Après la mort de Rémi Fraisse, la violence manifestante où ? quand ? comment ?

dimanche 28 mars 2021.
 

- A) Après le décès de Rémi Fraisse, comment marquer notre indignation ? Comment faire progresser la lutte du Testet ? (Jacques Serieys)

- B) Cet homme est-il un « casseur » ? Non, c’est un policier (Reporterre)

Policiers provocateurs : vrai problème démocratique (Jacques Serieys)

23 mars 1979, un policier casseur entre dans l’Histoire : il s’appelle Gérard Le Xuan

A) Après le décès de Rémi Fraisse, comment marquer notre indignation ? Comment faire progresser la lutte du Testet ? (Jacques Serieys)

Ce week-end des 29 et 30 octobre 2014, un vieux débat a repris. Après le décès de Rémi Fraisse fallait-il :

A1) Adopter une attitude démocratique large de défense de Rémi Fraisse et de son combat écologique ?

- s’appuyer sur l’émotion créée dans l’opinion pour expliquer l’illégitimité du projet de Sivens, illégitimité du point de vue de l’intérêt général, illégitimité du point de vue de la démarche juridique, illégitimité de par l’attitude non démocratique du gouvernement et du Conseil général du Tarn dans ce dossier.

- condamner l’usage de la violence policière depuis le début sur le site du Testet, dénoncer l’usage des grenades offensives par les gendarmes mobiles,

- organiser des marches pacifiques les plus nombreuses possibles,

- argumenter encore sur la nécessité de stopper totalement le projet de barrage ?

- ou profiter de la situation créée par le décès de Rémi Fraisse pour faire passer une orientation anarchisante militariste comme dans le tract diffusé sur le Sud-Ouest pour appeler à la manif du Capitole le samedi 29 vendredi soir, " les opposants ont démontré que ce qui est bâti peut être détruit. En effet, dans la nuit, la « base de vie » des gendarmes a été incendiée. Son aspect donnait d’ailleurs une idée de ce que « vie » signifie pour eux : une plate-forme de terre « dévégétalisée  » entourée de douves de trois mètres de profondeur, remplies d’eau, doublées de rangées de grillages. A l’intérieur, un algeco et un groupe électrogène alimentant un énorme spot tourné vers l’extérieur. Le lendemain, ils faisaient tout de même bloc autour de ses cendres, voulant démontrer qu’aucune victoire n’est possible pour nous. C’est cette assertion qui tentait d’être retournée durant la manifestation, en affirmant à plusieurs milliers qu’on ne pliera pas, et que c’est eux qui partiront. Rapidement nous nous sommes massés le long des boucliers et des grillages. La co-présence de deux visions du monde si antagonistes ne peut durer longtemps sans exploser. Certains s’avancèrent un peu plus pour passer de la parole au geste et les affrontements commencèrent pour ne s’arrêter qu’au petit matin. Face à nous, des lacrymogènes par centaines, lancés à hauteur de visage, des grenades assourdissantes éclatant au milieu de la foule, des tirs de flash-balls en pagaille..."

Le Parti de gauche a fait le choix de la première option. De toute évidence, nous avons contribué à marquer des points pour ne pas marginaliser la mémoire de Rémi Fraisse et son combat contre le projet de barrage. Par contre les manifestations violentes de Toulouse et Nantes du samedi 29 ont permis aux médias de dénoncer les "casseurs" écolos.

En écrivant cela, je ne sous-estime pas le problème posé par l’utilisation des forces de l’ordre d’une façon illégitime dans une république qui se veut démocratique.

Je pose surtout la question des responsabilités :

- qui doit assumer la responsabilité du décès de Rémi Fraisse ? le gendarme mobile qui a tiré la grenade ou les dirigeants politiques (ministre de l’intérieur, président du Conseil général, préfet). En 1986, dans les mêmes circonstances le ministre gaulliste concerné (Alain Devaquet) avait démissionné.

- qui a intérêt à intimider les mouvements sociaux pour qu’ils ne perturbent pas le plaisir des milliardaires qui préfèrent se goberger de leurs profits sans le déplaisir de la contestation ? ces milliardaires, le système capitaliste et les dirigeants politiques qui les protègent ou quelques gendarmes mobiles positionnés dans une nuit du samedi au dimanche à deux heures du matin sur le site de Sivens ?

- qui est responsable du décès de Rémi Fraisse vu que le gouvernement considère qu’il ne s’agit pas d’une bavure (déclaration du ministre de l’intérieur) ?

Je pose aussi la question de la stratégie politique pour sortir du capitalisme ? une escalade de violence minoritaire a-t-elle quelque chance de renverser ce système ou au contraire risque-t-elle de diviser le mouvement social entre une "avant-garde" qui assume l’affrontement et la masse qui ne peut ou ne veut aller jusque-là ? J’ai entendu plusieurs animateurs du mouvement "anarchiste autonome" qui appelaient aux manifestations de samedi. Ils se vivent effectivement comme les seuls "révolutionnaires anticapitalistes conséquents" ne faisant aucun compromis avec le système, refusant les élections et dénonçant les syndicats ouvriers collaborateurs. J’en ai connu d’autres dans l’après-mai 1968 parmi de prétendus "anarchistes" et "maoïstes" qui ont complètement viré à droite et aux côtés du MEDEF dès qu’ils ont compris l’impasse de leur aventure de jeunesse.

