté de rompre avec les choix désastreux faits par les gouvernements de droite depuis dix ans, mais aussi d’engager, par leur implication, une révolution judiciaire, indissociable de la révolution citoyenne que nous souhaitons pour l’ensemble de la société française. Cette révolution se traduira par des changements institutionnels profonds (6ème République), une démocratisation du fonctionnement de l’institution judiciaire, lui donnant les moyens d’exercer ses missions dans le respect de ses prérogatives et du principe d’équilibre des pouvoirs, des choix politiques donnant la priorité à l’éducation et à l’insertion sur la répression et l’enfermement.

De réformes, la justice a incontestablement besoin. Avec le Front de Gauche, elles ne seront plus synonymes de maltraitance mais d’émancipation !

Hélène Franco, membre du conseil de campagne du Front de Gauche


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