Nationaliser les banques !

samedi 25 octobre 2008.
 

Il n’y avait pas d’autres possibilité nous dit-on que d’accepter le plan de Sarkozy qui met (sous des formes diverses) 360 milliards d’euros à la disposition des banques. Pour Manuel Valls, cette acceptation serait même le critère qui différencie l’homme d’Etat de celui qui ne le sera jamais.

A ceux qui s’indignent que de telles sommes soient offertes à des spéculateurs dont les pratiques ont mis l’économie mondiale au bord du gouffre, il est répondu, que sans ce plan, nous ne serions pas au bord du gouffre mais au fond du gouffre.

A ceux qui s’étonnent que l’on puisse trouver si facilement 40 milliards d’euros pour « recapitaliser » les banques alors que la droite n’arrivait pas à trouver 2 milliards pour les retraites par répartition, il est répondu que sans le refinancement des banques, c’était l’économie qui s’écroulait et avec elle, tout notre système de retraite.

Les banques seraient « trop grandes pour faire faillite ».

Ces réponses ont pour elles la force d’une certaine réalité, celle de la prise en otage de l’économie mondiale par les banques et la finance. En effet, si le système bancaire s’écroulait comme un château de cartes, nous nous retrouverions dans une situation analogue à celle qui avait suivi la crise de 1929 : une profonde récession, la multiplication des faillites d’entreprises, l’explosion du nombre de chômeurs, la baisse des salaires, des retraites et des minimas sociaux. Car, dans ces cas là, ce sont toujours « ceux d’en bas » qui commencent par payer la gabegie de ceux d’en haut.

Comment éviter le retour de la crise financière ?

Mais ces affirmations ne répondent pas à une autre question, tout aussi importante : comment éviter de nous retrouver, demain ou après-demain, dans la même situation qu’aujourd’hui ?

Les banques, en effet, ont fait courir un danger mortel à l’économie mondiale et, loin d’être sanctionnées, l’Etat vient à leur secours et leur rachète (d’une façon ou d’une autre) leurs « créances pourries ».

Comment croire, dans ces conditions, que les banques ne recommenceront pas ?

L’épisode de la perte de 600 millions d’euros par la Caisse d’Epargne dans une opération spéculative, alors même que les projecteurs sont braqués sur les banques, devrait faire réfléchir, même les plus obtus des libéraux. Les banques n’ont rien changé à leurs pratiques spéculatives et quelques soient les réglementations qui pourraient sortir d’un « Bretton Woods » de la finance, elles feront tous pour les contourner et continuer leur quête du profit maximum.

La seule justification au plan de refinancement des banques, c’est leur nationalisation intégrale. L’argument utilisé par Susan George est imparable : puisque les banques sont « trop grandes pour faire faillite », elles sont aussi trop grandes pour faire partie du secteur privé ! Il n’est pas possible, en effet, de laisser aux mains du secteur privé dont le seul objectif est la recherche du profit maximum une arme aussi dangereuse pour l’ensemble de l’économie.

Le mot même de « nationalisation » fait de plus en plus peur à la droite

C’est Gordon Brown qui le premier a imposé, de fait, la première nationalisation, en janvier 2008 quand l’Etat britannique a racheté la Nothern Rock pour rétablir la confiance des déposants, de plus en plus nombreux à attendre l’ouverture de la banque et exiger la restitution immédiate de leurs dépôts.

Mais le mot de « nationalisation » fait maintenant peur à la droite car il pourrait donner des idées au salariat et pas seulement dans le domaine de la banque ou des assurances. Fillon préfère donc parler de « recapitalisation ». Un mot tout à fait dans l’optique libérale qui indique que l’Etat n’est qu’un actionnaire comme les autres et que dès qu’il le pourra, il laissera la place au privé. Les pertes auront alors été socialisées et les profits pourront de nouveau être privatisés. Un classique, en quelque sorte. D’autant, et c’est un comble, que Sarkozy a reconnu qu’il n’abandonnait pas l’objectif de privatiser la banque postale et la Poste. Cette privatisation n’est que « différée »…

En accordant 10,5 milliards d’euro (plus que le déficit cumulé de la Sécurité sociale !) à six banques françaises, Sarkozy va encore plus loin. L’Etat, en effet, apporte ces milliards pour renforcer les fonds propres des banques (ce qui constitue bien une nationalisation même partielle) mais ne devient même pas actionnaire de ces six banques. Leurs dirigeants ne voulaient pas : ils se méfient de l’Etat, ont-ils le culot de préciser. Ces fonds sont censés permettre aux banques de « prêter aux entreprises et aux ménages », comme si ce n’était pas leur métier !

La BNPP rassure aussitôt ses actionnaires « cette émission ne diluera pas les actionnaires et n’aura aucune conséquence sur la gouvernance de la BNPP et sa politique de dividende ». On ne peut être plus clair : qu’importe les risques que les banques ont fait prendre à l’ensemble de la société, il n’est pas question pour le gouvernement de toucher quoi que ce soit à la façon de diriger ces banques ou aux dividendes de leurs actionnaires.

Les nationalisations ne doivent pas être temporaires

Si la nationalisation n’est que temporaire, les dirigeants de la banque concernée n’auront qu’un seul objectif : rembourser au plus tôt l’Etat pour que leur établissement retourne entièrement aux mains des capitaux privés et continuer tranquillement ses habituelles spéculations.

De ce point de vue, la conduite de la Nothern Bank au Royaume Uni est édifiante. Cette banque est nationalisée depuis plus moins de huit mois mais a déjà remboursé 11,4 milliards de livres sur le total des 26 versés par l’Etat britannique.