Lors de circonstances particulières, il peut être juste de maintenir coûte que coûte une manifestation interdite. J’y ai par exemple participé après le coup d’état fasciste de Pinochet au Chili alors que le gouvernement français reconnaissait ce nouveau régime. Est-ce que nous étions dans ce cas de figure le samedi 29 octobre 2014 ? Non.

Pour conclure, je vais revenir au titre :

Après la mort de Rémi Fraisse, la violence manifestante où ? : le maintien d’une présence manifestante illégale sur le site de Sivens était justifiée.

La violence manifestante quand ? appeler à des manifestations le samedi 29 octobre ayant clairement pour but de "casser du flic" ne représentait pas un hommage à Rémi Fraisse. Cela n’apportait rien à la défense du site du Testet alors qu’une attitude plus politique le permettait et l’a permis.

Après la mort de Rémi Fraisse, la violence manifestante comment ? le socialisme historique caractérisait de "violence ouvrière" celle des exploités et opprimés pour faire valoir leurs droits. Elle demande une grande finesse politique, une grande précision. A part dans un contexte clairement révolutionnaire, elle demande de s’appuyer sur un service d’ordre de qualité et non sur un manifestant lambda arrivé sur les lieux chargé de boulons, canettes et autres comme celui arrêté samedi 29.

Dans le contexte actuel, défendre un point de vue démocratique républicain quant au rôle des forces de l’ordre me paraît l’angle d’analyse le plus utile après le décès de Rémi Fraisse. L’existence de mobilisations contestataires fait nécessairement partie du quotidien dans une société non dictatoriale. L’emploi des forces de l’ordre et de leur armement relève du choix des dirigeants politiques et ne doit en aucun cas s’apparenter à une guerre comme cela a été vu à Notre Dame des Landes comme à Sivens.

La présence de policiers en civil déguisés en casseurs comme cela a été vu ce week-end doit être dénoncée car elle laisse place possible à des manoeuvres qui ne contribuent en rien à faire avancer le débat démocratique.

Le site écologiste Reporterre a mis en ligne un article sur la manifestation de Nantes ce samedi 29. Nous le reproduisons ci-dessous.

B) Cet homme est-il un « casseur » ? Non, c’est un policier

Source : http://www.reporterre.net/spip.php?...

La police se déguise de plus en plus en « casseurs », dont l’image violente est utilisée ensuite par les médias. Samedi après-midi, une nouvelle manifestation s’est tenue à Nantes suite à la mort de Rémi Fraisse. Les provocations policières ont rapidement donné lieu à des affrontements, alors que la manifestation était majoritairement pacifique. Et les policiers en civil, déguisés en manifestants, jouent un rôle trouble.

... Ce samedi, un tract appelait cette fois à faire « ce qu’ils n’attendent pas de nous » : « Aujourd’hui, cela sent davantage le guet-apens qu’une insurrection qui vient », notait le texte signé par « quelques occupants de la ZAD ». Une consigne dans l’ensemble respectée, les destructions ayant été minimes tout au long de la journée.

La marche, commencée à 14 heures devant la préfecture, se déroule d’abord dans le calme. Des banderoles et pancartes « naturalistes en lutte » ou « ils mutilent, ils tuent nos enfants. Surarmement, impunité de la police, stop » sont posées sur le monument aux morts des 50 Otages.

Deux hélicoptères survolent la ville. Alors que le cortège remonte la rue de Strasbourg, les rangées de CRS sont de plus en plus proches. Les manifestants scandent « assassins » en passant devant les policiers.

Les premiers incidents démarrent avec la présence d’un CRS visant les manifestants avec son flashball.

Une provocation, puisque la manifestation se déroulait jusque-là dans le calme. Quelques œufs et bouteilles vides volent en direction du fonctionnaire, et servent de prétexte pour tirer les premières grenades lacrymogènes et pour charger.

Le cortège est coupé en deux. Une quinzaine de membres de la Brigade anti-criminalité (BAC), à l’apparence et au vocabulaire plus proche de braqueurs de banque que de policiers, surgit en courant du haut de la rue.

Cagoulés, matraques télescopiques en main, ils arrêtent une première personne...

Alors que le cortège rebrousse chemin en direction de la place du Commerce,

le scénario du reste de la journée se met en place. Un front, constitué des manifestants favorables à l’affrontement – essentiellement des militants anarchistes et autonomes – se positionne face aux gendarmes mobiles ou aux CRS. Le reste du cortège se situe en retrait, mais ne se disperse pas. Aux tirs de la police, les premiers répondent par des charges sporadiques, parfois protégés par des barrières de chantier, par des jets de pavés, de bouteilles vides et parfois de fusées de détresse.

Deux poubelles sont incendiées cours des 50 Otages, au niveau de la place de l’Ecluse. Des pavés sont arrachés des voies de tram.

L’auteur de ces lignes n’a, en revanche, pas été témoin de lancers de bouteilles contenant de l’acide, comme l’a affirmé plus tard le préfet de Loire-Atlantique lors d’une conférence de presse.

Peu à peu, la composition de la manifestation change, avec l’arrivée de jeunes moins politisés, attirés par les affrontements...


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