Comment définir la notion de Peuple ?

mercredi 7 juin 2023.
 

Population et peuple relèvent-ils du même champ conceptuel ?

Qu’est-ce qu’un peuple ? Par quel processus politique exprimer son pouvoir ?

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Dans son émission « Avec philosophie » du 29 mai au 1er juin 2023, Géraldine Muhlmann sur France Culture a traité d’une entité difficile à définir : celle d’un peuple.

Nous indiquons ici comment accéder à chacune de ces 4 émissions de 58 minutes chacune.

On retrouve dans ces 4 émissions les grands noms fondateurs de la philosophie politique : Aristote, Hobdes, Locke, Rousseau autour d’un concept fondamental : celui de peuple.

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Épisode 1 comment un peuple agit-il ?

Écouter l’émission de 58 minutes avec le lien suivant :

https://www.radiofrance.fr/francecu...

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Résumé de l’émission sur le site de FC.

Le peuple semble échapper à la possibilité d’une définition. Se confondant pour certains avec la nation, pour d’autres à une classe sociale, ou encore à un combat contre l’État, il faut peut-être, à défaut de le définir, étudier ce passage par lequel la multitude devient peuple.

Avec

Gérard Bras professeur de philosophie en classes préparatoires, ancien directeur de programme au Collège International de Philosophie et Président de l’Université Populaire des Hauts-de-Seine

Yohan Dubigeon politiste spécialiste des enjeux de démocratie radicale et d’éducation populaire et maître de conférence à l’Université Jean Monnet de Saint-Etienne

Avec philosophie consacre cette série d’émissions à la notion de peuple. Le peuple est volontiers invoqué, souvent pour dire qu’il est trahi, y compris dans les régimes démocratiques. Mais qu’est-ce que le peuple exactement ? Constitue-t-il une entité unifiée par-delà la pluralité des individus ? Peut-il apparaître "en personne" pour parler comme le philosophe anglais du XVIIe siècle Thomas Hobbes, ou bien n’existe-t-il politiquement qu’à travers ses représentants, l’unité de ces derniers donnant seulement une unité aux représentés, comme disait encore Hobbes ? La bataille philosophie est rude à propos de la notion de peuple.

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Dans ce premier épisode, Géraldine Muhlmann, avec Gérard Bras et Yohan Dubigeon, se demandent comment agit un peuple. On part de cette observation : est souvent bien toléré, même estimé, le peuple électeur, celui juste deviné derrière les institutions qui le représentent, le "peuple-fiction" comme dirons les plus caustiques. En revanche, le peuple agissant, qui se montre de manière certes partielle, mais tangible, est beaucoup moins apprécié dans l’histoire de la pensée politique et de la philosophie. Populas, foule, multitude vulgaire et informe, les mots ne manquent pas pour en parler d’une manière péjorative. Faut-il croire que beaucoup est accordé au peuple, mais pas d’agir ? Ou faut-il croire que dans l’action, le peuple n’est pas toujours au meilleur de lui-même ?

Il n’est pas possible de définir de façon essentielle et figée le "peuple". En effet, Gérard Bras précise qu’une telle définition "trace des frontières" et que, "sous l’apparence de l’inclusion, elle contribue à exclure". Le concept de peuple sert à "faire une enveloppe, un groupe, en homogénéisant les éléments". Ceux qui n’ont pas la qualité prérequis pour être inclus dans le groupe en sont donc exclus. Afin de ne pas en faire une entité substantielle, Gérard Bras suggère, à la suite d’Etienne Tassin, "d’éviter de parler du peuple au singulier et de toujours parler des peuples au pluriel.

Il y a toujours une pluralité et ce qui gêne la philosophie politique depuis Platon, c’est qu’on n’arrive jamais à unifier, à homogénéiser le peuple. Il y a toujours des tensions entre différentes manières d’être peuple."

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L’omniprésence du terme "populisme"

Le problème posé par le terme "populisme" ne peut pas être contourné parce qu’il est omniprésent aujourd’hui sur la scène politique. Yohan Dubigeon souligne que ce terme est effectivement problématique an tant qu’il garde "toute une ambiguïté qui est totalement volontaire tant que de la part de ses détracteurs que de la part de ceux qui l’utilisent de manière plutôt méliorative". Il explique cette apparition du terme populisme aujourd’hui dans la scène publique "par une rupture d’une forme de bloc historique" qui concerne notamment "la partie gauche de l’échiquier politique".

