Le label rouge "communiste" peut-il être étiqueté à Mélenchon ?

vendredi 22 septembre 2017.
 

Le communisme de com’

Nous présentons ici un article publié par un site qui n’est pas connu pour sa sympathie pour Jean-Luc Mélenchon. Il est rédigé par un journaliste qui, en l’occurrence, fait son travail honnêtement en montrant que Mélenchon ne peut être taxé de "communiste" comme voudrait le faire croire un certain nombre de propagandistes de droite et d’extrême droite.

L’article a le mérite de ne pas vouloir enfermer Mélenchon dans une étiquette et d’essayer de saisir différents aspects de sa démarche politique.

Certes, cet article n’est pas parfait puisqu’il comporte quelques lacunes pour comprendre, par exemple, la critique de Mélenchon à l’égard du PCF. Il n’est pas indiqué que Mélenchon s’opposait à la pratique opportuniste d’un certain nombre d’élus locaux communistes organisant des alliances à géométrie variable, avec un PS qui menait une politique de droite.

D’autre part, il aurait pu être indiqué que le programme porté par Mélenchon L’Avenir en commun est loin d’être un programme étatiste, collectiviste ou remettant en cause les libertés individuelles.

Mais avec ses limites et avec son style, il s’agit ici d’un article de bonne tenue. Ce qui n’est malheureusement pas souvent le cas lorsque la presse se préoccupent de la politique de Jean-Luc Mélenchon et de La France Insoumise.

N’oublions pas non plus que cet article a été écrit durant la période électorale.

Voici donc l’article.

Pourquoi l’étiquette "communiste" ne colle pas à Mélenchon

Source : huffingtonpost.fr/ Le 12/04/2017 Actualisé 13/04/2017 Par Geoffroy Clavel

Geoffroy Clavel est le responsable du service politique du Huffington Post. Il a été chargé de couvrir la politique française pour le quotidien Direct Matin pendant 4 ans après un passage par MTV France et Le Progrès.

URL source : http://www.huffingtonpost.fr/2017/0...

Pourquoi l’étiquette "communiste" ne colle pas à Mélenchon

PRÉSIDENTIELLE 2017 - Le (gros) mot est lâché. Préoccupés par la progression fulgurante de Jean-Luc Mélenchon dans les enquêtes d’opinion, ses rivaux François Fillon et Emmanuel Macron l’attaquent désormais nommément dans leurs meetings, qualifiant tous deux le candidat de la France insoumise de "communiste". "Le révolutionnaire communiste, il était sénateur socialiste quand j’étais encore au collège", fustige le candidat d’En Marche !. "C’est pas avec le programme communiste de M. Mélenchon et le retour au franc de Mme Le Pen que l’économie française va redémarrer", renchérit le candidat Les Républicains.

Communisme : un mot chargé d’histoire qui résonne à l’évidence comme une moquerie dans la bouche des responsables politiques du centre et de la droite, dont les familles politiques se sont battues sans relâche contre le bloc soviétique, les crimes du stalinisme et les dérives des révolutions maoïstes.

Si la caricature du communiste le couteau entre les dents n’a pas encore refait surface, certains commentateurs n’hésitent pas à inscrire Jean-Luc Mélenchon dans cet imaginaire. De Ruth Elkrief (BFMTV) pour qui la posture pacifiste de l’eurodéputé renvoie "aux années 50 et à l’URSS" jusqu’à l’éditorialiste du Figaro Yves Thréard qui lie Mélenchon au "programme commun des années 70" et au communiste Jacques Duclos qui avait recueilli 21,27% des voix à l’élection présidentielle de 1969.

Taxation des riches et du capital, soutien (du bout des lèvres) du PCF, réhabilitation de la lutte des classes, qualités de tribun rappelant celles de Georges Marchais, proximité sentimentale avec Cuba... Les indices visant à rejeter le leader de la "France insoumise" dans le camp marxiste ne manquent pas. Féru d’histoire révolutionnaire depuis celle de 1789 jusqu’aux révolutions bolivariennes sud-américaines en passant par la Commune de Paris, Jean-Luc Mélenchon assume un compagnonnage de fait avec la mythologie politique chère aux héritiers de Maurice Thorez et de Waldeck Rochet.

Mais comparaison n’est pas raison. Et ces indices font fi de l’originalité de la démarche de la "France insoumise" ainsi que de l’itinéraire hybride de l’ancien socialiste, dont le mentor François Mitterrand avait activement contribué à l’effacement du Parti communiste français à partir des années 80.

Ni nostalgie de l’URSS ni "réappropriation des moyens de production"

L’histoire personnelle de l’enfant de Tanger est une démonstration en soi de la difficulté d’assigner Jean-Luc Mélenchon à la seule famille communiste. Ses détracteurs (de droite) lui reprochent son adhésion dans les années 70 à l’Organisation communiste internationaliste (OCI) de Lambert ? C’est oublier que le trotskiste "Santerre" (son pseudo de l’époque) y a également côtoyé Jean-Christophe Cambadélis, actuel premier secrétaire du PS, ancien soutien de Dominique Strauss-Kahn et peu réputé pour son amour inconsidéré de la "réappropriation des moyens de production".

D’essence stalinienne, le PCF n’a d’ailleurs jamais considéré le vibrionnant orateur comme l’un des siens. Quant aux purs et durs de Lutte Ouvrière, ceux-ci figurent parmi les critiques les plus sévères vis à vis du "bourgeois" Mélenchon, coupable à leurs yeux de servir "la bonne soupe réformiste" au système capitaliste.

