Sous investissement des ultralibéraux dans l’enseignement supérieur.

vendredi 27 janvier 2023.
 

Investir suffisamment dans le savoir, notamment dans l’enseignement supérieur public nécessite trois qualités : une vision de long terme, un souci préoccupation de l’intérêt national, une priorité donnée aux services publics. Or les dirigeants ultralibéraux ne possèdent pas ces qualités ce qui conduit progressivement l’Université à l’effondrement comme dans d’autres secteurs.

La France dépense-t-elle assez pour ses universités ?

Par Romain Bizeul

https://www.mediacites.fr/veracites...

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INVESTISSEMENT GLOBAL EN HAUSSE IRRÉGULIÈRE…

La France a consacré 32,6 milliards d’euros à son enseignement supérieur en 2019, une Dépense d’Investissement dans l’Enseignement (DIE) qui recouvre à la fois les investissements publics et privés. Ce montant est deux fois plus élevé qu’en 2000. Mais il s’agit d’une hausse irrégulière. Depuis un peu plus de dix ans, elle progresse par à-coups avec des paliers. Un tel tassement s’observe sur les trois premières années de la présidence Macron.

Cette dépense représente 1,47 % du Produit intérieur brut (PIB) en 2018. Un chiffre globalement stable depuis 2009. L’investissement de la France est à peine supérieur à la moyenne des 38 pays membres de l’OCDE (1,43 % du PIB). L’effort est moindre que celui de la majorité des pays d’Europe du Nord (1,67 % aux Pays-Bas par exemple) et beaucoup plus faible que celui du Royaume-Uni (2 %). Sans parler des Etats-Unis (2,5 %)… Mais la France dépense proportionnellement davantage que l’Allemagne (1,24 %). Et plus que ses grands voisins du sud, Espagne et Italie.

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… INSUFFISANT FACE À L’AUGMENTATION DU NOMBRE D’ÉTUDIANTS

L’effort de la France en matière d’enseignement supérieur peut ainsi être qualifié de moyen selon les comparaisons internationales. Il s’avère insuffisant pour répondre à la croissance de la population étudiante, notamment depuis le tournant des années 2010.

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Nombre d’étudiants et dépense par étudiant

« Entre 2008 et 2018, le nombre d’étudiants dans l’enseignement supérieur en France est passé de 2,2 millions à 2,7 millions, soit une hausse de plus de 20 %, alors qu’en parallèle, le budget de l’enseignement supérieur n’augmentait que d’environ 10 %, en prenant en compte l’inflation, détaille Asma Benhenda, enseignante-chercheuse en économie à l’University College de Londres, dans une interview au Monde. La dépense par étudiant a donc baissé de presque 10 % sur la période. »

La France consacrait 11 580 euros par étudiant en 2020, selon l’Insee. Soit un investissement moyen ramené au niveau… de 2006. Ce montant a connu un pic durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, à 12 840 euros en 2009, avant de baisser de façon quasi régulière depuis.

L’ indicateur « dépenses par étudiant » place la France, là encore, juste au-dessus de la moyenne de l’OCDE. Avec toujours les pays d’Europe du Nord dans le peloton de tête tandis que l’Allemagne reste derrière l’hexagone (10 435 dollars par étudiant). Dans ce palmarès, le Royaume-Uni (22 291 dollars) et surtout les États-Unis (29 152 dollars), apparaissent hors concours grâce à leurs universités prestigieuses. Celles-ci bénéficient d’apports privés importants et de de droits d’inscription élevés, surtout pour les étudiants étrangers.

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TROP DE FINANCEMENT PUBLIC, SELON MACRON ?

Emmanuel Macron voudrait-il s’inspirer de ce mode de financement ? Devant les présidents d’universités, le président de la République a en tout cas pointé les limites du système actuel en stigmatisant un « modèle qui est beaucoup plus financé sur l’argent public que partout dans le monde ». Cette petite phrase sibylline pourrait laisser entendre que l’Etat aurait atteint ses limites en la matière. Mais cette affirmation est exagérée, voire tout simplement fausse.

D’après des chiffres de 2017, l’université française est certes financée à 87 % par des subventions publiques (l’État prend en charge 81 %, les collectivités territoriales et l’Union européenne le reste), avec des droits d’inscription qui ne pèsent que 2 % de leurs ressources. Mais ce taux atteint 96 % dans un pays comme la Finlande.

Part de financement public France

De plus, si l’on considère l’enseignement supérieur dans son ensemble – privé et public – la part du financement public est loin d’avoir atteint un sommet historique. Elle est au contraire en baisse, passant de 82 % en 2010 à 78 % en 2018 et même 77,3 % en 2019, selon les dernières données du gouvernement. Ce taux situe la France toujours en dessous de la moyenne de l’Union européenne. Il y a donc bien des pays – et non des moindres – dont l’État finance plus l’enseignement supérieur.