Pendant très longtemps, précise-t-il, "la gauche au sens large, on peut dire la social-démocratie, faisait bloc entre deux grandes questions : la question sociale, c’est-à-dire la question des inégalités, de la répartition des richesses, et ce qu’on pourrait nommer, de manière imparfaite, le champ des questions culturelles ou du progressisme culturel, à savoir les questions de racisme, de genre ou encore d’écologie. Puis, à partir des années 1980, la gauche a commencé à laisser de côté la question sociale pour se concentrer essentiellement sur les questions de progressisme culturel. Cela s’explique par un malaise de la social-démocratie qui se convertit aux théories socio-économiques du néolibéralisme et qui assume de tourner le dos aux classes populaires pour se tourner plutôt vers les classes moyennes, voire les classes aisées. De ce point de vue-là, la gauche laisse un boulevard récupéré par les "populistes" aujourd’hui, mais les "populistes" d’extrême droite comme d’extrême gauche. C’est ce qui permet par exemple au Rassemblement National de se dire les représentants du peuple, des classes populaires, contre les élites."

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Les intervenants

Gérard Bras, professeur de philosophie en classes préparatoires, maintenant en activité sans contraintes, ancien directeur de programme au Collège International de Philosophie et Président de l’Université Populaire des Hauts-de-Seine. Il participe à un groupe de travail qui a publié six volumes intitulés De la puissance du peuple aux Éditions du Temps des Cerises. Il a notamment publié : Les voies du peuple, préface d’Etienne Balibar, éditions Amsterdam, 2018. Et dirigé le collectif intitulé De l’injustice, éditions du Pont 9, 2020. Yohan Dubigeon, politiste spécialiste des enjeux de démocratie radicale et d’éducation populaire et maître de conférence à l’Université Jean Monnet de Saint-Etienne. Il a notamment publié : La démocratie des conseils. Aux origines modernes de l’autogouvernement, éditions Kincksieck, 2017. Et contribué à l’ouvrage collectif Histoire globale des socialismes, XIXe-XXIe siècle, sous la direction de Jean-Numa Ducange, Razmig Keucheyan et Stéphanie Roza, paru chez PUF en 2021, à l’entrée "Conseils ouvriers". Références sonores Archive de Jacques Rancière, conférence intitulée "Le peuple existe-t-il ?", à l’occasion des Rencontre de Sophie sur “le peuple” au Théâtre de Saint-Nazaire, août 2022 Lecture par Riyad Cairat d’un extrait de Honoré Gabriel Riquetti, comte de Mirabeau, discours du 16 juin 1789, dans Orateurs de la Révolution française, tome I, Les Constituants, éditions Gallimard, 1989 Archive de Emmanuel Macron, "Pour Emmanuel Macron, ’la foule n’a pas de légitimité’ face aux élus", diffusée sur LCI, mars 2023 Archive de l’appel du Comité central de la Commune, "Le parlementarisme, la crise perpétuelle de la représentation", En quête de politique, présentée par Thomas Legrand sur France Inter, avril 2023 Chanson de fin d’émission : "(For God’s Sake) Give More Power to the People", de l’album du même nom, par le groupe américain The Chi-Lites (1971)

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Épisode 2 : que nous a appris la Grèce antique sur la notion de peuple et la démocratie ? Aristote et Platon

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S’intéresser au processus historique de la naissance du "peuple" implique de retracer l’histoire de l’instauration de la démocratie dans l’Athènes antique. Comment gouvernait le dèmos, c’est-à-dire le corps civique de la cité, dans l’Antiquité grecque ? Que retenir de cette conception du "peuple" ?

