Besancenot capitalise sur la colère (article du Journal du dimanche)

mercredi 10 septembre 2008.
 

Olivier Besancenot s’empare du terrain social. Samedi, le héraut de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) se trouvait dans le Morbihan, aux côtés des salariés du groupe volailler Doux, dont le site menace de fermer. L’occasion pour lui de se camper en réel opposant à la politique de Nicolas Sarkozy. En "catalyseur", dit-il, d’une colère qui ne cesse de monter.

Il tisse sa toile à petites touches. Pendant que le PS se livre à une fratricide guerre des ego, Olivier Besancenot (34 ans) occupe le terrain. Samedi, c’est à Locminé, petite bourgade de 4 000 âmes, dans le Morbihan, que le leader de la LCR est allé manifester sous une pluie battante. Ici, le groupe volailler Doux (n° 1 en Europe, propriétaire de Père Dodu) s’apprête à fermer son site de production de dindes. Avec les canards de Pleucadeuc (Morbihan) et les poulets du Châtelet (Cher), deux autres sites menacés, près de 630 salariés sont en sursis. La direction évoque la grippe aviaire de 2006, la flambée du prix des céréales ou encore la faiblesse du dollar... Les salariés, eux se battent, mais sont emportés par la fatalité... "On est dans la galère, on ne sait pas de quoi demain sera fait, on ne voit même plus d’avenir pour nos enfants", soupire Nicole, trente-huit ans de maison chez Doux.

"Le plus gros de la crise est devant nous"

Besancenot laisse parler, écoute, approuve du regard. Plus tard, quand il prend la parole devant une soixantaine de manifestants, réunis dans la pénombre étrange d’un bowling-boîte de nuit, le trotskiste s’emploie à transformer la détresse en indignation. "Je suis ici pour vous dire qu’on est écoeurés par ces licenciements invisibles dans les JT, explique-t-il, assis sur un tabouret de bar. Pour nous, le groupe Doux est la caricature de ce qui se passe partout. Ils ont palpé toutes les subventions possibles, c’est du détournement de fond public. Ce n’est pas aux travailleurs de payer les erreurs des patrons." Il exhorte son assistance à se battre. "C’est votre mobilisation, je ne vais pas me l’approprier, mais je tâcherai de la relayer nationalement. Ne baissez pas les bras." Ou encore : "Si on met bout à bout tous ceux qui sont en train de se faire allumer par le patronat ou par Sarkozy, on peut faire du raffut."

Le facteur se défend de capitaliser la misère sociale. Mais il sent la colère monter, il l’attise, et cette colère sera politique. "Le plus gros de la crise financière est devant nous. On va assister à des licenciements en cascade. On aura du grain à moudre, il y a un espace qui se dégage." S’il multiplie ainsi les déplacements, parfois pour une poignée de grévistes, c’est pour "être utile à ceux qui résistent, les rendre visibles". D’ailleurs, il est sollicité de toute part, aux quatre coins de la France, et ne peut répondre à toutes les demandes tant elles sont nombreuses.

Les gens, ravis de rencontrer une vedette, lui sont d’autant plus reconnaissants qu’ils ne croisent aucune autre personnalité politique de son envergure. C’est ainsi que la star de la contestation construit son ascension. "Je suis un catalyseur, dit-il. On va faire en sorte que Sarkozy ne mène pas sa barque sur un long fleuve tranquille jusqu’en 2012. Je fais le boulot de la gauche." Besancenot rêve aujourd’hui de créer une "alliance entre les salariés et la population". Il mise sur la journée de grève du 23 septembre contre la "privatisation de La Poste", appelant ses collègues postiers "à la résistance et à la désobéissance à l’égard de la direction". Et croit fort à l’idée d’un référendum sur la question, projet porté par l’ensemble de la gauche. "Cela permettra de faire faire de la politique à des millions de personnes, faire la jonction entre les agents et les usagers. En Suède, la privatisation de la poste a entraîné la suppression de 25% des effectifs et une hausse de 75% des tarifs." Petit à petit, Besancenot pose ses pions. Il lancera son Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) en janvier 2009. "Ce n’est pas ’mon’ parti, je ne serai qu’un porte-parole parmi d’autres", assure- t-il. Mais il le sait : sans lui, l’extrême gauche comme les salariés de Doux seraient confinés à l’anonymat.

Par Bertrand GRECO, à Locminé (Morbihan).


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message