Comparaison de la part de financement public

La baisse relative de l’investissement public est la conséquence du succès des établissements privés. Ils ne cessent d’attirer toujours plus d’étudiants. Selon les services statistiques du ministère de l’éducation nationale, les inscriptions dans le privé ont doublé depuis 1998 tandis qu’elles n’ont augmenté que de 17 % dans le public. Résultat, la part des frais d’inscription dans les dépenses d’enseignement supérieur augmente quasiment tous les ans pour avoisiner aujourd’hui les 10 %. Une dépense qui repose donc sur les étudiants et leurs parents.

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SOUS-INVESTISSEMENT À L’UNIVERSITÉ, SUCCÈS DU PRIVÉ

« Depuis 10 ans, on n’investit plus assez dans le public. Les étudiants préfèrent se tourner vers le privé pour étudier dans de bonnes conditions, plutôt que d’aller dans des licences à l’université qui sont très mal encadrées », observe Élise Huillery, professeur d’économie à Paris-Dauphine. Elle est la rédactrice, avec Gabrielle Fack, d’une note du Conseil d’analyse économique (CAE) intitulée « Enseignement supérieur : pour un investissement plus juste et plus efficace ».

Quand 9 enseignants-chercheurs encadrent 100 étudiants dans les écoles d’ingénieur, par exemple, ils ne sont que 3,5 pour 100 étudiants en licence à l’université. Cette différence d’encadrement expliquerait, avec le volume d’heures de cours, l’essentiel des écarts d’investissement entre les filières.

Le coût moyen d’une année s’élève ainsi à 3 730 euros en licence contre 8 271 en école de commerce et 10 848 en école d’ingénieur, selon l’estimation d’une autre note du CAE. Reste que toutes les formations dispensées dans des établissements publics ne sont pas logées à la même enseigne. Certaines figurent même parmi les plus coûteuses. C’est le cas des classes préparatoires aux grandes écoles (13 400 euros), des BTS (12 372) et des DUT (9 747). Quoi qu’il en soit, l’université apparaît bien comme le parent pauvre de l’enseignement supérieur français.

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LE NIVEAU D’INVESTISSEMENT, CLÉ DE LA RÉUSSITE ?

Seuls 40,70 % des étudiants ayant entamé une licence en France finissent diplômés à l’issue des 3 ans, selon les chiffres les plus récents de l’OCDE. À titre de comparaison, en Grande-Bretagne, ils sont 71,79 % à obtenir le diplôme. Ce faible taux de réussite est-il la conséquence d’un investissement trop faible ?

À voir les résultats des filières courtes (DUT et BTS), on pourrait le penser : 61 % des étudiants obtiennent leur diplôme comme prévu en deux ans. Mais dans les DUT, qui dépendent pourtant des universités, les étudiants sont encadrés par 8,9 enseignants en moyenne, soit deux fois plus qu’en licence.

La solution ? « Un investissement supplémentaire est nécessaire, de l’ordre de 5 100 euros pour les licences et de 4 300 euros pour les masters, afin de proposer des formations d’une qualité au moins égale à celle des DUT », préconise la note du Conseil d’Analyse économique.

En tout, ses autrices recommandent un investissement supplémentaire dans l’enseignement supérieur de 7,5 milliards d’euros par an pour résoudre ces distorsions. « Ce n’est pas un montant faramineux quand on sait qu’à terme l’investissement dans l’éducation est rentabilisé, souligne l’économiste Élise Huillery. Après, ce sont des choix politiques. »

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DÉPENSES D’ÉDUCATION : LES SOURCES ET LEURS LIMITES

Le Compte de l’Éducation, élaboré sous sous la responsabilité de l’Insee mesure l’effort monétaire que la collectivité nationale consacre au système éducatif. C’est la référence. Mais isoler les données correspondant uniquement à l’enseignement supérieur de celles concernant l’enseignement primaire et secondaire n’est pas possible tout le temps.

L’OCDE, chaque année, publie Regards sur l’éducation. Ce rapport évalue la situation de l’éducation dans les pays de l’OCDE. Mais attention ! Les statistiques qui concernent le supérieur intègrent parfois les dépenses de Recherche et Développement.

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Romain Bizeul

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PRÉCARITÉ ÉTUDIANTE : UNE GALÈRE À TOUS LES ÉTAGES

Source : ACTUALITÉS

https://journalmamater.fr/2019/11/2...

Il y a deux semaines, Anas s’immolait devant le Crous de Lyon. Depuis, les réseaux sociaux croulent sous le hashtag #Laprécaritétue et sous les témoignages d’étudiants qui dénoncent une précarité, voire une misère, croissante, tout en pointant du doigt le manque d’actions concrètes et de soutien.