Or Avec Noémie Villacèque maîtresse de conférence en Histoire grecque à l’Université de Reims Champagne-Ardenne René de Nicolay agrégé de lettres classiques, docteur en philosophie de l’ENS et de l’université de Princeton, et chercheur associé à l’université de Zurich

Avec philosophie consacre cette série d’émissions à la notion de peuple. Dans ce deuxième épisode, Géraldine Muhlmann, avec Noémie Villacèque et René de Nicolay, se demandent ce que nous a appris l’Athènes démocratique antique. Quelles étaient ses institutions et son corps politique ? A-t-elle vraiment évité le phénomène de la représentation comme on le dit parfois ? Ou bien a-t-elle plutôt trouvé des contrepoids à ses représentants pour empêcher qu’ils aient trop de pouvoir ? Comment y a-t-on pensé le problème de la répartition des richesses, problème qui ne manque pas d’apparaître quand il y a égalité politique des citoyens, mais non égalité économique ? Comment cette démocratie a-t-elle été perçue par les philosophes d’Athènes, en particulier par Platon et Aristote qui avaient là-dessus des avis opposés ? Retour à l’Athènes antique pour répondre à ces questions ! Des réformes de Solon à celles de Clisthène Au milieu des années 590 avant J.-C., Athènes est dans une situation extrêmement troublée. Noémie Villacèque précise que "les inégalités sont de plus en plus criantes entre un peuple qui est sous la menace perpétuelle d’un asservissement pour dettes et des élites, certes peu nombreuses, mais qui possèdent à la fois les terres et le pouvoir". C’est dans cette situation conflictuelle, voire violente, que Solon, aristocrate membre de l’une des plus grandes familles athéniennes, est élu comme "arbitre et archonte", dit Aristote*.* Il se trouve alors "au milieu de la lice", selon Nicole Loraux. Autrement dit, il se trouve entre le peuple et les élites pour résoudre le problème*.* Ses réformes consistent non seulement à abolir les dettes, mais aussi à "donner au peuple le pouvoir de désigner les magistrats qui doivent désormais rendre des comptes au peuple. Mais Aristote souligne bien que les élites gardent toutes les magistratures. Ce n’est pas encore une démocratie, mais une collégialité", explique-t-elle*.*

Noémie Villacèque poursuit : "Clisthène arrive sur le devant de la scène politique en 508 avant J.-C. grâce au peuple qui le rappelle alors qu’il était en exil. Il est à l’origine de réformes dans l’intérêt du peuple, ce dernier prenant conscience de lui-même à cette période. Clisthène met en place un système fondé sur la répartition géographique." Le régime démocratique athénien, un régime contradictoire ? René de Nicolay revient sur la tension dans l’histoire d’Athènes, au IVe et au Ve siècles, "entre l’idée que le peuple, de fait, gagne de plus en plus de compétences, étend son pouvoir, et l’idée que cette extension du pouvoir populaire ne doit pas empêcher l’élite intellectuelle et, dans une certaine mesure, sociale, de jouer son rôle, à savoir celui d’éclairer le peuple et d’exercer sa compétence". Il poursuit : "C’est le cas pour les stratèges notamment : personne n’aurait envie de confier une armée à quelqu’un qui n’a pas d’expérience ni de talent particulier. (...) C’est ce qui fait dire à certains critiques, comme Le Vieil Oligarque, que ce régime est éminemment contradictoire. Cet auteur anonyme dit qu’en démocratie, on tire au sort les magistrats de façon à ce que le peuple puisse exercer lui-même les fonctions exécutives, mais que, dès qu’il s’agit de choses vraiment sérieuses, on se met à passer au vote et à élire des gens issus de l’élite." [À réécouter : Quel est le meilleur régime politique identifié par Aristote ?]

* Les intervenants :

Noémie Villacèque, maîtresse de conférence en Histoire grecque à l’Université de Reims Champagne-Ardenne et membre du CERHIC. Elle a beaucoup travaillé sur la théâtralité de la délibération dans la démocratie athénienne (sujet de sa thèse, publiée en 2013 aux Presses universitaires de Rennes sous le titre Spectateurs de paroles ! Délibération démocratique et théâtre à Athènes à l’époque classique). Aujourd’hui, ses travaux ont pris une nouvelle direction, puisqu’elle travaille sur la question du luxe dans la démocratie athénienne, en essayant notamment de comprendre si cela représentait un problème politique. En lien avec la thématique de l’émission, elle a notamment publié : Spectateurs de paroles ! Délibération démocratique et théâtre à Athènes à l’époque classique, Presses Universitaires de Rennes, collection “Histoire”, 2013. Direction d’ouvrage : À l’Assemblée comme au théâtre. Pratiques délibératives des Anciens, perception et résonances modernes, Presses universitaires de Rennes, 2018. Un article : “Chahut et délibération. De la souveraineté populaire dans l’Athènes classique”, dans Participations, vol. 3, no. 2, 2012, pp. 49-69. René de Nicolay, agrégé de lettres classiques, docteur en philosophie de l’ENS et de l’université de Princeton, et chercheur associé à l’université de Zurich. Il a soutenu une thèse en mai 2022 intitulée “Le thème de la liberté excessive dans la philosophie antique : Platon, Aristote et Cicéron”, dont la version anglaise paraîtra d’ici 2024 à Cambridge University Press. Il a également publié des articles sur Platon (revue Polis, 2021), Polybe (revue Historia, 2023), Théophraste (Cambridge Classical Journal, 2023) et Cicéron (revue Classical Philology, 2021). * Références sonores Archive de Pierre Vidal-Naquet, "Les lundis de l’histoire", France Culture, février 1976 Lecture par Aïda N’Diaye d’un extrait de Thucydide, La Guerre du Péloponnèse, II, discours de