Comment les dirigeants de cette banque ont-ils procédés pour y parvenir ? Tout d’abord, ils ont licencié 1 500 salariés. Ils ont ensuite, réduit leur activité de prêt à l’économie (ce qui devrait pourtant être l’activité essentielle d’une banque). Ils ont, enfin, pratiqué (proportionnellement à leur encours de crédit immobilier) deux fois plus de saisies immobilières que la moyenne des 104 expulsions quotidienne opérées par l’ensemble des banques

Des nationalisations sous contrôle de l’Etat et des salariés des banques

Des nationalisations partielles, n’osant même pas dire leur nom, laissent les mains libres aux dirigeants des banques et n’apportent aucune garantie pour l’avenir. Le risque de les voir mettre de nouveau l’économie aux bords du gouffre sera toujours aussi présent.

Cette absence de garantie est évidente dans le plan de refinancement de 10,5 milliards d’euros mis en place par le gouvernement français. Les représentants de l’Etat ne siègeront même pas au Conseil d’Administration des établissements bancaires. L’Etat ne sera qu’un créancier obligataire et ne pourra donc pas prendre part aux décisions stratégiques de la banque.

Les dirigeants faillis restent en place.

Les seules contreparties qui leur sont demandé sont « des engagement de nature économique et de nature éthique ». L’ « éthique » porte, en réalité, sur les rémunérations des dirigeants et consiste à faire beaucoup de bruit sur un aspect, certes scandaleux, de la gestion des banques mais pour mieux faire oublier tout le reste et notamment les dividendes versés aux actionnaires. Quand aux engagements de nature économique, ils portent sur « le volume de crédits accordés aux ménages et aux entreprises ». Rien, dans ces engagements, n’empêchent les banques de continuer leurs pratiques spéculatives. Pourquoi, d’ailleurs, y renonceraient-elles ? Quand elles spéculent, elles espèrent bien obtenir des profits de l’ordre de 20 ou 25 % du capital investi et si elles échouent l’Etat leur offre des dizaines de milliards d’euros au taux de dérisoire de 4 ou 5 %.

Les nationalisations doivent donc combiner plusieurs caractéristiques.

Elles doivent se faire sans indemnité, ni rachat : les actionnaires, les dirigeants des banques n’ont que trop profité de la situation sans jamais prendre en considération les risques qu’ils faisaient courir à toute la société. Ils doivent beaucoup à la société mais la société ne leur doit rien.

Ces nationalisations doivent être intégrales. Dans le cas contraire, c’est la logique du capital privé qui prévaudra, comme pour la Nothern Bank.

Elles doivent concerner les principales banques françaises (notamment BNPParibas, la Société Générale, le Crédit Agricole-Crédit Lyonnais) afin de permettre avec la Caisse des dépôts et Consignation et la Banque postale la constitution d’un puissant pôle public de crédit.

Les dirigeants de ces banques ne doivent pas rester en place. Ils ont déjà amplement fait la preuve de leur savoir-faire. Ils doivent partir avec des indemnités normales (deux ans de salaires dans le meilleur des cas) et sans bénéficier de leurs exorbitantes « retraites chapeau ».

Aucun plan de licenciement des salariés du secteur n’est envisageable, les salaires devront être intégralement maintenus. Ce n’est pas aux salariés de payer les erreurs catastrophiques de leurs dirigeants.

Le profit ne doit plus être l’objectif d’une banque nationalisée. Le prétexte de la course au profit des banques était la crainte d’être racheté en bourse si la valeur de leur action baissait et la volonté de racheter d’autres banques dans une espèce de Monopoly à l’échelle planétaire. Une fois, nationalisée, hors de toute cotation boursière, une banque n’aura plus aucune raison de subir cette crainte ou de poursuivre cet objectif.

Les banques nationalisées seront dotées d’une mission de service public : le financement des entreprises et des ménages. Elles n’auront plus le droit de se livrer à la moindre spéculation. Les rapports entre les capitaux propres et les crédits accordés seront strictement réglementés afin de permettre le financement de l’économie tout en évitant des prises de risques disproportionnées.

Les nouveaux dirigeants des banques, nommées par l’Etat, seront étroitement contrôlés par l’Etat mais aussi par les salariés des banques et par leurs syndicats. Il est hors de question de laisser s’instaurer la situation qui avait vu (par exemple) le Crédit Lyonnais, banque nationalisée, avoir les mêmes pratiques que les banques privées.

Seul, ce nouveau type de nationalisation, pourra permettre de contrôler le système bancaire et de redonner à la banque sa seule fonction : le financement des ménages et des entreprises. Le monde commencera à être remis sur ces pieds : les banques seront au service de l’économie et non l’économie au service des banques. Des usagers, pas des clients

La nationalisation des banques, la modification de leurs objectifs aura également un autre avantage qui ne sera pas sans intérêt pour ceux qui sont, aujourd’hui, les « clients » des banques.

Il y a 30 ans, le résultat des banques françaises avaient une seule origine : les intérêts réalisés sur les crédits qu’elles octroyaient.

Aujourd’hui, ces résultats ont une triple origine (comptant chacune en moyenne pour un tiers dans ces résultats) : les intérêts sur les crédits, la spéculation financière, les commissions imposées aux clients.

La nationalisation des banques, avec pour objectif de simplement équilibrer leurs bilans et non de rechercher à augmenter chaque année leurs profits, permettrait non seulement de proscrire les opérations spéculatives mais également de supprimer les commissions de toute nature imposées au client. Le client devenu « usager » pourrait enfin entrer sans crainte dans son agence bancaire. Il ne serait plus angoissé à l’idée de voir une nouvelle commission lui tomber dessus à chaque fois qu’il tousserait ou respirerait un peu trop fort.

Jean-Jacques Chavigné


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