LA BOURSE AU CENTRE DES DÉBATS

Au centre du débat : la bourse, que touche environ 38% des étudiants, attribuée par le CROUS selon le revenu du foyer fiscal auquel l’étudiant est rattaché. Le maximum alloué par le Crous est de 555€, pour un élève éligible à l’échelon le plus élevé sachant qu’ en 2015, l’INSEE plaçait le seuil de pauvreté à 1015€ par mois pour une personne seule. L’année d’après, environ 21% des étudiants étaient considérés par l’organisme comme vivant sous ce seuil. Des chiffres qui toutefois ne rendent pas compte de la réalité, de la misère quasi-quotidienne : certains étudiants mangent pour 1€ par jour, d’autres survivent grâce aux épiceries solidaires qui ouvrent çà et là. Paquets de pâtes à 10 centimes, viande à moins d’un euro, produits d’hygiène, de quoi subvenir aux besoins les plus pressants et avoir assez pour payer le loyer et les factures au début du mois prochain.

DES TROUBLES POUR LA VIE ÉTUDIANTE

Selon l’Observatoire de la Vie Etudiante (OVE), près d’un étudiant sur deux travaille à côté de ses études, certains cumulent même plusieurs petits boulots. Sans surprise, la plupart des étudiants estiment que leur emploi a un effet négatif sur leurs études, voire qu’il est la raison de leur échec. Ces témoignages suscitent de nombreuses réactions, parfois en soutien aux étudiants, parfois à leur encontre. Certains soulignent que les études ne sont pas obligatoires, qu’il ne faut pas en faire si on ne peut pas les financer, que les parents doivent aider leurs enfants, ou encore que prendre un travail en plus de la fac, “ce n’est pas la fin du monde”. Dans les réponses, le “ok boomer” se fait sa place, de même que la colère, car le débat est complexe : chaque étudiant à une situation spécifique. Boursier ou non, chez ses parents ou locataire, résident d’une chambre du Crous, étudiant en province ou dans la capitale… les cas de figures sont presque infinis, il n’existe pas d’étudiant “type”, mais autant de situations plus ou moins difficiles.

Certains renoncent à se chauffer en hiver, d’autres à se soigner, et d’autres encore dépendent d’associations caritatives ; parmi les étudiants qui résident dans des logements du Crous, beaucoup dénoncent l’insalubrité, le manque d’intimité et les loyers exorbitants pour des chambres de moins de 15m². Côté emploi, les plus chanceux décrochent un temps partiel et bénéficient d’horaires assez souples qui s’adaptent à leurs études, les autres cumulent les petits boulots ou s’insèrent dans le marché de l’ubérisation en devenant livreur – un métier dangereux, qui a coûté la vie à un étudiant Bordelais en Janvier dernier.

DES CONSÉQUENCES POLITIQUES

Qui dit précarité dit aussi misère sociale et parfois troubles psychologiques : angoisse, dépression. A cela s’ajoute souvent une impossibilité de consulter un professionnel de santé en raison du coût des consultations. Beaucoup d’étudiants dénoncent le manque de soutien et d’accompagnement des établissements, notamment en cas de réorientation ou de difficultés financières. Anas venait de “tripler” sa deuxième année de licence en sciences politiques, et avait par conséquent perdu sa bourse du Crous, plongeant ainsi dans une précarité plus grande. Certains commentaires pointent “l’inutilité de poursuivre des études” ou bien la nécessité de “réaliser qu’on est pas fait pour ça”, mais d’autres soulignent que le débat est ailleurs. Son université, pourtant au courant de sa situation, ne l’a pas aidé à se réorienter, ni orienté vers des aides financières potentielles qui auraient pu l’aider. Cependant l’heure n’est plus au “et si”, maintenant que le pire est arrivé, mais la question est soulevée et le débat fait rage.

Les étudiants nombreux également à déplorer le silence du gouvernement, du Crous, du Ministre de l’Intérieur, face au drame qui secoue la France étudiante depuis plus d’une semaine. Quelques syndicats étudiants appellent à une grève jointe avec les cheminots et les personnels infirmiers à partir du 5 décembre. Le 12 Novembre dernier, une première manifestation parisienne s’est achevée par la détérioration des grilles du Ministère de l’Enseignement supérieur ; à Lyon ou à Lille, les étudiants se sont rassemblés devant le Crous pour exprimer leur détresse et soutenir Anas, dont ils espèrent que le geste, désespéré, n’aura pas été vain. Certains syndicats étudiants ont déjà déclaré leur volonté de se joindre à la grève massive du 5 décembre prochain, afin de réclamer haut et fort des réponses et des solutions au gouvernement : affaire à suivre donc, à présent que le débat est ouvert.

Chloé Touchard

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HD

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Sources :

https://www.ouest-france.fr/educati...

https://www.la-croix.com/France/A-P...

https://www.francetvinfo.fr/societe...


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