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Épisode 3 : des individus ou 1 peuple ? Hobbes et Locke

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Au XVIIe siècle en Grande-Bretagne, les révolutions anglaises remodèlent la conception du peuple. Se pose alors la question de l’unité du peuple : est-elle sous-jacente ou à construire ? Comment les philosophes Thomas Hobbes et John Locke s’inscrivent dans les débats intellectuels de cette époque ?

Avec Philippe Crignon maître de conférences en philosophie politique et juridique à l’université de Nantes Jean-François Dunyach maître de conférences en histoire moderne à Sorbonne Université Avec philosophie consacre cette série d’émissions à la notion de peuple. Dans ce troisième épisode, Géraldine Muhlmann , avec Philippe Crignon et Jean-François Dunyach, se demandent s’il existe des individus ou "un" peuple dans l’Angleterre du XVIIe siècle, où sont nées des œuvres majeures de philosophie politique telles que le Léviathan (1651) de Thomas Hobbes et les Deux traités du gouvernement civil (1651-1690) de John Locke. Entre ces deux dates, 1651 et 1690, c’est un morceau d’histoire politique moderne, extrêmement dense, qui s’est joué en Angleterre. Les années 1640, pendant lesquelles Thomas Hobbes a fait paraître son livre De Cive (Du Citoyen) et faisait mûrir son Léviathan, était une période de guerre civile sanglante. S’y est déployée la première Révolution anglaise, celle qui a conduit à la décapitation du roi Charles Ier en 1649 et à l’installation de la République d’Oliver Cromwell, qui durera jusqu’à la mort de celui-ci en 1658. Autre décor en 1690, lorsque paraît l’opus de John Locke. La dynastie des Stuart est revenue au pouvoir après Cromwell, avec la même tendance absolutiste qu’auparavant, combattue par les libéraux qu’on appelait les Whigs. En 1688, une nouvelle Révolution dite "glorieuse" s’est produite, mais très différente de la précédente, car cette fois, il s’est agi d’une pure révolution de palais ayant installé enfin cette monarchie parlementaire respectueuse des libertés individuelles que les Whigs appelaient de leurs vœux, et Locke avec eux. Publicité La question de philosophie politique qui court à travers toute cette histoire, et à travers les œuvres de ces deux immenses penseurs anglais, Hobbes et Locke, c’est celle des conditions dans lesquelles un peuple peut exister politiquement d’une manière unie. Ces deux penseurs ont produit des théorisations décisives sur ce sujet, alors même que pour eux, la question était aussi terriblement concrète. D’ailleurs, reprendre cette question, c’est ne pas oublier le sang et la peur constante qui entouraient Hobbes, les conflits, les tentatives de coup d’État et l’atmosphère de changement de régime qui entouraient Locke. La mort du roi Philippe Crignon souligne que l’exécution par décapitation de Charles Ier le 30 janvier 1649 a été un "traumatisme" pour le philosophe Thomas Hobbes, comme pour de nombreux anglais. En effet, cet événement signifie "la disparition du souverain". Qu’en est-il alors du peuple ? Que devient-il ? "Est-ce que la souveraineté se répand, se diffuse dans un peuple" qui continue malgré tout d’exister ? Ou bien la société retourne-t-elle au chaos, "à une situation qui serait celle du désordre, de l’état de nature" ? Dans le contexte d’une Angleterre marquée par une perpétuelle guerre civile, Hobbes affirme quant à lui qu’une puissance humaine est toujours nécessaire afin de maîtriser les passions humaines et préserver l’ordre social. Les germes du peuple Pour John Locke, l’état de nature n’est pas nécessairement un état de guerre, rappelle Jean-François Dunyach. Il existe "une communauté humaine, avec des ressources et une raison naturelle". Cette dernière en particulier nous permet de connaître les principes de "lois morales", comme la distinction entre le juste et l’injuste. De même, il existe naturellement quelque chose comme un peuple, qui peut d’ailleurs contracter avec un pouvoir souverain. "Là où Hobbes voit une discontinuité absolue entre l’état de nature et l’état civil, Locke voit au contraire une évolution graduelle". Ce déplacement n’est possible que parce qu’il existe déjà "des germes de liens sociaux" à l’état de nature. Il s’agit de la conscience de faire partie d’une "grande société humaine", et d’être dépositaire d’un "pouvoir de régulation" sur cette communauté. [À réécouter : Hobbes, le fondateur] Ils ont pensé... * Les intervenants Philippe Crignon, maître de conférences en philosophie politique et juridique à l’université de Nantes. Il a notamment publié : Représentation politique et transformations de la citoyenneté, avec Christophe Miqueu, éditions Classiques Garnier, 2017. La philosophie de Hobbes, éditions Vrin, collection Repères Philosophiques, 2017. De l’incarnation à la représentation. L’ontologie politique de Thomas Hobbes, éditions Classiques Garnier, 2012. Jean-François Dunyach, maître de conférences en histoire moderne à Sorbonne Université. Il a notamment publié : Histoire de l’Écosse, éditions Humensis, collection Que sais-je ?, 2023. Histoire de la Grande-Bretagne, éditions Humensis, Que sais-je ? (première édition en 2021), seconde édition mise à jour 2023. Sous l’empire des îles. Histoire croisée des mondes britannique et japonais, avec Nathalie Kouamé, éditions Karthala, 2020. Co-dir ection avec Alban Gautier, Les mondes britanniques, une communauté de destins ?, Presses Universitaires de Rennes, 2018. * Références sonores Extrait du film La mort d’un roi, réalisé par Mike Barker, 2003 Lecture par Manon de La Selle d’un extrait de Thomas Hobbes, Du Citoyen, Chapitre 6 "Du droit de cette assemblée, ou de cet homme seul qui exerce une puissance souveraine dans la société civile", §1, Remarque (1642), traduit de l’anglais en 1649 par Samuel Sorbière, secrétaire de Thomas Hobbes Lecture par Manon de La Selle d’un extrait de Thomas Hobbes, Léviathan, chapitre 15, traduction G. Mairet Chanson de fin d’émission : Canned Heat, "Let’s work together"