Précisons que le jeune Mélenchon s’est forgé une identité politique, non dans la nostalgie d’une URSS déjà chancelante, mais dans le mitterrandisme triomphant de la fin des années 70. Son intronisation dans une loge franc-maçonne au début des années 80, mal vue dans les milieux communistes, en témoigne.

Trente ans plus tard, lorsqu’il rompt avec le Parti socialiste, où il aura tout de même passé l’essentiel de sa vie politique, de sénateur de l’Essonne à ministre de Lionel Jospin, Jean-Luc Mélenchon ne rejoint pas un PCF moribond mais choisit de fonder son propre parti, le Parti de Gauche, inspiré du Die Linke (La Gauche) allemand.

Exit d’emblée la stratégie révolutionnaire et la dictature du prolétariat (que même le PCF ne défend plus). Idéologiquement, le futur député européen pose ainsi les bases de son projet politique :

« Nous proposons un horizon politique, au-delà du capitalisme, la République Sociale et le programme des transitions qui y conduisent. Nous proposons enfin une stratégie à vocation majoritaire au parlement et au gouvernement, la stratégie du Front de gauche. »

"En France, il y a toujours eu une tradition de radicalité, longtemps incarnée par le PCF. Quand celui-ci s’est effacé, Jean-Luc Mélenchon a repris le flambeau de cette radicalité sans reprendre celui de la tradition communiste", résume Roger Martelli, historien du communisme.

Le "mélenchonisme" est un dépassement

Si la logique de cartel du Front de Gauche va faire long feu, le "mélenchonisme" (un terme rejeté par le principal intéressé dans une famille politique où toute personnalisation est jugée coupable) se veut non simplement une synthèse des gauches antilibérales qui émergent au début des années 2000 mais un dépassement de la dispersion des gauches dans un cadre national et républicain.

"Nous, les membres du Parti de gauche, sommes tous des Oskar Lafontaine, des Hugo Chavez, des Evo Morales, des socialistes, des communistes, des écologistes, des trotskistes et même des libertaires à notre manière ! Nous sommes tout cela et nous sommes passionnément républicains !", explicite-t-il à la fondation du Parti de Gauche.

Une idée très largement inspirée par les luttes altermondialistes et antilibérales des années 2000. "Le courant antilibéral, qui vise à dénoncer la dérive néolibérale et le social-libéralisme, va culminer au moment du débat référendaire sur la Constitution européenne de 2005. C’est ce même courant qui va irriguer la plateforme programmatique du Front de Gauche puis de la France insoumise", note l’historien Roger Martelli.

Cette logique de dépassement, Jean-Luc Mélenchon l’applique d’emblée en plaçant au coeur de son logiciel idéologique la transition énergétique et le refus du productivisme... cher au Parti communiste français. "La crise du capitalisme nous oblige à réinventer la gauche, et ce dans l’action. Après la chute du communisme d’Etat et la déroute de la social-démocratie, devant les limites si vite atteintes par l’écologie politique, il va falloir, en résolvant concrètement les problèmes, devenir les inventeurs d’un nouveau chemin", plaide-t-il en novembre 2008.

Une rupture avec les totems de la gauche communiste

S’il rompt avec la gauche socialiste, Jean-Luc Mélenchon n’en reprend pas pour autant les totems de la tradition communiste. Engagé dans une bataille culturelle contre l’extrême droite, le chef de file du Front de gauche se revendique "populiste de gauche" pour asseoir sa légitimité populaire, se proclame "souverainiste internationaliste" en flirtant avec le protectionnisme, assume le rôle des frontières et refuse "la liberté d’installation" en rupture avec une partie de l’extrême gauche.

Alors que sa bienveillance supposée à l’égard du président russe Vladimir Poutine lui vaut de sérieux reproches à gauche, Jean-Luc Mélenchon réhabilite dans son propre camp la nation et le patriotisme, réintroduit le drapeau français dans ses meetings (aujourd’hui omniprésent), privilégie la Marseillaise à l’Internationale. En septembre 2016, un cadre communiste s’étrangle : "Mélenchon tourne nationaliste. L’orientation qu’il a progressivement choisie, y compris à propos de l’euro, est de caresser les nationalistes dans le sens du poil. Avant son score de 12 % à la présidentielle, il n’avait pas son autonomie, ni la légitimité du suffrage universel. Maintenant, c’est le cas, donc il se permet de tenir de tels propos."

Inspiré par les mouvements populaires anti-libéraux, comme les Indignados espagnols, Jean-Luc Mélenchon va pousser cette logique de dépassement jusqu’à son terme en fondant la "France insoumise" au début de l’année 2016. Pariant sur l’effondrement du système partisan français, le tribun prend de court le PCF en se lançant très tôt dans la course à l’élection présidentielle, s’attirant au passage un procès durable en "césarisme", lui qui revendique l’usage du référendum comme outil de révocation des élus.

Depuis le torchon brûle avec le PCF, qui n’a soutenu le chef de file de la "France insoumise" que sous la pression de sa base. Un ralliement contraint considéré par le député André Chassaigne comme "un coup fatal porté au Parti communiste" mais potentiellement gagnant pour la gauche antilibérale. "Pendant la campagne de 1969, Jacques Duclos avait dépassé les 20% de voix en incarnant une rupture communiste tout comme le vote utile de gauche face à une SFIO en crise. C’est l’effet miroir de ce qu’incarne aujourd’hui Jean-Luc Mélenchon", pointe Roger Martelli.

Fin de l’article de Geoffroy Clavel

Hervé Debonrivage


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