Chili : Le peuple Mapuche lutte toujours pour ses droits

vendredi 21 août 2009.
 

Le Chili est un pays magnifique et immense (4 000 km de long) où la violence de certains affrontements sociaux si éloignés de la région capitale peuvent passer quasiment inaperçus pour le voyageur et l’observateur étranger que je suis. Et pourtant, je veux revenir et insister dans ce billet sur la question Mapuche.

Les Mapuches sont les derniers descendants des peuples qui vivaient au Chili avant la colonisation espagnole. Ils représentent encore 600 000 personnes, soit 4 % de la population, vivant essentiellement dans des régions au sud de la capitale, notamment autour de Temuco. Que veulent-ils ? Ils attendent bien sûr une reconnaissance culturelle, mais pas seulement. Ils luttent à présent contre l’injustice sociale que représente l’expropriation de leurs terres par de grands groupes privés, particulièrement les quelques familles qui possèdent l’essentiel des richesses du Chili. Durant les années de dictature, les militaires ont mené de pair une politique clientéliste en corrompant quelques chefs de tribus (les lonkos) et en cédant d’immenses territoires à des intérêts privés.

Depuis le retour de la « démocratie », les Mapuches ont relevé la tête, se sont réorganisés et s’opposent à ces privatisations et à ce « bradage » de leurs sols. Depuis 1990, ils luttent pour la reconnaissance de leurs droits. Le paradoxe est que tous les gouvernements qui se sont succédés n’ont apporté aucune réponse satisfaisante à leur mobilisation et pire, ont maintenu les mécanismes de répression établis par les militaires. Excédés, après avoir utilisé toutes les formes de mobilisation pacifique (pétitions, grèves de la faim…) les Mapuches se mobilisent aujourd’hui avec détermination et mènent des actions quelquefois violentes pour se faire entendre. Parfois, ils cassent des barrières, détruisent des lieux symboliques ou occupent des sols illégalement. Mais franchement, celui qui s’indignerait par de tels comportements n’a jamais assisté à une manifestation d’agriculteurs ou de viticulteurs français. Les Mapuches crient leurs colères, ils réclament justice, mais ils n’ont jamais fait la moindre victime durant leurs manifestations. Il n’en est pas de même pour les forces de l’ordre toujours dirigées par les militaires. Ici encore, elles arrêtent sans fondements, elles provoquent, elles manipulent et régulièrement elles tirent pour tuer. Une fois de plus, mercredi 12 août, un homme est mort au Chili pendant une manifestation. Tué d’une balle dans le dos. Il s’appelait Jaime Mendoza-Collio, il avait 24 ans, était père de famille, il avait deux enfants.

Cet assassinant révoltant s’inscrit dans une longue suite de meurtres du même type. C’était déjà le cas l’an dernier et ainsi des dizaines de personnes ont été tués ou grièvement blessés depuis une vingtaine d’années. En plus des injustices sociales qui règnent au Chili, le mépris envers les Mapuches est aussi un des sombres bilans de la Concertation et de la présidence « socialiste » de Mme Michelle Bachelet.

*********************************************************

Je publie dans les lignes qui suivent un communiqué paru sur le site (en français) mapuches.org qui raconte ce meurtre avec plus de précisions. Je vous recommande aussi un article d’Alain Devalpo paru en 2006 dans le Monde Diplomatique .

La mort d’un jeune Mapuche

Origine du conflit

Ce nouvel épisode dramatique de la lutte des indiens mapuches pour leurs terres s’est initié à la fin du mois de juillet quand une délégation d’autorités traditionnelles mapuches a voyagé jusqu’à Santiago dans l’espoir d’être reçue par la présidente de la République. Suite au refus de celle-ci les lonkos ont informé qu’ils allaient commencer, avec leurs communautés, un processus massif de récupération de leurs terres usurpées. Rapidement le mouvement a prit de l’ampleur et de nombreux terrains ont été occupés par les communautés en lutte, particulièrement dans les communautés d’Ercilla, Cunco, Temucuicui, Futruno, le mouvement s’est étendu sur les 8ème, 9ème et 10ème régions du chili.

Immédiatement les zones en conflit ont été militarisées et quelques jours plus tard un lonko a dénoncé la présence, parmi les forces policières, de membres du commando Trizano (commando para militaire composé de Pinochetistes et fascistes chiliens), informations démenties par le ministre de l’intérieur, jusqu’à ce que le même commando Trizano publie une déclaration dans la presse locale informant de son intention sic « de dynamiter un certain nombre de responsables de communautés pour en finir définitivement avec le conflit mapuche », déclaration incluant noms et lieux de vie des victimes ainsi désignées.

Les récupérations de terres se sont alors intensifiées et la violence policière aussi, pendant que le gouvernement tentait de démentir ou minimiser la gravité de telles menaces.

Il faut signaler que ce mouvement de récupérations de terres est le plus massif qui se soit produit depuis le début du conflit mapuche en 1992. Durant quinze jours, les persécutions dans les communautés, les arrestations durant les manifestations, les inculpations n’ont cessé de croitre. D’un autre coté des plaintes, ont été déposées aux nations unies, à la commission des droits de l’homme et devant différentes instances internationales pour que cesse une répression brutale et incontrôlée des communautés en lutte.

La mort d’un jeune mapuche.

Dans l’après midi du 12 aout, vers 14 heures, la nouvelle est tombée sur radio Bio Bio un jeune membre de communauté vient d’être assassiné, Jaime Mendoza Collío durant une récupération de terres. La première version officielle a été que le policier avait tiré en état de légitime défense et suite à une embuscade qui aurait été tendue par les mapuches, et d’exhiber à la télévision un casque avec des marques de plombs de chasse. L’identité de la victime n’a été connue que tard dans nuit et de très violents incidents se sont produits quand les mapuches ont tenté de récupérer le corps de la victime. Le lendemain, et suite aux conclusions de l’institut médicolégal, la vérité est apparue Jaime Mendoza Collío a été tué alors qu’il s’enfuyait, la balle est entrée par le dos et est ressortie par le thorax.

La victime fait partie de la communauté Requem Pillan et était un ami d’Alex Lemmun, lui aussi assassiné par la police durant une récupération de terres. Il avait 24 ans et était père de deux enfants.

Réactions

Immédiatement de nombreuses manifestations se sont déroulées dans tout le pays, laissant un solde important de détenus, blessés graves et légers. A Santiago, la seconde manifestation de vendredi soir s’est soldée par 70 personnes arrêtées qui ont passé la nuit dans un commissariat. Dans le même temps la présidente Bachelet présentait « ses sincères condoléances à la famille en affirmant que la violence est injustifiable ». Dans le sud, les affrontements se multiplient, incendies de bâtiments sur les terres des terratenientes, blocage des grandes voies de communication, barricades, manifestions. Les perquisitions dans les communautés se sont intensifiées et divers leaders mapuches ont été arrêtés à leur domicile. Entre autres : Claudio Tranamil, José Lepiche et Juan Carlos Millanao, à Cañete. Cette après midi du 16 aout 2009, se réalisent les funérailles du jeune mapuche assassiné, funérailles qui vont réunir des centaines de communautés. Depuis jeudi des bus amènent de tout le pays les militants mapuches qui viennent exprimer leurs condoléances à la famille et leur refus de la répression sanglante qui les affecte. Le gouvernement a renforcé la surveillance policière dans toute la zone. Les communautés et dirigeants d’organisations mapuches pour leur part ont réaffirmé leur intension de continuer le lutte pour la récupération de terres usurpées et contre l’impunité de ceux qui sont responsables de la mort des militants mapuches.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message