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Épisod4 : existe-t-il une volonté du peuple ? Jean-Jacques Rousseau

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• * Présentation de l’émission sur FC.

Le concept le plus structurant du "Contrat social" (1762) de Jean-Jacques Rousseau est celui de peuple. S’associer est "l’acte par lequel un peuple est un peuple" (livre I, chapitre 5), écrit-il. Mais comment s’exprime la volonté générale d’un peuple, si tant est qu’il y en ait une ?

Avec Bruno Bernardi enseignant et chercheur en philosophie spécialiste de la philosophie de Rousseau Avec philosophie consacre cette série d’émissions à la notion de peuple. Dans ce quatrième et dernier épisode, Géraldine Muhlmann, avec Bruno Bernardi, se demandent s’il y a une volonté du peuple. Jean-Jacques Rousseau est sans doute le philosophe le plus confiant de tous dans le fait qu’il y a dans un peuple une puissance d’union par-delà la diversité des individus. En effet, il est convaincu qu’un peuple, cela existe naturellement, sans besoin d’un représentant pour lui donner conventionnellement une unité. Pour lui, ce qu’il faut, c’est donner au peuple les moyens institutionnels de faire entendre sa volonté, une volonté qui existe. Si la volonté du peuple est parfois muette à cause de malheureuses circonstances, elle est fondamentalement juste et indestructible.

