Un 29 mars, à Madagascar

mardi 31 mars 2009.
 

62 années plus tard, on ne connaît toujours pas exactement le nombre de victimes de l’insurrection anticolonialiste de mars 1947, dans la Grande Île. Si on se réfère seulement à l’impressionnante surface des tombes fraternelles de Moramanga, dans l’Est du pays, on a une idée assez claire de ce que fut la répression. Comme pour le 8 mai 1945 à Sétif, cet épisode de notre histoire commune a été couvert d’une chape de silence lourde de sous-entendus, lourde de malentendus, surtout.

Pendant la seconde guerre mondiale, Madagascar, se range aux ordres de Vichy. Pour, en 42, passer à ceux des Anglais, lesquels vont rendre l’île à de Gaulle. Mais les élites rêvent d’une autre liberté, d’une reconnaissance totale de leur citoyenneté française, plutôt que d’un statut d’indigènes propre à susciter des aspirations d’indépendance, chez les jeunes gens aussi, bien sûr. De cet esprit de liberté va naître le Mouvement Démocratique de la Rénovation Malgache. Joseph Raseta et Joseph Ravoahangy, députés à l’Assemblée constituante depuis 1945, mènent une contestation qui va rapidement se muer en bain de sang. Un peu partout dans le pays, mais surtout sur la côte Est, va s’élever la dissidence, presque une jacquerie. Le MDRM appelle à la modération, mais les rancœurs sont exacerbées et l’injustice criante va, comme partout, produire de la violence, et encore de la violence en retour. Les forces coloniales se surpassent. Le chiffre des victimes fait encore débat. Mais après tout qu’importe ? 40 000 ? 80 000 ? 100 000 ? Cela change quoi au symbole, à la blessure ? Combien de « malagasy » mourront de faim dans la forêt où ils se sont enfuis ? Combien n’oublieront jamais les tortures et les exécutions sommaires ? Combien de villageois terrorisés par les représailles ? Un exemple, que vous n’oublierez pas, si vous aussi vous passez un jour par Moramanga. Moramanga qui n’a rien effacé… Rien effacé de ces centaines de militants enfermés dans des wagons bouclés et fusillés, comme ça, pour l’exemple. Quel exemple ! Le vazaha -l’européen- en voyage par ces contrées en garde un goût amer, un goût de culpabilité, un goût de responsabilité mal assumée, un goût de Français pas bien fier de sa patrie des Lumières. Les députés ? On les accusera d’avoir ourdi la rébellion, d’avoir comploté contre la République, d’avoir armé les révoltés. Ils seront condamnés à mort, puis graciés, puis exilés. Les premiers symptômes d’une indépendance, en somme. Qui mettra encore plus de dix ans à exister réellement. Mais dans les mémoires, les wagons de Moramanga pèseront lourd, encore bien longtemps.

Tôt ou tard, quand on parle de liberté des peuples, on rencontre Camus. Dès mai 47, dans Combat, il écrivait que nous faisions à Madagascar « ce que nous avions reproché aux Allemands » et il ajoutait « si aujourd’hui, des Français apprennent sans révolte les méthodes que d’autres Français utilisent envers des Malgaches ou des Algériens, c’est qu’ils vivent de manière inconsciente, sur la certitude que nous sommes supérieurs en quelque manière à ces peuples et que le choix des moyens propres à illustrer cette supériorité importe peu. »

brigitte blang pg57

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29 mars 1947 L’insurrection pour l’indépendance de Madagascar est massacrée par l’armée française

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