La multitude et le peuple

Dans un passage clé du Contrat social, Jean-Jacques Rousseau s’oppose explicitement à Thomas Hobbes quant à la distinction entre la multitude et le peuple. En effet, rappelle Bruno Bernardi, pour Hobbes, il n’existe qu’une multitude d’individus à l’état naturel, et "l’unité ne peut venir que d’en haut". Elle est nécessairement imposée par un représentant. Au contraire, Rousseau s’appuie sur la chimie de son temps, plutôt que sur les principes mécaniques. Pour lui, de la même manière que les corps physiques se constituent sous l’effet d’une "mixtion chimique, qui fait que des éléments distincts entrent en constitution d’un seul corps fortement uni", l’unité du peuple ne vient pas d’une quelconque autorité supérieure, mais bien "de la multitude elle-même".

Les conditions de la délibération Bruno Bernardi évoque une grande originalité de Rousseau : "le lien qu’il établit entre volonté et entendement". Ainsi, le philosophe s’oppose sur ce point à la pensée de la majorité des philosophes des Lumières. Il affirme que "c’est une erreur majeure, du point de vue anthropologique et du point de vue cognitif, de croire à une distinction stricte entre les passions et la raison". Dans le Second discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (1755), Rousseau met en avant le "rôle déterminant" joué par les passions dans le développement de la raison, et celui joué par la raison dans "l’affinement, voire l’exacerbation des passions". Toute sa pensée politique est dès lors orientée vers un objet : parvenir à régler le rapport entre les deux, "créer des conditions passionnelles cognitives" pour délibérer correctement.

[À réécouter : Rousseau : contrer ou réaliser la nature ?]

Les intervenants.

Bruno Bernardi, enseignant et chercheur en philosophie. Ses recherches portent sur l’histoire conceptuelle de la modernité politique et particulièrement sur la place qu’y occupe Rousseau. Spécialiste de la philosophie de Rousseau, il lui a consacré de nombreux travaux et édité plusieurs de ses œuvres. Il anime, depuis sa création (en 2000), les travaux du Groupe Jean-Jacques Rousseau. Aussi, il participe au colloque international “Le possible, le réel et l’idéal chez Rousseau" qui se tient du 1er au 3 juin 2023 en Sorbonne. Sur Rousseau, il a notamment publié : La Fabrique des concepts. Recherches sur l’invention conceptuelle chez Rousseau, éditions Honoré Champion, 2006. Religion, liberté, justice. Sur les Lettres écrites de la montagne J.-J. Rousseau, direction B. Bernardi, F. Guénard et G. Silvestrini, éditions Vrin, 2005. Rousseau et les sciences, direction B. Bensaude-Vincent et B. Bernardi, éditions L’Harmattan, 2003. * Références sonores Lecture du préambule et de l’article 1 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (26 août 1789), un texte lu pour l’émission "L’autre scène ou les vivants et les dieux" sur France Culture en mars 1982 Lecture par Jules Barbier d’un extrait de Jean-Jacques Rousseau, Du Contrat social (1782), livre I, chapitre 5 Lecture par Jules Barbier d’un extrait de Jean-Jacques Rousseau, Du Contrat social (1782), livre III, chapitre 15 Chanson "Join Together" (1972) du groupe The Who Lecture par Géraldine Muhlmann d’un extrait de Jean-Jacques Rousseau, Du Contrat social (1782), livre II, chapitre 6 Chanson de IAM "Ça vient de la rue” de l’album Saison 5 (2007) **

Annexe

Autres émissions connexes sur FC :

Qu’attend-on aujourd’hui des représentants du peuple ? https://www.radiofrance.fr/francecu... *

Les socialismes utopiques du XIXe siècle. https://www.radiofrance.fr/francecu... ** ** L’article Peuple dans l’encyclopédie Diderot : une véritable approche sociologique : intéressant. https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2...

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an-Jacques Rousseau, philosophe de la souveraineté populaire mardi 18 avril 2023. Source : Jacques Serieys sur le site https://www.gauchemip.org/spip.php?...

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Le peuple, hier et aujourd’hui Gilles Boëtsch Dans Hermès, La Revue 2005/2 (n° 42), pages 86 à 91 Source : cairn info https://www.cairn.info/revue-hermes...

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Peuple sur Wikipédia

https://fr.wikipedia.org/wiki/Peuple

* Peuple : définition sur Toupie. Org

https://www.toupie.org/Dictionnaire...

* Définition d’en Encyclopaedia universalis

https://www.universalis.fr/encyclop... * **HD


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